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(Enregistr. C. d'Armaillé.)

liquidation a été trouvée insuffisante quant à ce dernier chef : il a paru à la régie que la cession du bail et de la promesse de vente renfermait deux dispositions indépendantes, passibles chacune du droit spécial à sa nature, et que si la cession de bail n'était soumise qu'au tarif de 20 cent. p. 100 fr., le

vait assujetti au droit immobilier de 5 fr. 50 c. p. 100 fr. sur la fraction pour laquelle la cession de cette promesse était entrée dans le prix total de 210,000 fr. La dame d'Armaillé ayant, sur la réclamation de la régie, fixé à 170,000 fr. le montant de cette fraction, le droit de vente a été exigé en conséquence. Mais la dame d'Armaillé en a immédiatement demandé la restitution contre la régie.

Aux termes d'un acte notarié du 11 avril 1846, les époux Vervelle ont pris à bail pour 53 ans et 9 mois, moyennant un loyer de 5,500 fr. par an (réductible à 5,000 fr. au décés du bailleur), une maison et des terrains appartenant au sieur de Bugny, dans le fau-transport de la promesse de vente se troubourg Saint-Honoré, à Paris. Il a été stipulé que les preneurs auraient le droit, pendant la durée du bail et après le décès du sieur de Bugny, de se rendre acquéreurs des immeubles loués, au prix de 90,000 fr., payables dans les deux ans du jour où les époux Vervelle auraient manifesté leur intention d'acheter ». Après le décès du sieur de Bugny, arrivé en 1852, les représentants des époux Vervelle ont, par acte notarié du 1 août 1863, cédé à la comtesse d'Armaillé 1° leurs droits au bail pour le temps restant à courir; 2o les constructions élevées par eux ou leurs auteurs sur les terrains loués; 3° enfin le bénéfice de la promesse de vente renfermée dans le contrat de bail et dont le décès du sieur de Bugny rendait possible la réalisation actuelle. Pour prix de la cession, la comtesse d'Armaillé s'est engagée, indépendamment de l'exécution des conditions du bail, à payer aux cédants une somme de 210,000 fr., dont 4,000 déclarés applicables aux constructions.-Le receveur a perçu, lors de l'enregistrement du contrat, 5 fr. 50 cent. p. 100, pour droit de vente, sur ces 4,000 fr., et 20 cent. par 100 fr. sur le surplus, en considérant la stipulation comme une simple cession de bail. Mais sa

fice de l'engagement. Cette expectative est un
bien, un alea, auquel les circonstances peuvent
donner une certaine valeur personnelle, semblable
à celle d'un coup de filet à jeter à la mer. Il est
assurément permis au propriétaire d'un tel droit
de le céder à un tiers sous des conditions conve-
nues, et, dans ce cas, la conditionnalité ou l'incer-
titude attachée à la réalisation du droit n'empê-
che pas la transmission d'être actuelle autant que
définitive. Ainsi, pour demeurer dans la spécialité
de notre arrêt, la Cour suprême, dans un arrêt anté-
rieur, a justement reconnu que le bénéfice d'une
promesse de vente était cessible et le prix stipulé
acquis irrévocablement au cédant: Cass., 27 janv.
1841 (P.1843.2.331. S.1841.1.405). Pour
quelle raison alors n'appliquerait-on pas à ce con-
trat la règle générale d'après laquelle le droit pro-
portionnel d'enregistrement est établi sur toutes les
transmissions de propriété de biens meubles ou
immeubles (L. du 22 frim. an 7, art. 3 et 4) ? |
Qu'on ne le soumette pas au droit de la conven-
tion non encore réalisée, rien de mieux. Mais
puisque la cession de l'alea auquel cette réalisa-
tion future a donné naissance est actuelle et qu'elle
opère une mutation définitive de valeurs, il paraît
juste de l'assujettir au droit proportionnel que com-
porte cette mutation spéciale. En poursuivant ri-
goureusement la doctrine contraire consacrée par
notre arrêt dans ses conséquences logiques, il fau-

