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les bases d'après lesquelles toutes les dépenses avaient été établies. La commission du budget a déclaré qu'il ne lui avait été fourni sur ce point rien de complétement satisfaisant. Elle n'a pas dit si elle avait fait des demandes à cet égard, et si l'on avait refusé d'y répondre; mais il est bien certain que, durant la discussion, la chambre n'en a pas fait, et que le ministre de la guerre ne lui a pas fourni des documens suffisans pour pouvoir juger de la proportion des dépenses avec les besoins. Le budget de ce ministre, comme l'a observé devant la chambre de pairs M. le maréchal Marmont, « n'était qu'une récapitulation sèche et aride de chiffres, qui aurait à peine suffi à un administrateur pour se rendre compte à lui-même de son administration, et qui laissait ceux qui étaient étrangers à cette administration dans l'ignorance la plus entière de lavaleur à donner à ces chiffres. »

Aussi, il est curieux de voir l'embarras dans lequel s'est trouvée la commission de la chambre des députés pour apprécier les divers articles de dépenses portés dans ce budget, et le ton du doute avec lequel s'est constamment exprimé à eet égard le rapporteur de cette commission. « Dans l'état actuel de l'armée, disait-il, l'organisation des bureaux a paru avoir beaucoup trop

d'étendue. Les commissions d'examen des anciens officiers et des officiers qui ont servi sous Bônaparte pourraient être annullées.--Il est probable que les corps qui composent la garde royale, ne seront pas, cette année, portés au complet de l'effectif sur lequel la dépense est établié.--Les états majors, qui coûtent près de 14 millions, indépendamment de celui de la garde royale, ne paraissent pas en proportion avec la force de l'armée, dont la solde, pour les troupes de toutes armes, ne s'élève à 32 millions. Les corps des inspas pecteurs aux revues et des commissaires des guerres paraissent susceptibles de réduction.- Les ingénieurs géographes semblent devoir subir une réduction numérique proportionnelle à l'état de de l'armée. Les frais d'habillement et de rémonte pourraient être réduits. La dépense de 8 millions pour le génie pourrait aussi éprouver une réduction. » On pourrait, il semble, il est probable, il parait, il est douteux; telles sont les formules dont s'est servi la commission pour juger tous les articles de dépenses portés au budget du ministre de la guerre. Il lui a été impossible de dire nettement, sur aucun de ces articles, s'il y avait ou s'il n'y avait pas une réduction à faire. Elle a manqué de tout moyen d'établir un jugement certain à cet égard.

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C'est pour des dépenses aussi faciles à appré-, cier que la chambre des députés a été appelée à ouvrir au ministre de la guerre un crédit de 212 millions. Sa commission lui a proposé de réduire cette somme à 196 millions; un membre de la chambre, M. Laffite, demandait qu'on la ré-duisît à 180; un autre membre, au contraire, voulait qu'on la portât à 220; le plus grand nombre insistaient pour qu'on la laissât 212, et qu'on donnât au ministre tout juste ce qu'il avait demandé. Il n'y avait, dans tout cela, qu'une seule chose bien évidente, c'est que toutes les . fixations étaient également arbitraires, et qu'ou ne pouvait accorder à M. le ministre ni 220, ni 212, ni 196, ni 180 millions. Il n'y avait pas à lui accorder 180 centimes; il n'y avait rien à lui accorder; il n'y avait point à voter, parce qu'il n'y avait pas moyen de le faire avec connaissance de cause. Il faut convenir de cela, ou dire que la représentation nationale n'est qu'une. imposture, que le vote de l'impôt n'est qu'une vaine simagrée. Quoi! l'on pourrait voter sur des budgets qui n'offrent qu'une sèche et aride récapitulation de chiffres! dans lesquels on n'a présenté que des masses! où l'on manque. de tout moyen de contrôler les dépenses! où. l'on ne peut déterminer les réductions à faire,

ou à ne pas faire que par des il paraît, il semble, il est propable! Quoi! l'on pourrait voter sur des budgets que l'on peut élever arbitrairement de 180 à 220 millions! Et pourquoi n'avoir voulu porter celui du ministre qu'à 220 millions? pourquoi ne l'avoir voulu réduire qu'à 180? Quelle raison avait-on de s'arrêter à l'une ou à l'autre de ces sommes ?...

Quelque dépourvue qu'elle fût de moyens de juger avec connaissance la dépense énorme qu'on lui demandait d'autoriser, la chambre des députés n'a pas moins consenti à voter sur cette dépense. Elle a pris, pour base de sa délibération, la somme de 196 millions, à laquelle sa commission lui avait proposé de fixer le crédit du ministre. Après de longs et violens débats entre les membres de l'opposition ultra-royaliste qui défendaient le budget de son excellence, et le reste de la chambre qui trouvait ses demandes exagé rées, on s'est réuni lui accorder une somme différente de toutes celles qu'on avait proposées, celle de 204 millions, auxquels on en a joint 4 autres, à cause de la cherté des vivres.

pour

. Il serait impossible de dire si cette somme de 204 ou de 208 millions est plus en proportion avec les véritables besoins de son service que celle de 220 millions, qu'un membre de la chambre

avait proposé de lui accorder, que celle de 212 qu'il avait demandée, ou que celles de 196 ou de 180 auxquelles on aurait voulu le réduire. L'opinion générale est que toutes ces sommes étaient plus ou moins exagérées, et l'on est fondé à le conclure de cela seul que toutes étaient également arbitraires, de cela seul que le ministre n'avait fourni rien de satisfaisant sur l'effectif de l'armée, ni sur l'effectif d'après lequel il avait établi ses dépenses, de cela seul que son budget n'offrait qu'une aride et sèche récapitulation de chiffres; mais on a pu le conclure sur+ tout des débats auxquels ce singulier budget a donné lieu, tant dans les chambres que hors des chambres. Si l'on n'a pas pu démontrer au juste de combien la somme demandée par le ministre excédait ses véritables besoins, il a été prouvé jusqu'à l'évidence qu'il demandait beaucoup plus qu'il ne lui fallait. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les rapports qui ont été faits à la chambre des députés et à la chambre des pairs, et l'opinion qu'a prononcée, dans cette dernière chambre, M. le maréchal Marmont. M. le maréchal, suivant, l'un après l'autre, tous les articles de dépense du ministre, a établi qu'il n'était pas un de ses item sur lequel il n'y eût de fortes réductions à faire; il a prouvé que son

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