Page images
PDF
EPUB

nature, il a des organes qui le rendent propre à se perfectionner; l'homme a pu s'emparer des forces de la nature; il a su, par ses progrès successifs, se faire un domaine de propriété matérielle et de propriété intellectuelle que les générations se transmettent en héritage, et qui s'accroît, par la succession des temps, par de nouvelles acquisitions, qui viennent sans cesse grossir le capital.

Le domaine matériel et intellectuel des anciens était infiniment petit, en comparaison du nôtre. Les peuples étaient isolés, sans communications, inconnus les uns aux autres. L'art de la navigation les a tous mis en rapport: le commerce a excité l'industrie, et le travail, autrefois honteux et réservé aux esclaves, est devenu de nos jours la vertu des peuples; la propriété en est la récompense. Les progrès des arts, les moyens d'échange ont rendu l'homme indépendant il sait vivre de son travail, il n'est plus attaché à la glèbe, son existence ne dépend pas des caprices d'un maître ; il fuit les persécutions, emportant avec lui sa propriété et son industrie, pour les transplanter partout où il trouve liberté, protection et profit.

:

Le domaine intellectuel s'est accru comme le domaine matériel. L'imprimerie est le moyen

magique qui sert à conserver et à accroître ce trésor précieux; il le place à l'abri de toutes les tentatives du despotisme et de la barbarie. Cet art merveilleux met les peuples en conversation permanente; il est un organe nouveau, inconnu aux anciens, qui démasque l'erreur et proclame' la vérité; il ne laisse perdre aucune invention. utile, tout ce qu'il recueille devient un héritage pour la postérité.

Ces changemens établissent une différence très-grande entre les anciens temps et ceux; où nous vivons; ils doivent influer sur les gouvernemens après avoir changé la situation des peuples.

guerre,

Les peuples de l'antiquité étaient divisés en maîtres et en esclaves; ceux-ci, presque semblables aux bêtes, devaient travailler sans pouvoir acquérir; les autres, vivant dans l'oisiveté, ne connaissaient d'autre métier que la d'autre droit que la force, d'autre vertu que le courage. Chez eux le travail devait être honteux, puisque la force seule assurait la propriété. De là leur penchant pour la guerre, et leur grande estime pour la force physique et l'audace.

5

La passion des peuples modernes est d'acquérir par le travail, de conserver et de jouir. La force et le courage n'est plus leur vertu essentielle, c'est le

gouvernement

travail et l'industrie ; ils ne desirent pas la guerre si contraire à leur but, ils veulent la paix, la liberté des communications, et tout ce qui peut faciliter les échanges dans le monde entier. La France, placée pour ainsi dire à la tête de la civilisation de l'Europe, a ce vif desir plus qu'aucun autre peuple du continent, et le qui voudra favoriser son penchant, s'emparera de la force et de l'opinion nationales ; il gouvernera avec ceux qui ont acquis, ceux qui veulent acquérir, ceux pour qui le travail est une vertu et la conservation de la propriété un besoin; ce sont ces hommes qui forment le plus grand nombre et qu'on peut appeler la nation.

[ocr errors]

Les factions sont composées d'hommes parasites qui veulent vivre sans travail aux dépens de ceux qui travaillent. Il faut créer pour eux des places dans les administrations, dans la judicature, dans l'armée de terre et dans la marine. Si les gens de cette espèce sont rangés sous deux bannières différentes, ils menacent de troubler l'état. On est obligé de composer avec les uns et les autres, et c'est toujours la partie saine et laborieuse qui doit payer ces compositions. Si l'on veut gouverner avec une faction contre l'autre, on s'égare; la masse industrieuse reste neutre, et les factions sont aux prises, troublent

l'état, et font des révolutions toujours nuisibles à la propriété, à l'industrie et au travail, c'està-dire à la masse de la nation; elles ne sont utiles qu'au parti factieux qui remporte la victoire, et qui use de son triomphe pour occuper toutes les places, qu'il regarde comme son domaine, et exploiter la nation qui est toujours la proie de la cupidité et de l'intrigue du vainqueur. Le seul la France moyen de gouverner est d'écarter les factions, quelle que soit leur bannière, et de gouverner dans l'intérêt de la partie productive et industrielle qui en est la masse, tandis que les autres ne sont qu'un chancre rongeur qu'il faut extirper.

Les factieux sont toujours en mouvement, ils s'agitent en tous sens on croirait, par l'effet qu'ils produisent, qu'ils ont la force et le nombre de leur côté; mais qu'on les compte, et l'on sera étonné de leur faiblesse. La classe des hommes laborieux qui veulent acquérir, posséder ou conserver, est au contraire fort nombreuse, et par conséquent très-forte; mais, par sa nature, elle est patiente, tranquille et pacifique; elle n'oppose au gouvernement qui la contrarie qu'une force d'inertie qui est terrible, parce qu'elle l'abandonne à la merci des factieux. Un gouvernement qui veut se conserver, doit tirer cette

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

classe nombreuse de son état d'inertie et la mettre en jeu. Il n'y a qu'un moyen pour y parvenir, c'est de gouverner dans son sens et selon ses intérêts; il faut abandonner les factieux de tous les partis qu'on peut assimiler à des compagnies de brigands, qui, ne sachant pas travailler et produire, veulent vivre largement, et à l'aise, -aux dépens de la classe industrieuse et productive. Tant qu'un gouvernement, quel qu'il soit, ne suivra pas cette marche, il pourra être renversé par des révolutions ; et s'il se soutient pendant quelque temps, il ne le devra qu'à une force étrangère sur laquelle il ne peut pas toujours compter, ou à une force organisée prise dans le parti qu'il favorise, et qui coûtera à la nation des sacrifices énormes, qui l'appauvriront en la laissant sans défense contre un attaque extérieure. Le résultat d'un pareil gouvernement serait le despotisme, la pauvreté, la misère l'humiliation et la dépendance politique envers les autres puissances de l'Europe, et toujours il resterait sur le cratère des révolutions.

Le gouvernement que desirent les hommes industrieux, qui veulent acquérir par le travail ou en conserver les fruits, est celui de la justice qui doit convenir également à tous; ils ne demandent pas des priviléges, ils ne veulent ni ti

[ocr errors]
« PreviousContinue »