23 mars 1867, jugement du tribunal de la Seine qui ordonne cette restitution dans les termes suivants : - «Attendu que la demande en restitution de la dame d'Armaillé est fondée sur ce que les béné fices que doivent rapporter les locations de l'immeuble étant supérieurs au prix par elle payé, ce prix ne peut s'appliquer, par suite, qu'à la cession du bail; qu'en supposant qu'il puisse s'appliquer pour partie à l'abandon de la promesse de vente, cet abandon est une disposition dépendante de la cession du bail et, à ce titre, n'est soumis à aucun droit particulier; qu'enfin la cession d'une promesse de vente est purement mobilière et ne pourrait, en tout cas, donner ouverture au droit proportionnel de 5 fr. 50 c. p. 100;· Attendu que le premier moyen invoqué re

drait exempter aussi de l'impôt proportionnel les
cessions faites à titre onéreux d'une valeur litigieu-
se, d'une créance conditionnelle, d'une action quel
conque en revendication. Or, ce résultat paraît ex-
cessif et ne semble pas consacré par l'économie de
la loi. On peut voir, à l'appui de ces réflexions, l'o-
pinion conforme de MM. Demante, Princip. de l'en-
reg., n.417, et Garnier, Rép. gén. d'enreg., n.2578.
-La vérité est que, dans l'espèce, le cessionnaire
avait payé 170,000 fr. au cédant, pour devenir
propriétaire du bénéfice de la promesse de vente,
c'est-à-dire du droit d'acheter, moyennant 90,000
fr., un immeuble qui aujourd'hui
en valait
sans doute au moins 260,000 fr. Cette transmis-
sion était actuelle, puisque la promesse était ir-
révocablement cédée et le prix définitivement
acquis au cédant. Le droit proportionnel était
donc exigible, et c'est avec raison que le principe
n'en avait été contesté ni par les parties, ni par
le tribunal.

Mais cela admis, il reste à déterminer la quotité du droit exigible sur la cession: l'objet cédé doit-il être considéré comme immobilier ou simplement comme mobilier ? Sur ce point, examiné par M. l'avocat général Blanche, qui s'est prononcé dans le premier sens, nous ne pouvons que renvoyer aux conclusions de ce magistrat, que le lecteur trouvera reproduites plus loin.

vient à dire que la comtesse d'Armaillé aurait fait une erreur dans sa déclaration du 20 août 1864, en attribuant une valeur de 170,000 fr. à la cession du droit d'acquérir l'immeuble; Attendu qu'aux termes de l'art. 60 de la loi du 22 frim. an 7, tout droit d'enregistrement régulièrement perçu ne peut être restitué, quels que soient les événements ultérieurs, sauf les cas prévus par ladite loi; que les erreurs commises par les parties dans leurs déclarations ne figurent pas au nombre des causes de restitution prévues par la loi; que ce premier moyen doit donc être écarté; — Attendu qu'il résulte de l'art. 11 de ladite loi, que, lorsqu'un acte contient plusieurs dispositions, elles ne sont soumises chacune, selon son espèce, à un droit particulier, que lorsqu'elles sont indépendantes et ne dérivent pas nécessairement les unes des autres; Attendu qu'en Lait, le bail dont la comtesse d'Armaillé s'est rendue cessionnaire remontait au 11 avril 1846 et avait été consenti pour une durée de 53 ans, moyennant un loyer de 5,500 fr., réductible à 5,000 fr. au décès du bailleur, après lequel les preneurs s'étaient réservé le droit, qu'ils pouvaient exercer pendant toute la durée du bail, d'acquérir l'immeuble au prix de 90,000 fr.; Attendu que cette réserve, faite dans de telles conditions, n'a été évidemment, dans la pensée des parties, qu'une condition intrinsèque du bail, qui faisait l'objet principal de l'acte du 11 avril 1846;-Que les époux Prouvère de la Pommerie ont cédé leurs droits, le 1er août 1863, tels qu'ils résultaient de l'acte originaire; que, par suite, l'abandon du droit d'acquérir netant qu'une conséquence de la cession du bail, duquel ce droit dérivait essentielle

ent, il n'était assujetti à aucune percepon particulière; Attendu qu'en suppoSant qu'un droit spécial fût dû, ce ne pouvait être, en tout cas, le droit de cession

