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que sur le pied le moins avantageux, ils trou? vèrent bientôt moyen, en joignant leurs pétitions aux bills de subsides, d'avoir part à la législation; et quoique cette manière de parvenir à leurs fins fût simplement tolérée au commencement par la cour, ils surent la convertir, dans la suite, en un vrai droit, en déclarant formellement, sous Henri IV, qu'ils ne s'occuperaient à l'avenir de l'objet des subsides, que lorsque le roi aurait fait une réponse précise à leurs pétitions.

» Dans les temps suivans, on a vù les communes se servir toujours avec succès de ce moyen, pour élaguer de leur gouvernement les restes de despotisme qui faisaient encore partie de la prérogative royale: toutes les fois qu'elles se sont mises sérieusement en devoir de corriger les abus de pouvoir qui s'étaient glissés dans l'administration, subsides et plaintes se sont tenus par la main, pour me servir de l'expression du chevalier Wentworth; et cette méthode a toujours produit l'effet desiré : en général, toutes les fois que les communes, en conséquence de ce qu'un bill leur paraissait essentiel au bien public, l'ont joint à un bill de subsides, il n'a guère manqué de passer dans cette agréable compagnie (1). »

(1)De la constitution d'Angleterre, t. 1er, p. 65 et suiv.

Mais, pour qu'une nation puisse trouver dans cette faculté de voter l'impôt les forces qu'elle doit naturellement y puiser, une condition est indispensable, c'est qu'elle n'en délègue pas l'exercice à des hommes intéressés par leur position à l'exercer à son détriment. Il est bien manifeste que, si elle veut s'en servir pour obliger son gouvernement à modérer l'excès de ses dépenses, elle ne doit pas en confier l'usage aux hommes qu'enrichissent les dépenses de son gouvernement; il est manifeste que, si elle veut s'en servir pour diminuer les forces du pouvoir, ce n'est pas à des agens du pouvoir qu'elle doit en remettre l'exercice. Voilà pourtant ce que fait la nation française. Jamais peuple, assurément, n'a été autant administré que celui-là; jamais peuple n'a autant senti le besoin de mo dérer l'action qu'exercent sur lui les hommes qui l'administrent. Un moyen lui est ouvert pour cela, celui de déterminer lui-même la quantité d'argent que son gouvernement pourra lui pren dre. Sait-on à qui il va confier l'exercice de ce droit? c'est de préférence à des gens du gouver nement. Il se récrie avec humeur contre les dé penses exorbitantes de l'armée, et il délégue le droit de voter l'impôt à des militaires; il est révolté de l'abus qu'on fait des pensions et des

grâces, et c'est à des hommes affamés de grâces et de pensions qu'il donne la mission d'aller empêcher qu'on les prodigue; le conseil d'état, les préfectures sont des institutions dispendieuses et despotiques, qu'il sent le besoin de faire réformer par la représentation nationale, et il nomme pour représentans des préfets et des conseillers d'état. Il est surprenant que desirant, comme il le fait, l'abolition des cours prévôtales, il n'ait pas encore choisi de prévôts pour le représenter. Il faut s'étonner que, voulant jouir de la sûreté individuelle et de la liberté de la presse, il n'ait élevé aux fonctions de députés, ni censeurs, nì commissaires de police, ni gendarmes. C'est un oubli que nous lui faisons apercevoir, et qu'il réparera sans doute aux élections prochaines. La haute police, la censure, les cours prévôtales sont de nobles et libérales institutions, dans lesquelles il ne pourra manquer de trouver d'excellens défenseurs de ses franchises; et nous ne voyons pas pourquoi il donnerait à ces branches du pouvoir, une exclusion qu'il n'a donnée à aucune autre, On sait en effet qu'il n'est point une administration dans laquelle il n'ait choisì quelques-uns des hommes auxquels il délègue le pouvoir d'aller contrôler les actes et les dépenses de l'administration; et il suffit de parcourir la

liste de ses deux cent quarante députés, pour voir qu'elle se compose, aux trois quarts au moins, de lieutenans-généraux, de maréchaux de camp, de colonels, de conseillers d'état, de maîtres des requêtes, de préfets, de chefs de direction et d'administration, de procureurs généraux, de procureurs royaux, et de plusieurs autres. sortes d'agens du gouvernement (1).

Il nous paraît important d'examiner comment une assemblée formée de tels élémens surveille l'emploi qu'on fait de nos finances; comment une représentation, composée en majorité d'ad-.. ministrateurs, a défendu cette année nos revenus contre les dépenses effrayantes de l'administration. C'est l'objet de cet article.

(1) En voyant la nation française composer ainsi sa représentation, une chose nous embarrasse beaucoup c'est de savoir ce que signifie l'importance que cette nation paraît mettre à avoir des représentans; car elle prouve, clair comme le jour, par la manière dont elle les choisit, qu'elle n'en a pas le moindre besoin. En effet, si elle a assez de confiance dans les gens de l'administration pour leur déléguer le droit de la représenter et de la défendre contre les excès de l'administration, elle montre évidemment qu'elle croit n'avoir rien à redouter d'eux, ni d'elle, et que par conséquent la représentation est inutile. Peut-être cependant la croit-elle

La loi du 28 avril, sur les finances, avait fixé le budget de 1816, en dépenses tant ordinaires qu'extraordinaires, à la somme de 839 millions. Cette somme, qui aurait paru énorme dans les temps les plus prospères, devait le paraître bien davantage dans l'état de détresse our se trouvait la France à la suite de deux invasions, et l'on se récriait, en effet, très-fortement sur l'excès d'une telle dépense.

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Cette année, la France se trouve infiniment plus misérable qu'en 1816; aucune cause imprévue, aucun événement extraordinaire n'est venu forcer MM. les ministres à aggraver le fardeau des charges publiques; tout leur imposait

tres,

nécessaire pour ajouter aux forces de l'administration; peut-être trouve-t-elle que les agens du pouvoir sont trop timides, qu'ils n'osent pas assez sur elle; qu'ils n'opèrent pas assez hardiment, en leur qualité de minisde généraux, de préfets, et veut-elle leur donner le moyen d'agir encore sur elle à titre de ses représentans le moyen de la travailler en son nom et constitutionnellement, comme on parle. S'il en est ainsi, à la bonne heure ; sa représentation signifie quelque chose; elle fait preuve de discernement dans le choix qu'elle fait de ses députés, et si elle n'est pas tout-à-fait privée de sentiment, elle doit commencer à être contente de l'action que ses gouvernans exercent sur elle.

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