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tent de ne pas obtenir davantage, et la Prusse, fu rieuse de ce que je lui avais ôté, me jura une haine éternelle..

» Je m'imaginai, je ne sais pourquoi, que des souverains dépossédés par le droit de conquête, pouvaient devenir reconnaissans de la part qu'on leur laissait. J'imaginai qu'ils pourraient, après tant de revers, s'allier de bonne foi avec nous, parce que c'était le parti le plus súr. J'imaginai pouvoir étendre ainsi les alliances de l'empire, sans me charger de l'odieux que les révolutions traînent après elles. Je trouvai enfin que c'était un grand rôle à jouer que celui d'ôter et de rendre des couronnes ; je m'y laissai séduire. Je me suis trompé, et les fautes ne se pardonnent jamais.

» Je voulus corriger au moins ce que j'avais fait en Prusse, en organisant la confédération du Rhin, parce que j'espérais contenir l'un par l'autre. Pour former cette confédération, j'ai agrandi les états de quelques souverains aux dépens d'une cohue de petits princes, qui ne servaient qu'à manger l'argent de leurs sujets, sans pouvoir leur être bons à rien. J'attachai ainsi à ma cause les souverains dont j'avais grossi le volume, par les intérêts de leur agrandissement. Je les fis conquérans malgré eux. Mais ils se

trouvèrent bien du métier. Ils ont fait volontierscause commune avec moi. Ils ont été fidèles à cette cause, tant qu'ils l'ont pu.

>> Le continent se trouva ainsi pacifié pour la quatrième fois. J'avais étendu la surface et la prépondérance de l'empire. Mon pouvoir inmédiat s'étendait de l'Adriatique aux bouches du Wéser. - Mon pouvoir d'opinion, sur toute l'Europe.

» Mais l'Europe sentait, comme moi, que cette pacification n'était encore qu'une œuvre provisoire; parce qu'il y avait trop d'élémens de résistances, et qu'en traitant avec ces résistances, comme j'avais eu le tort de le faire, je n'avais fait que reculer la difficulté.

Le principe vital de la résistance était en Angleterre. Je n'avais aucun moyen de l'attaquer corps à corps, et j'étais sûr que la guerre se renouvellerait sur le continent, tant que le ministère anglais aurait de quoi en payer les frais. La chose pouvait durer long-temps, parce que les bénéfices de la guerre alimentaient la guerre. C'était un cercle vicieux, dont le résultat était la ruine du continent. Il fallait donc trouver un moyen de détruire les bénéfices que la guerre maritime valait à l'Angleterre, afin de ruiner le crédit du ministère. On me proposa, dans ce

but, le système continental. Il me parut bon, et je l'acceptai. Peu de gens ont compris ce système. On s'est obstiné à n'y voir d'autre but que celui de renchérir le café. Il devait avoir de toutes autres conséquences.

» Il devait ruiner le commerce anglais. En cela, il a mal fait son devoir, parce qu'il a produit, comme toutes les prohibitions, un renchérissement; ce qui est toujours à l'avantage du commerce, et parce qu'il ne peut être assez complètement établi pour bannir la contrebande.

» Mais le système continental devait servir encore à désigner clairement nos amis d'avec nos ennemis. Nous ne pouvions pas nous y tromper. L'attachement au système continental témoignait de l'attachement à notre cause, parce qu'il était son enseigne et son palladium.

» Ce système, si débattu, était indispensable dans le moment où je l'ai établi; car il faut qu'un grand empire ait non-seulement une tendance générale pour diriger sa politique (1), mais son économie doit avoir une tendance pareille. Il faut une route à l'industrie, comme à toutes choses, pour se mouvoir et pour avan

(1) Quelle était la tendance générale de l'Empire?

cer. Or, la France n'en avait point, quand je lui ai tracé sa route en lui donnant le système continental.

L'économie de la France s'était portée, avant la révolution, vers les colonies et le commerce d'échange. C'était la mode alors. Elle y avait eu de grands succès. A quelque point qu'on ait vanté ces succès, ils n'avaient eu cependant d'autres résultats que ceux d'amener la ruine des finances de l'état, la perte de son crédit, la destruction de son système militaire, la perte de sa considération au-dehors, la langueur de son agriculture. Ces succès l'avaient amenée finalement à signer un traité de commerce qui livrait son approvisionnement aux Anglais.

» La France avait à la vérité de beaux ports de mer et quelques négocians dont les fortunes. étaient colossales.

» La guerre avait détruit sans retour le système maritime (1). Les ports de mer étaient ruinés. Aucune force humaine ne pouvait leur rendre ce que la révolution avait anéanti. It fallait donc donner une autre impulsion à l'esprit de trafic, pour rendre de la vie à l'industrie de la France. Il n'y avait d'autre moyen d'y

pas

(1) Ce n'était donc pas le système maritime qui avait

détruit le système militaire.

parvenir que celui d'enlever aux Anglais le monopole de l'industrie manufacturière, pour faire de cette industrie la tendance générale de l'économie de l'état. — Il fallait créer le système continental.

» Il fallait ce système, et rien de moins; parce qu'il fallait donner une prime énorme aux fabriques, pour engager le commerce à mettre en dehors les avances qu'exige l'établissement de tout un ensemble de fabrication.

la

» Le fait a prouvé en ma faveur ; j'ai déplacé le siége de l'industrie, en lui faisant passer mer. Elle a fait de si grands pas sur le continent, qu'elle n'a plus de concurrence à redouter. Si la France veut prospérer, qu'elle garde mon système en changeant son nom. Si elle veut décheoir, elle n'a qu'à recommencer des entreprises maritimes; car les Anglais les détruiront à la première guerre. J'ai été forcé de porter le système continental à l'extrême, parce qu'il avait pour but de faire non-seulement du bien à la France, mais du mal à l'Angleterre.

» Nous ne recevions les denrées coloniales que par son ministère, quelque fût le pavillon qu'elles empruntassent pour naviguer. Il fallait donc en recevoir le moins possible. Il n'y avait pas meilleur moyen pour cela que d'en élever le prix

de

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