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mmobilière de 5 fr. 50 c. p. 100; qu'en effet, bailleur originaire n'a pas été, par sa proLesse de vente, dépouillé de sa propriété ; laurait pu, en fait, valablement l'aliéner;

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n'est résulté de cette promesse au produ preneur aucun droit réel, mais seule. at une créance l'autorisant à réclamer dommages-intérêts contre le bailleur,

e par celui-ci d'accomplir sa promesse ; -Que l'action du preneur ne pouvant tene à revendiquer un immeuble n'était pas obilière par son objet, suivant l'art. 526, Nap.; que la cession de cette action ne elait pas davantage; - Par ces motifs,

te.»

POURVOI en cassation par la régie.

d'acquérir moyennant un prix déterminé d'avance l'immeuble loué.

2 Moyen. Fausse application des art. 526 et 1589, C. Nap., et violation des art. 69, § 7, n. 1, de la loi du 22 frim. an 7 et 52 de la loi du 28 avril 1816, en ce que le même jugement a décidé que la promesse unilatérale de la vente d'un immeuble se résolvant en dommages-intérêts, constituait une simple créance mobilière.

M. l'avocat général Blanche s'est exprimé en ces termes sur le mérite du pourvoi :

⚫ Dans le jugement déféré à la Cour et dans la discussion, le débat s'est concentré sur les deux points suivants: 1° la cession du droit au bail et celle de la promesse de vente, renfermées dans le même contrat et faites moyennant un seul prix, constituent-elles deux dispositions dépendantes, dérivant l'une de l'autre et assujetties à un seul droit ? 2o La négative étant admise, peut-on considérer la promesse de vente comme donnant naissance à une action immobilière ?-J'examinerai successivement ces deux points. J'irai même au delà, et bien que ni le jugement, ni la défense, n'aient soulevé cette difficulté, je rechercherai si le transport d'une semblable action peut motiver actuellement la perception d'un droit proportionnel quelconque. Nous sommes ici en présence d'une question d'impôt, dans une matière qui touche, par conséquent, à l'ordre public. La Cour peut donc y exercer la plénitude de sa juridiction, et évoquer d'office à sa barre tous les moyens que la première instruction n'a pas révélés.

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Et d'abord, la cession de la promesse de vente est-elle un dérivé nécessaire de la cession du bail?-Cette question ne m'arrêtera pas longtemps. Que les deux conventions aient été, dans l'intention des parties, intimement liées l'une à l'autre, de façon que le cessionnaire n'ait accepté le transport du bail qu'à la condition expresse de recevoir aussi la promesse de vente, c'est ce qui me paraît certain. Mais c'est aussi ce qui me touche peu pour l'interprétation des textes de la loi fiscale. Quand l'art. 11 a soumis à une perception distincte les dispositions du même acte qui ne dérivent pas nécessairement les unes des autres, il s'est évidemment placé sur le terrain des appréciations juridiques. Pas plus ici qu'ailleurs, la volonté des contractants ne saurait créer le droit; il s'impose à elle malgré ses réticences ou ses luttes, et c'est pourquoi l'indépendance dont le législateur a fait sa règle doit se fonder abstractivement sur la nature même des conventions ou de leurs effets. Or, les art. 10 et 11 font voir assez clairement que, pour échapper à la pluralité des droits, les conventions réunies dans un contrat unique doivent se relier d'une manière tellement intime que chacune d'elles soit, pour ainsi dire, nécessaire à l'autre. Tel est le cas proposé pour exemple, par l'art. 10, d'une transmission de biens consentie moyennant un prix payé comptant ou stipulé payable à terme. La livraison des deniers ou l'obligation de les remettre ultérieurement est une corrélation nécessaire de la cession elle-même, puisque la réunion des deux engagements forme seule le contrat. Voilà deux

