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ne jouent plus de rôle; il faut qu'elles se marient pour avoir de la consistance. Vous avez du caractère; vous ferez votre chemin'; Vous 'luï Voulez-vous me charger de cette

convenez;

négociation ?»>

» J'attendis la réponse avec anxiété. Elle fut favorable Madame de Beauharnais m'accordait

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sa main, et s'il y a eu des momens de bonheur dans ma vie, c'est à elle que je les ai dus (1).

» Mon attitude dans le monde changea après mon mariage. Il s'était refait, sous le directoire, une manière d'ordre social dans lequel j'avais pris une place assez élevée. L'ambition devenait raisonnable chez moi ; je pouvais aspirer à

tout.

que

» En fait d'ambition, je n'en avais pas d'autre celle d'obtenir un commandement en chef; car un homme n'est rien, s'il n'est précédé d'une réputation militaire. Je croyais être sûr de faire la mienne; car je me sentais l'instinct de la guerre; mais je n'avais pas de droits fondés pour faire une pareille demande. Il fallait me les dondifficile. ner. Dans ce temps-là, ce n'était

pas

(1) On avait cependant prétendu que Bonaparte n'avait épousé madame de Beauharnais que pour faire sa cour à Barras, et devenir général en chef; ce qui suit semble le prouver.

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» L'armée d'Italie était au rebut, parce qu'on ne l'avait destinée à rien. Je pensai à la mettre en mouvement pour attaquer l'Autriche sur le point où elle avait plus de sécurité ; c'està-dire en Italie.

» Le directoire était en paix avec la Prusse et l'Espagne; mais l'Autriche, soldée par l'Angleterre, fortifiait son état militaire, et nous tenait tête sur le Rhin. Il était évident que nous devions faire une diversion en Italie, pour ébranler l'Autriche, pour donner une leçon aux petits princes d'Italie qui s'étaient ligués contre nous, pour donner enfin une couleur décidée à la guerre, qui n'en avait point jusqu'alors.

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» Le plan était si simple, il convenait si bien au directoire, parce qu'il avait besoin de succès pour faire son crédit, que je me hâtai de le présenter, de peur d'être prévenu. Il n'éprouva pas de contradiction, et je fus nommé général en chef de l'armée d'Italie.

>> Je partis pour la joindre. Elle avait reçu quelques renforts de l'armée d'Espagne, et je la trouvai forte de cinquante mille hommes dépourvus de tout, si ce n'est de bonne volonté. J'allais la mettre à l'épreuve. Peu de jours après mon arrivée, j'ordonnai un mouvement général sur toute la ligne. Elle s'étendait de Nice jusqu'à

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Savone, C'était au commencement d'avril 1796, »En trois jours nous enlevâmes tous les postes austro-sardes, qui défendaient les hauteurs de la Ligurie, L'ennemi attaqué brusquement, se rassembla, Nous le rencontrâmes le 10, à Mon tenotte; il fut battu. Le 14, nous l'attaquâmes à Millesino; il fut encore battu, et nous sépa→ râmes les Autrichiens des Piémontais. Geux-ci vinrent prendre position à Mondovi, tandis que les Autrichiens se retiraient sur le Pô, pour couvrir la Lombardie,

Je battis les Piémontais. En trois jours, je m'emparai de toutes les positions du Piémont, et nous étions à neuf lieues de Turin, lorsque je reçus un aide-de-camp qui venait demander la paix.

» Je me regardais alors, pour la première fois, non plus comme un simple général, mais comme un homme appelé à influer sur le sort des peuples (1). Je me vis dans l'histoire.

» Cette paix changeait mon plan. Il ne se bornait plus à faire la guerre en Italie, mais à la conquérir. Je sentais qu'en élargissant le ter

(1) Bonaparte tout en proclamant des principes républicains, aspirait déjà à la royauté. C'est un fait dont l'histoire fournira la preuve,

rain de la révolution, je donnais une base plus solide à son édifice. C'était le meilleur moyen d'assurer son succès,

» La cour de Piémont nous avait cédé toutes sès places fortes. Elle nous avait remis ses pays. Nous étions maîtres par-là des Alpes et des Apenpins. Nous étions, assurés de nos points d'appui, et tranquilles sur notre retraite.

» Dans une si belle position, j'allai attaquer les Autrichiens. Je passai le Pô à Plaisance, et l'Adda à Lodi : ce ne fut pas sans peine, mais Beaulieu se retira, et j'entrai dans Milan.

Les Autrichiens firent des efforts incroyables pour reprendre l'Italie. Je fus obligé de défaire cinq fois leurs armées pour en venir à bout,

» Maître de l'Italie, il fallait y établir le système de la révolution, afin d'attirer ce pays à la France, par des principes et des intérêts communs: c'est-à-dire qu'il fallait y détruire l'ancien régime pour y établir l'égalité, parce qu'elle est la cheville ouvrière de la révolution. J'allais donc avoir sur les bras le clergé, la noblesse, et tout ce qui vivait à leur table. Je prévoyais ces résistances, et je résolus de les vaincre par l'autorité des armes, et sans ameuter le peuple.

» J'avais fait de grandes actions, mais il fallaiţ

prendre une attitude et un langage analogues. La révolution avait détruit chez nous toute espèce de dignité : je ne pouvais pas rendre à la France une pompe royale: je lui donnai le lustre des victoires, et le langage du maître (1).

en

» Je voulais devenir le protecteur de l'Italie, et non son conquérant. J'y suis parvenu, maintenant la discipline de l'armée, en punissant sévèrement les révoltes, et sur-tout en instituant la république cisalpine. Par cette institution, je satisfaisais le vœu prononcé des Italiens, celui d'être indépendans. Je leur donnai ainsi de grandes espérances; il ne dépendait que d'eux de les réaliser, en se liant à notre cause. C'étaient des alliés que je donnais à la France.

» Cette alliance durera long-temps entre les deux peuples, parce qu'elle s'est fondée sur des services et des intérêts communs. Ces deux peuples ont les mêmes opinions et les mêmes mobiles. Ils auraient conservé sans moi leur vieille inimitié.

» Sûr de l'Italie, je ne craignis pas de m'aven

(1) C'est en prenant le langage du maître, que Bonaparte a rendu la France odieuse aux autres nations. Il était d'un habile homme de prendre le langage du maître, et de proclamer en même temps la liberté et l'égalité!

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