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timement ces états au système de l'empire, afin d'accroître sa prépondérance. Il n'y a pas d'au

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tres liens entre les peuples que ceux des intérêts qu'ils mettent en commun. Il fallait donc établir une entière communauté d'intérêts entre nous et les pays conquis. Il ne s'agissait pour cela que de changer leur ancien ordre social pour leur donner le nôtre, en mettant à la tête de ces nouvelles institutions des souverains intéressés à les maintenir (1).

Je re mplissais ces conditions en plaçant ma famille sur les trônes vacans.

» La Lombardie était le plus essentiel de ces états, parce qu'elle devait être continuellement exposée aux regrets de la maison d'Autriche. Je ne voulus pas lui donner le plaisir de mettre un de mes frères sur ce trône. J'étais seul capable de porter la couronne de fer, et je la mis sur ma

tête.

» Je donnai par-là plus de confiance aux Lombards, parce que je faisais ma propre affaire de la leur.

» Ce nouvel état prit le nom de royaume d'Ita

(1) Ne dirait-on pas qu'il suffit d'aller, à l'aide des baïonnettes, planter un mannequin au milieu d'un peuple, pour changer la nature de ses intérêts?

he, parce que ce titre était plus grand, et parlait davantage à l'imagination des Italiens.

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» Le trône de Naples était vacant. La reine Caroline, après avoir inondé de sang le pavé de Naples, et livré son royaume aux Anglais, en avait été chassée de nouveau. Il fallait un maître à ce malheureux pays, pour le sauver de l'anarchie et des vengeances. Un de mes frères monta sur ce trône.

» La Hollande avait perdu depuis long-temps l'énergie qui fait les républiques. Elle n'avait plus la force de jouer ce rôle. Elle en avait donné la preuve lors du débarquement de 99. Je ne de vais pas soupçonner qu'elle regrettât la maison d'Orange, à la manière dont elle l'avait traitée. La Hollande semblait donc avoir besoin d'un souverain; je lui donnai un autre de meş frères.

» Le cadet était assez jeune pour attendre: le quatrième n'aimait pas à régner; il s'était sauvé pour s'y soustraire.

» Il ne resta en république que celle des Suisses. Il ne valait pas la peine de changer des formes auxquelles ils étaient accoutumés. Mon autorité dans ce pays s'est bornée à les empêcher de s'égorger entre eux. Ils ne m'ent

ont pas témoigné une grande reconnaissance (1). >> En formant ainsi des états alliés de la France, et dépendans de l'empire, je dus en même temps réunir à la mère - patrie d'autres portions de territoire, afin de conserver sa prépondérance sur tout le système (2).

>> C'est dans ce but que j'avais réuni le Piémont à la France, et non pas à l'Italie. J'y réunis de même Gênes et Parme. Ces réunions ne valaient rien en elles-mêmes, car j'aurais fait de ces peuples de bons Italiens. Je n'en ai fait que de médiocres Français. Mais l'empire se composait, non-seulement de la France, mais des états de la famille et des alliés étrangers. Il était essentiel de conserver la proportion entre ces trois élémens. Chaque alliance emportait avec elle une nouvelle réunion. Le public, à chaque fois,

(1) L'Europe s'est trouvé heureuse qu'un des frères de Bonaparte ait été assez jeune pour attendre; qu'un autre n'ait pas aimé à régner, et que la république des Suisses n'ait pas valu la peine d'être détruite. Si ees hautes considérations n'avaient pas existé, qui peut savoir le nombre d'hommes qu'on eût égorgé pour donner des tiônes à Jérôme et à Lucien, ou pour détruire la rés publique des Suisses?

(2) On ne voit ici que du galimathias; mais il ne serait pas étonnant que quelques politiques y trouvassent du génie.

criait à l'ambition. Mon ambition n'a jamais consisté à posséder quelques lieues carrées de plus ou de moins, mais à faire triompher ma cause (1).

» Or, cette cause ne consistait pas seulement dans les opinions, mais dans le poids que chaque parti pouvait mettre dans la balance, et les lieues carrées pèsent dans le bassin, parce que le monde ne se compose que de cela.

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J'augmentai ainsi la masse des forces que je faisais mouvoir. Il ne fallait ni talent ni adresse pour opérer ces changemens. Il suffisait d'un acte de ma volonté; car ces pays étaient trop petits pour en avoir en ma présence. Ils dépendaient du mouvement imprimé à l'ensemble du système impérial. Le point de départ de ce système était en France. Il fallait donc consolider mon ouvrage, en donnant à la France des institutions conformes au nouvel ordre social qu'elle avait adopté, Il fallait créer mon siècle pour moi, comme ję l'avais été pour lui (2).

Il fallait être législateur, après avoir été guerrier.

lui est

(1) La France n'est pour rien dans la question. (2) Un individu qui veut créer un siècle pour un être dont on n'avait pas encore vu d'exemple,

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» Il n'était pas plus possible de faire reculer la révolution; car c'aurait été soumettre de nouveau les forts aux faibles, ce qui est contre nature. Il fallait donc en saisir l'esprit pour y accommoder un système analogue de législation. Je crois y être parvenu. Ce système me survivra, et j'ai laissé à l'Europe un héritage qu'elle ne pourra plus répudier (1).

» Il n'y avait en réalité dans l'état qu'une vaste démocratie, menée par une dictature. Cette espèce de gouvernement est commode pour l'exécution; mais elle est d'une nature temporaire, parce qu'elle n'est qu'en viager sur la tête du dictateur. Je devais la rendre perpétuelle, en faisant des institutions à demeure, et des corporations vivaces, afin de les placer entre le trône et la démocratie (2). Je ne pouvais rien opérer par le levier des habitudes et des illusions. J'étais obligé de tout créer avec de la réalité.

» Il fallait ainsi fonder ma législation sur les intérêts immédiats de la majorité, et créer mes

(1) On répudiera du moins les constitutions de l'empire.

(2) Rendre la dictature perpétuelle au moyen de corporations vivaces, voilà donc le grand but de tant d'efforts!

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