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123. Ici, le mot droit signifie non pas des lois ni des recueils de lois, mais toutes les facultés d'agir ou de n'agir pas que les lois attribuent expressément ou tacitement aux hommes. Les lois, dans le sens le plus étendu, sont des règles de conduite imposées par une autorité supérieure.

Tout droit suppose une loi qui l'établit; il suppose, en même tems, le devoir ou l'obligation de souffrir l'exercice de tout droit que la loi attribue

à autrui; autrement, de s'acquitter des devoirs, des obligations attachés expressément ou tacitement par la loi au droit qu'elle constitue. Mes devoirs, attachés à l'exercice de mon droit, font partie des droits d'autrui.

124. Le mot tacitement qu'on vient d'employer deux fois, doit être expliqué. On s'en sert ici pour comprendre parmi les droits et les devoirs, nonseulement ceux que la loi exprime littéralement par son texte, mais aussi tous ceux qu'elle comprend, qu'elle suppose dans son esprit, c'est-à-dire, dans sa volonté reconnue par exacte déduction de son texte, ou par inductions claires tirées de la droite raison, de la nature des choses. C'est là une conséquence inévitable de l'insuffisance du langage humain, souvent trop vague ou obscur par l'équivoque des expressions, ou par leur brièveté néces

saire.

La raison ou l'esprit d'une loi est aussi obligatoire, et souvent plus clairement obligatoire que son texte, puisque c'est la volonté même du législateur. On dit, par une métaphore assez convenable, que l'esprit de la loi est l'ame de la loi, et que les paroles n'en sont, pour ainsi parler, que l'enveloppe ou le cadavre. Dans les lois, comme dans les conventions, c'est donc la volonté qui oblige et non pas la lettre, qui n'est qu'un signe de la volonté.

125. Mais quelquefois la raison du législateur, sa volonté, sont obscures comme le texte peut

l'être, ou sont généralement controversées. Alors, la décision, l'interprétation spéciale pour telle personne, pour tel cas donné, appartiennent naturellement aux applicateurs de la loi. L'interprétation par voie de décision générale, est une loi, ou elle n'est rien qu'une instruction, une direction, un conseil, justes ou injustes. Elle ne peut valoir comme loi, elle n'est absolument obligatoire que lorsqu'elle a été faite, en observant toutes les formes nécessaires aux lois. S'il y a dans un état plusieurs branches de l'autorité législative, aucune de ces branches ne peut donc s'attribuer à elle seule l'interprétation générale : ce serait usurpation du pouvoir législatif. La puissance exécutive qui s'arrogerait l'interprétation générale des lois fondamentales ou secondaires, se constituerait ennemie de la nation et de toute liberté.

126. Les lois sont divines ou humaines.

Les lois divines sont naturelles ou révélées. Celles-ci influent plus ou moins sur les actes des législateurs humains; mais, en elles-mêmes, elles ne règlent avec indépendance que la conscience ou ce qui concerne la morale, la religion, c'est-à-dire, les dogmes religieux ou la discipline ecclésiastique intérieure.

127. Pour le chrétien et même pour le simple théiste, qui, admettant la puissance infinie et la souveraine justice de Dieu, croit à la Providence, la loi naturelle n'est pas seulement la droite raison, l'équité naturelle; c'est la volonté même de Dieu

manifestée par ses ouvrages, autrement par la nature des êtres, et reconnue par la raison. Le trèspetit nombre des hommes qui ont le malheur de professer l'athéisme, ne rejette pas toujours les lois naturelles; mais il n'y peut reconnaître que des convenances plus ou moins probables, plus ou moins sujettes à contestation; il n'y aperçoit de lien moral que l'utilité prétendue dont il se fait le souverain juge

Il y a même des athées qui n'admettent aucun droit naturel que celui qui dérive d'une convention formelle.

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Le moindre inconvénient de ces systèmes d'athéisme, dont les funestes conséquences préjugent la fausseté, est d'obliger les législateurs à rendre les lois plus dures et plus terribles.

128. Les lois humaines sont constitutionnelles ordinaires, autrement secondaires. Les lois constitutionnelles, qu'on appelle aussi lois fondamentales, sont celles qui énoncent les conditions premières du pacte social: ces conditions que les autorités constituées sont dans l'heureuse impuissance de jamais changer légitimement, si ce n'est avec l'acquiescement de la nation, ou avec des formes particulières, qui doivent être établies par la constitution. Les lois ordinaires ou secondaires sont toutes les autres lois. Celles-ci, l'autorité législative constituée peut généralement les changer à volonté, pourvu que ce soit en respectant les premiers principes du droit naturel, qui sont la

source plus ou moins prochaine de toutes les constitutions, de toutes les bonnes lois.

Les lois constitutionnelles, ainsi que les ordinaires ou secondaires, sont politiques, ou civiles, ou criminelles, par leur sujet, selon la nature des intérêts qui s'y trouvent réglés ou garantis.

129. Les lois politiques sont toutes celles qui établissent ou qui modifient, qui étendent ou qui limitent les grands pouvoirs publics, ces pouvoirs qui nomment les gouvernans, ou font les lois proprement dites, et certains actes de haute administration, improprement qualifiés lois; enfin, qui sont généralement institués chefs suprêmes de l'exécution des lois. Notre loi de 1816 sur les élections, et notre loi de 1817 sur le recrutement, sont des lois politiques, et pourtant non constitutionnelles, comme étant hors de la Charte. Nos codes civils ou de droit privé, général ou commercial, les lois administratives, les codes criminels, sont en partie des lois politiques, et répètent et développent différentes lois constitutionnelles.

Les lois civiles sont celles qui concernent les droits communs des familles, des sociétés privées, et ceux des individus. Notre Charte constitutionnelle contient des dispositions de droit civil; elle contient aussi les premiers fondemens de toute loi secondaire, soit politique, soit administrative, soit civile, soit criminelle.

Il est presque inutile de dire que les lois criminelles, sont toutes celles qui concernent la répres

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