Moyen. Violation de l'art. 11 et fausse application de l'art. 10 de la loi du 22 frim. an 7, en ce que le jugement attaqué a considéré comme deux dispositions dérivant nécessairement l'une de l'autre, la cession par le même acte d'un droit de bail et du droit réservé dans le contrat originaire dispositions dépendantes, dans le sens le plus

compréhensif du mot! Sans doute, tous les éléments d'un contrat n'ont pas un caractère aussi nettement accusé, et il est peu de matières où l'on ait tant abusé des textes. Mais il me suffit d'avoir signalé à la Cour l'esprit général qui me paraît gouverner leur interprétation. J'en fais de suite l'application à notre espèce.-Le locataire avait à la fois la jouissance des immeubles et le bénéfice d'un engagement qui lui permettait d'acheter ultérieurement la propriété à des conditions avantageuses. Ces deux droits étaient en eux-mêmes tout à fait distincts. Rien n'obligeait leur possesseur de les céder en même temps à un acquéreur unique. Il aurait pu aliéner seulement son droit au bail, ou bien transmettre les deux objets à deux personnes différentes. Je n'aperçois dans leur réunion sur la même tête qu'un effet purement volontaire, qu'une combinaison déterminée par l'avantage réciproque des contractants, sans influence, dès lors, sur la dépendance juridique des deux conventions.-En d'autres termes, les dispositions litigieuses ne me paraissent pas dériver nécessairement l'une de l'autre. Et c'est à tort que le tribunal a affranchi du droit, pour ce motif, la cession de la première vente.

Mais

• J'arrive au second moyen de cassation. Ici, la difficulté se dégage de la spécialité du droit fiscal pour se placer nettement sur le terrain de la législation civile. Il s'agit de savoir quelle est la nature de la promesse unilatérale de vente question grave, devant laquelle l'indécision m'a longtemps retenu, et qui mérite toute l'attention de la Cour. - Qu'est-ce donc que la promesse unilatérale de vente ?-Merlin enseigne que, dans le droit moderne de la France, ces engagements n'ont aucune espèce d'efficacité. S'il en était ainsi, la difficulté serait bientôt résolue, et céder une telle promesse ne serait point assurément transmettre un droit immobilier. l'illustre jurisconsulte était tombé dans l'erreur. La promesse unilatérale est parfaitement valable. Elle crée contre celui qui l'a faite des devoirs dont il ne saurait se dégager à sa guise, et le tiers qui en a pris acte obtient certains droits dont il peut poursuivre l'exercice. Ces droits et ces obligations, quels sont-ils ? Le bénéficiaire de la promesse ne devient pas, certainement, propriétaire de l'immeuble qui en fait l'objet. Cet immeuble continue, au contraire, d'appartenir exclusivement à son ancien possesseur, qui peut l'aliéner comme le grever d'hypothèques. Le jus in re n'est donc pas transmis au stipulant. Mais ce qu'il acquiert, c'est le droit de se faire délivrer l'immeuble quand le moment fixé par le contrat sera venu; et si cet immeuble appartient encore au promettant, son action le conduira nécessairement alors à la transmission de la propriété, soit que le vendeur y consente, soit qu'il refuse. Il possède, en d'autres termes, un véritable jus ad

rem.

