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quelles font à préfent mes occupations. Une des principales eft d'étudier de toutes mes forces une langue barbare & difficile, qui, cependant, n'a rien de rebutant pour moi., L'efpérance de devenir utile au falut de mes chers Indiens, m'applanit toutes les difficultés, & déja je commence à faire affez de progrès, pour ofer me flatter d'aller bien-tôt partager les fatigues de ceux qui s'occupent dans l'intérieur des terres. Les exemples que j'ai ici fous les yeux, font un puiffant motif pour moi. Cette miffion eft un compofé d'anciens & de refpectables Miffionnaires qui ont blanchi dans les travaux apoftoliques, & qui ont environ quinze mille Chrétiens fous leur direction; ils font au nombre de sept, &

le moins âgé d'entr'eux a paffé foixante ans.

Cette nombreuse chrétienté augmente tous les jours par les profélytes qu'y attire le Père Artaud, l'apôtre des Parias. Le bien qu'il fait auprès de ces derniers, que les autres Indiens regardent comme la lie du peuple, eft immenfe. Il n'eft point de femaine qu'il n'en gagne à J. C. au moins fept à huit, fouvent un plus grand nombre. On voit ces pauvres gens fe rendre régulièrement dans une cour de l'église le matin à fix heures & l'après-midi à une heure, pour apprendre leur catéchif me & leurs prières. Rien n'égale la patience de ces cathécumenes; affis par terre, les jambes en croix comme nos tailleurs, vous les voyez oc

cupés douze heures par jour, à répéter ou à écouter avec la plus grande attention les inftructions de leurs maîtres. Ce qu'on fait dans une cour de l'églife pour les Parias, fe fait auffi dans une autre pour les Choutres ou nobles du pays. Un refpectable vieillard, * qui à été pendant dix ans fupérieur général de la miffion en eft chargé aujourd'hui. Le nombre de fes profélytes eft très-grand, & les baptêmes y font journaliers. A mefure qu'on les trouve inftruits, on les régénere & on les fait enfans de Dieu. J'ai eu moimême la confolation d'en purifier plufieurs dans les eaux falutaires; & le nombre, depuis mon arrivée, jufqu'au mo

Le P. Cœur-de-Rux.

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ment où je vous écris, eft de plus de quarante adultes. Celui des profélytes eft actuellement bien plus confidérable. Les nouveaux arrivés parmi nous, s'occupent à enterrer, à baptifer les enfans à porter l'extrême-onction, & enfin à étudier la langue du pays. Tel eft préfentement mon emploi. Quant aux Pères qui compofent la maison, à peine peuvent-ils fuffire aux confeffions journalieres, aux inftructions, prônes, fermons &c. L'ufage des langues & l'habitude de parler fur le champ, moderent l'excès du travail.

ge,

Il y a dans notre voifinac'eft-à-dire à une lieue d'ici Oueft & Sud, deux mif fions, dirigées par deux vieil

lards vénérables, chacun d'environ 70 à 75 ans. On y compte près de trois mille chrétiens. La première eft Ariam-Coupam, & la feconde Olougarei. La ferveur des bonnes gens qui les compofent m'a enchanté; mais je me réserve à vous en donner un détail dans la fuite. Alors je vous écrirai de l'intérieur des terres, où je compte paffer auplutôt.

Le fameux Dupleix vient de s'embarquer dans le vaiffeau qui m'a conduit: il emporte avec lui les regrets des vrais François. Le rôle qu'il a joué dans l'Indoftan & la réputation finguliere qu'il s'y eft acquife, font ici murmurer bien des gens. Trop nouveau encore & trop peu inf

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