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tres, ni places, ni pensions; ils veulent mettre leurs personnes et le fruit de leur travail à l'abri de toute violence, de toute exaction et de tout pillage, soit arbitraire, soit administratif, soit judiciaire. Ils ne refusent pas de contribuer pour les frais du gouvernement; mais ils demandent que leurs députés consentent l'impôt et qu'ils en vérifient l'emploi. Ils consentent à fournir, pour la solde de l'administration, les fonds absolument nécessaires; mais ils seraient révoltés qu'une classe privilégiée ne pouvant rétablir la féodalité territoriale, voulût fonder sur une échelle énorme la féodalité des places et des pensions, qui frapperait en même temps l'agriculture, l'industrie et le commerce, en établissant un pillage méthodique et organisé sur la fortune publique.

Si la partie industrieuse des peuples avait assez de capacité pour juger sainement de ses intérêts, et assez d'énergie pour les défendre, les factionsn'auraient jamais une longue existence. Mais les hommes les plus laborieux, les plus utiles, sont presque toujours les seuls qui voient mal leurs intérêts, ou qui ne savent pas faire usage de leurs forces pour les faire respecter. Aussitôt qu'ils se sentent opprimés par une faction, ils ne voient rien de mieux à faire que d'appeler à leur aide la faction ennemie; et lorsque celle-ci a

triomphé, ils se voient dans la nécessité de recourir à la première pour s'en débarrasser. Ils se constituent ainsi l'instrument de leurs ennemis, pour en être ensuite les victimes.

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Le meilleur moyen de se débarrasser des factions, pour un peuple comme pour son gouvernement, c'est de mettre les élections de la plupart des fonctionnaires dans les mains de la partie de la nation qui est la plus opposée aux factieux, dans les mains des hommes qui s'adonnent aux travaux les plus utiles, et pour lesquels toutes les révolutions sont à craindre.

T.

OUVRAGES

SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.

MANUSCRIT

VENU DE SAINTE-HÉLÈNE

D'UNE MANIÈRE INCONNUE.

(London, John Murray, Albemarle street. Brochure in-8°. de 109 pages.)

Si cette brochure eût été publiée en France, il nous eût suffi d'en donner un extrait au public, et d'y joindre quelques réflexions, pour faire sentir la fausseté des principes qui y sont établis. Mais n'étant connue dans ce pays que par les exemplaires qui y ont été apportés de l'étranger, et l'esprit de parti ayant l'art de rendre séduisantes les choses les plus condamnables, nous avons cru qu'il serait plus utile de donner cet écrit tel qu'il a été publié, et de faire remarquer

ce qu'il a de faux, par des notes mises au bas du texte, et par quelques réflexions ajoutées à la fin. Cette méthode préviendra d'ailleurs l'accusation d'avoir dissimulé une partie des pensées de l'auteur, ou d'en avoir altéré le sens. Si les notes placées au bas des pages sont un peu trop nombreuses, les amis de la liberté nous pardonneront d'avoir cédé au plaisir de démasquer un vieux tyran; quant aux autres, nous n'eûmes jamais l'intention de leur plaire. Chacune de ces notes aura au reste peu 'd'étendue nous nous bornerons même souvent à mettre en

caractères italiques les passages sur lesquels nous aurons voulu attirer l'attention du lecteur (1).

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(1) On lit en tête de la brochure deux avertissemens, un de l'auteur, l'autre de l'éditeur; nous allons rapporter ici le premier ; le second sera placé à la fin du manuscrit. « Je n'écris pas des commentaires : car les événemens de mon règne sont assez connus et je ne suis pas obligé d'alimenter la curiosité publique. Je donne le précis de ces événemens, parce que mon caractère et mes intentions. peuvent être étrangement défigurés, et je tiens à paraître tel que j'ai été aux yeux de mon fils, comme à ceux de la postérité.

» C'est le but de cet écrit. Je suis forcé d'employer une voie détournée pour le faire paraître. Car s'il tombait dans les mains des ministres anglais, je sais, par expérience, qu'il resterait dans leurs bureaux.

« MANUSCRIT VENU DE SAINTE-HÉLÈNE.

» Ma vie a été si étonnante, que les admirateurs de mon pouvoir ont pensé que mon enfance même avait été extraordinaire. Ils se sont trompés. Mes premières années n'ont eu rien de singulier. Je n'étais qu'un enfant obstiné et curieux. Ma première éducation a été pitoyable, comme tout ce qu'on faisait en Corse. J'ai appris assez facilement le français, par les militaires de la garnison, avec lesquels je passais mon temps (1). » Je réussissais dans ce que j'entreprenais, parce que je le voulais mes volontés étaient fortes, et mon caractère décidé. Je n'hésitais jamais, ce qui m'a donné de l'avantage sur tout le monde. La volonté dépend, au reste, de la trempe de l'individu ; il n'appartient pas à chacun d'être maître chez lui.

:

» Mon esprit me portait à détester les illusions. J'ai toujours discerné la vérité de plein saut. C'est pourquoi j'ai toujours vu mieux que d'autres le fond des choses. Le monde a toujours

(1) L'ignorance, l'opiniâtreté, des goûts soldatesques, voilà les traits caractéristiques du héros; Bonaparte fait ici son histoire en dix lignes.

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