. Cette vérité a été mise en parfaite lumière dans l'ancienne jurisprudence par Pothier, en son Traité de la vente, n. 480. La régie a cité cet intéressant passage dans son mémoire; je ne le remettrai donc pas sous les yeux de la Cour.-La doctrine et la jurisprudence modernes ne sont pas moins affirmatives. Tous les auteurs reconnaissent

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que si le stipulant ne devient pas immédiatement propriétaire, il acquiert du moins la faculté de le devenir dans les conditions convenues, c'est-àdire le jus ad rem. C'est ce qu'enseignent MM. Toullier (t. 9, n. 92); Duvergier (t. 1, n. 123); Marcadé (sur l'art. 1589, n. 3); Aubry et Rau (t. 3, p. 229, note 9): Dalloz (v° Vente, n. 293), et Troplong (de la Vente, n. 116). Les pro⚫ messes unilatérales de vente, dit votre savant premier président, subsistent avec le caractère que leur avait imprimé l'ancien droit. Sans doute, elles n'équipollent pas à la vente, mais ⚫elles valent comme promesses obligatoires. Le ⚫ promettant sera obligé de tenir sa promesse, et, en cas de refus, il pourra être contraint par jugement, soit à passer contrat, comme le veut Pothier, soit à faire délivrance de l'objet. La même interprétation résulte de vos arrêts. Vous avez constamment consacré, au profit du bé néficiaire de la promesse de vente, le droit de contraindre son auteur à la livraison de l'immeu ble, quand il ne l'avait pas antérieurement aliéné (arrêts des 9 août 1848, P.1848.2.213.-S. 1848.1.615; 25 juill. 1849, P.1849.2.393.-S. 1850.1.520; 14 mars 1860, P.1861.640.-S. 1860.1.740). Il ne faudrait pas opposer à cette jurisprudence l'arrêt postérieur du 20 janv. 1862 (P.1863.92.-S. 1862.1.705), par lequel la chambre des requêtes a décidé que le droit d'ac cepter une promesse de vente faite à un mineur n'avait aucun caractère immobilier, et se trouvait ainsi à la disposition absolue du tuteur. J'ai eu l'honneur de porter la parole dans cette affaire, et je n'ai pas oublié les circonstances spé ciales qui ont pu déterminer la solution de la Cour. Je me crois donc autorisé, par ces motifs,à conclure que la promesse unilatérale de vente investit l'acheteur futur d'un jus ad rem sur l'immeuble qui en fait l'objet.

• Mais la difficulté n'est qu'à moitié résolue. Il reste à rechercher si le jus ad rem qui s'appli que à un immeuble est lui-même de nature immobilière, et si, dès lors, la cession de ce droit transmet une valeur semblable. L'embarras n'existerait pas si l'on devait prendre à la lettre l'art. 526, C. Nap., car il ne classe au nombre des immeubles par leur objet que les actions tendant à revendiquer un immeuble, c'est-à-dire les actions in re. Mais il est généralement reconnu que ce texte traduit mal la pensée du législateur et doit s'appliquer à toute action qui tend à un immeuble: Quæ tendit ad immobile.-Dans son Traité des choses, Pothier ne laisse aucun doute sur la question (part. 2, § 2). Et bien que les discussions de la loi soient restées muettes sur ce point, il paraît constant, néanmoins, que l'on a voulu reproduire dans l'art. 526 l'opinion de ce grand jurisconsulte, le guide ordinaire de nos legislateurs. C'est l'opinion des commentateurs les plus autorisés, notamment de MM. Marcadé (sur l'art. 526, n. 7); Demolombe (Dist. des biens, n. 345), et Zachariæ (t. 2, p. 22). « Les immeubles

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incorporels, dit ce dernier auteur, sont... les actions qui, fondées sur un droit réel immobilier, ont simplement pour objet la reconnaissance et l'exercice de ce droit, ainsi que celles qui, quel qu'en soit le fondement

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tendent, soit à obtenir l'attribution ou la con⚫stitution d'un droit réel immobilier dont on n'est pas encore investi, soit à récupérer un pareil droit qu'on avait précédemment aliéné.. -Toutes les actions ad rem appliquées à un immeuble sont dans ce cas, les promesses unilatérales de vente comme les autres. Il faut donc en conclure qu'elles ont un caractère immobilier et que leur cession opère la transmission d'un droit immobilier.-L'opinion à laquelle je m'arrête se justifie d'ailleurs, à un autre point de vue, par les principes généraux du droit.-Le Code Napoléon distingue soigneusement, en effet, les obligations de faire et les obligations de donner. Les premières sont essentiellement personnelles, et il n'existe aucun moyen de coaction pour contraindre le débiteur à exécuter sa promesse : Nemo potest cogi ad factum. En présence de ce refus, le seul d-dommagement que le créancier obtiendra sera, d'après l'art. 1142, C. Nap., une indemnité pécuniaire.-Tout au contraire, l'obligation de donper emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu'à la livraison. C'est là l'objet principal de l'engagement. Si la chose existe à l'échéance convenue, le promettant, ou son ayant cause, sera judiciairement forcé de la livrer. Il ne devra de dommages-intérêts que si la délivrance de l'objet est, par sa faute, devenue impossible. L'obligation de donner est donc réelle, puisqu'elle tend directement à la livraison d'un objet déterminé. -Or, la promesse de vente se classe, sans le moindre doute, parmi ces dernières, puisque le vendeur futur s'est engagé à transférer la propriété de l'objet, qu'il peut y être contraint en justice, et n'est que subsidiairement débiteur d'une indemnité. Il est donc impossible d'y voir, comme on la soutenu, une simple action personnelle ayant, à ce titre, un caractère mobilier. J'entendais, tout à l'heure, invoquer l'exemple de l'architecte qui s'est obligé à construire une maison. Son engagement, disait-on, est assurément tout personnel, bien qu'il ait un immeuble pour objet. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi de celui qui s'est obligé à vendre un immeuble ? Pourquoi ? parce que l'engagement de l'architecte est une simple obligation de faire, tandis que la promesse du

vendeur est une

plus tard la délivrance de l'immeuble, si le bénéficiaire réclame l'exécution du contrat et si l'immeuble existe alors entre les mains du promettant. Cette double conditionnalité enlève à la réalisation de l'engagement son effet actuel, puisque tout est rejeté dans les futurs contingents. Aussi la régie ne perçoit-elle, lors de la création de ce droit éventuel, aucun impôt de transmission. Bien que le bénéfice de la promesse soit dès à présent acquis au stipulant, il ne semble pas, sans doute, que ce soit là une valeur transmise dans le sens de l'art. 4 de la loi du 22 frim. an 7, et l'on n'exige à l'enregistrement qu'un droit fixe de 2 fr. Cela étant, pourquoi traiter différemment la cession d'une telle promesse ? L'effet en est de même suspendu; et il est impossible de comprendre comment, quand l'action est affranchie de l'impôt lors de sa naissance, elle y serait soumise lors de sa transmission. Il y a, dans les deux cas, un mouvement de valeur parfaitement identique, puisque, de part et d'autre, il s'agit de l'acquisition par un tiers de la même faculté. Reconnaître que l'achat primitif de l'action est passible du simple droit fixe, c'est donc admettre, par une déduction nécessaire, que sa cession ultérieure ne saurait ellemême acquitter le droit proportionnel.-Je crois que l'administration ne saurait échapper ici aux conséquences de la situation qu'elle s'est faite à elle-même, et j'ai l'honneur de conclure, pour ce motif, au rejet de son pourvoi.

obligation de donner. L'une s'applique à l'immeuble déjà construit, existant dans le patrimoine du débiteur. L'autre a pour but de créer une chose qui n'existe pas encore, et qu'il dépend du débiteur de ne pas produire. On ne peut pas forcer l'architecte à livrer la maison; on peut, au contraire, y forcer le vendeur. Voilà pourquoi la promesse de l'un est personnelle, tandis que celle de l'autre a un caractère manifeste de réalité.Qu'en résulte-t-il pour l'affaire actuelle? C'est que la cession de la promesse unilaterale de vente avait pour objet un droit immobilier, et qu'à ce point de vue, le tribunal de la Seine a mal à propos renvoyé le Trésor à

appliquer le tarif de cession de meubles.

Si le débat était circonscrit dans ces termes, il faudrait donc, selon moi, casser le jugement

attaqué. Mais j'aperçois dans la cause un moyen qui vous semblera peut-être suffisant pour légitimer le rejet du pourvoi.-Le droit réel que renferme la promesse de vente est celui d'obtenir

ANNER 1869.-4 LIVR.

-

ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux moyens: Attendu que le bail consenti le 11 avril 1846 par de Bugny de l'immeuble sis à Paris, rue du Faubourg-Saint-Honoré, n. 157 et 159, réservait aux preneurs, pour toute la durée du bail, la faculté d'acquérir ledit immeuble, moyennant le prix de 90,000 fr. déterminé par avance; que l'obligation résultant à la charge du bailleur de cette promesse simplement unilatérale de vente, était subordonnée à la condition de l'acceptation par les preneurs; qu'elle ne pouvait, dès lors, donner ouverture à un droit proportionnel;

Attendu que la comtesse d'Armaillé, cessionnaire, aux termes de l'acte du 1er août 1863, du droit des preneurs pour le temps restant à courir du bail originaire, a acquis, par l'effet de cession, le bénéfice de la promesse de vente telle qu'elle existait en faveur de ses cédants; qu'ainsi le droit cédé restait conditionnel entre ses mains, et que, dès lors, pas plus que la promesse elle-même la cession dont elle a été l'objet ne pouvait servir de base à la perception d'un droit proportionnel; - D'où il suit que, sans qu'il y ait à rechercher si le droit au bail et la promesse de vente constituaient des dispositions indépendantes dans le contrat originaire, il y a lieu de reconnaître qu'en ordonnant la restitution du droit de mutation immobilière perçu sur la cession du bénéfice de la promesse de vente, le jugement attaqué n'a ni violé ni faussement appliqué les dispositions de loi invoquées par le pourvoi; - Rejette, etc.

28

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Le jugement qui repousse la demande en résiliation d'un marché commercial sous seings privés et en ordonne l'exécution, contient reconnaissance, dans le sens de l'art. 22 de la loi du 11 juin 1859, de l'existence de ce traité, et rend ainsi exigible le droit proportionnel sur la totalité du prix exprimé (1).

(Chotard C. Enregistr.)

Suivant acte sous seings privés du 30 janv. 1863, le sieur Chotard avait pris envers la compagnie du chemin de fer d'Orléans l'obligation de construire, moyennant 1,910,000 fr., une partie de la ligne de Nantes à Napoléon-Vendée. Ce marché commercial fut enregistré au droit fixe provisoire de 2 fr., en vertu de l'art. 22 de la loi du 11 juin 1859.

Des difficultés étant survenues pendant le cours des travaux, l'entrepreneur demanda la résiliation du traité, avec dommages-intérêts; mais une sentence arbitrale, acceptée par

les deux parties, reconnut qu'il n'y avait lieu quant à présent de prononcer cette résiliation, et réserva au sieur Chotard le droit de réclamer ultérieurement une indemnité à la compagnie. Les parties ne purent s'entendre au sujet de l'exécution de la sentence. Alors le sieur Chotard reproduisit devant le tribunal de la Seine sa demande en résiliation du marché et en règlement de comptes. Le 17 oct. 1864, il intervint un jugement dont le dispositif porte: «Dit que c'est à bon droit que la compagnie d'Orléans a mis en régie les travaux dont il s'agit; en conséquence, déclare Chotard non recevable en toutes ses demandes, fins et conclusions, etc. » -La régie a considéré que ce jugement renfermait une véritable reconnaissance du marché enregistré provisoirement au droit fixe, et elle a réclamé de l'entrepreneur, conformément à l'art. 22 précité de la loi du 11 juin 1859, le paiement du droit proportionnel de 1 p. 100 sur le prix stipulé de 1,910,000 fr.

1er févr. 1868, jugement du tribunal de la Seine qui fait droit à cette réclamation ainsi qu'il suit : — « Attendu qu'aux termes de l'art. 22 de la loi du 11 juin 1858, les marchés et traités réputés [actes de commerce peu

(1) L'interprétation consacrée par l'arrêt cidessus l'avait été déjà dans deux arrêts antérieurs, l'un à la date du 29 mai 1865, aff. Chevalier, et l'autre à la date du 25 mars 1867 (P.1867. 889 S.1867.1.337).

vent être enregistrés au droit fixe de 2 fr.; que ce mode d'enregistrement n'est que provisoire, et que le droit proportionnel devient exigible, lorsqu'un jugement portant condam nation, liquidation ou reconnaissance, intervient sur ces marchés et traités, mais seulement sur la partie du prix faisant l'objet de la condamnation, liquidation ou reconnaissance; Attendu que l'expression de condamnation, quelle que soit d'ailleurs sa dénomination de liquidation ou de reconnaissance, doit s'entendre de toute décision qui forme titre en faveur de l'une des parties contre l'autre; que le jugement du 17 oct.1864, en repoussant la demande en résiliation de Chotard, a créé en faveur de la compagnie du chemin de fer d'Orléans un titre qu'elle n'avait pas jusqu'alors; qu'il n'y a donc pas lieu à rechercher, pour la liquidation du droit, jusqu'à concurrence de quelle somme le traité pouvait être exécuté au moment du jugement; que sa validité ayant été contestée et reconnue pour le tout, le droit est dû sur la totalité de la somme pour laquelle il était passé; que le droit proportionnel de titre a donc été régulièrement perçu sur la somme de 1,910,000 fr., montant des travaux à exécuter d'après le marché du 30 janv. 1863;Par ces motifs, etc. >>

POURVOI en cassation par le sieur Chotard, pour fausse interprétation et la violation de l'art. 22 de la loi du 11 juin 1859, et fausse application de l'art. 69, § 3, n. 1; de la loi

du 22 frim. an 7.

M. le conseiller Nachet, rapporteur sur ce pourvoi, a fait les observations suivantes :

Le demandeur reproche au jugement d'a voir faussement interprété et violé l'art. 23 de la loi du 11 juin 1859, en validant la perception du droit proportionnel de titre sur la fotalité du prix d'un marché intervenu entre lui et la compagnie d'Orléans, bien que le jugement qui avait été le prétexte de cette perception ne portât aucune condamnation, liquidation ni reconnaissance de sommes.-Dans le système de la loi du 11 juin 1859, dit le demandeur, le droit proportionnel, quand il devient exigible, ne se perçoit plus comme droit de titre. Ce droit n'aurait plus de raison d'être, puisque l'existence du marché se trouve constatée par l'enregistrement provisoire. Il ne se fractionne pas, tandis que droit proportionnel, dont la loi du 11 juin 1859 autorise la perception, ne doit porter que sur la partie du prix ou des sommes faisant l'objet, dans le jugement, de la condamnation, liquidation ou reconnaissance; de telle sorte que s'il n'y a pas condamnation, liquidation ou reconnaissance pour une somme, la perception n'a plus de base legale.

Cette thèse ne se produit pas à votre barre pour la première fois, et c'est pourquoi nous ne croyons pas devoir entrer devant vous dans des développements désormais inutiles.-Condamnée par un jugement du tribunal de la Seine du 18 avril 1865, elle l'a été également par votre arrêt du 25 mars 1867, au rapport de M. le conseiller

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