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136. L'antiquité enseigna toujours, et le monde présent crie plus haut qu'elle, cet oracle, qu'on retrouve même dans la théocratie judaïque, et dans le plus ancien code rédigé pour les Français, par leurs représentans la loi du gouvernement ' : est un pacte volontaire et librement consenti; elle ne tire pas son origine, son principe obligatoire de la volonté d'un homme; elle doit d'ailleurs être la voix de la justice même. Elle n'est donc point une grâce. Lorsqu'on l'a promise, elle n'est, quand on la donne, que le paiement de la dette la plus sacrée; et, dans sa nature, elle ne ressemble à rien moins qu'à un octroi, c'est-à-dire, à une concession faite par pitié, par compassion, par miséricorde; elle est, il faut le répéter, une convention réciproque, un contrat obligatoire pour tous les membres de la cité, la délégation et la détermination des grands pouvoirs. Tous les peuples ont droit d'avoir une constitution'. Disons donc, sans hésiter, la révocation de la Charte ne saurait dépendre de la seule volonté des rois, et que s'il pouvait arriver qu'elle fût révoquée, la nation ne manquerait pas de s'en procurer une autre, peut-être plus libérale dans ses dispositions, plus complète et plus exacte dans sa rédaction. Au commencement du dix-neuvième siècle, dans un sujet si relevé, on rougit

que

1 La loi Salique intitulée : Pactus legis Salicæ. Lex est communis reipublicæ sponsio. Papinien, loi 1. Dig. de Legibus.

2 Doctrine des émigrés eux-mêmes, consignée dans le Rapport fait à sa majesté Louis XVIII, par M. de Monthion. Londres, 1796, in-8°.

d'avoir été forcé de répondre à des arguties, fondées uniquement sur l'abus des mots, et sur le rajeunissement de dictons et de protocoles inventés pour des siècles de ténèbres et de servage.

CHAPITRE III.

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Étendue et limites du royaume. -État des citoyens. Rapports de la nation française avec les nations étrangères.

137. Les objets énoncés dans ce titre doivent être au moins indiqués, avant d'entrer dans le détail de ce qui concerne le droit civil et les droits politiques des Français. Pour bien comprendre en quoi consistent les droits civils et politiques des Français, il faut connaître le territoire constitutionnel de la France, et comment il est divisé. Il faut savoir ce qui constitue et modifie l'état de citoyen français et celui d'étranger, soit habitant, soit propriétaire.

138. Il résulte de la Charte que la France est un royaume, un état où il existe, sous le nom de roi, un chef suprême du pouvoir exécutif, en même tems colégislateur, et des ministres responsables; où le pouvoir législatif est divisé en trois branches, dont l'une appartient au roi seul, et dont les deux autres branches sont diversement influencées par le roi ou ses ministres, en vertu de la prérogative royale. 139. Relativement à tout l'ensemble de notre

droit constitutionnel, le royaume de France ne consiste que dans le territoire continental de cet état, et dans quelques îles limitrophes, ainsi que le tout est fixé par les art. 2 et 3 du traité de paix du 30 mai 1814. Les colonies sont régies par des lois et des réglemens particuliers, article 73 de la Charte, c'est-à-dire, par des dispositions en forme de lois, consenties par les trois branches du pouvoir législatif du royaume, et appliquées par les ordonnances du roi et les réglemens des autorités locales subordonnées à l'autorité du roi. Jusqu'à présent, l'unique loi pour nos colonies, délibérée conformément à la Charte, est celle qui concerne la suppression de la traite des nègres.

140. Le territoire du royaume appelé à tous les bienfaits de la Charte constitutionnelle, se divise maintenant en quatre-vingt-six départemens.

141. Le royaume est un et indivisible. Chaque département est distribué en arrondissemens; chaque arrondissement en cantons; chaque canton en

communes.

Les limites des départemens, des arrondissemens, des cantons, souvent même des communes, ont été fixées par l'autorité législative; elles ne peuvent être changées que par cette même autorité '.

142. Selon le texte de la Charte, titre 1o, en France, les droits civils ou privés qu'elle appelle

1 Cependant, en 1819, nous voyons reculer, par simple ordonnance, les limites de Paris, et par-là soumettre aux droits d'entrée un plus grand nombre d'habitans.

l'ar

droits publics, en tant qu'ils sont constitutionnels, n'appartiennent qu'aux Français; et, selon son esprit, les droits politiques n'appartiennent qu'aux citoyens français de naissance ou par naturalisation, qui remplissent les conditions fixées par ticle 40 de cette Charte, et par la loi secondaire et politique du 5 février 1817, concernant les élections; à celle-ci, qui renvoie tacitement au titre 1" de notre Code Civil, à ces autorités, à plusieurs autres indiquées par les commentateurs, il faut. joindre les diverses décisions du ministre de l'intérieur, en date du 18 avril et du 16 août 1817. Voir aussi, par rapport aux lettres de grande et de petite naturalisation, l'ordonnance du roi du 4 juin 1814, et la loi du 14 octobre de la même année. Il nous manque, sur les conditions pour jouir des droits civils des Français, une loi spéciale et complète. Il en manque une autre sur la jouissance des droits politiques, et une sur les rapports de la nation française avec les nations étrangères. Il est à désirer qu'elles soient d'abord préparées et ébauchées par des traités savans et approfondis sur ces deux sujets importans. L'abolition du droit d'aubaine et du droit de détraction, sans charge de réciprocité, a été agitée à la chambre des pairs, en 1819, et dans la session précédente.

'La réciprocité stipulée sur l'aubaine et la détraction est confirmée par l'article 28 du Traité de Paris, du 30 mai 1814. Les conventions réciproques entre les divers états, sur ces objets, sont recueillies dans le

CHAPITRE IV.

Droits des Français selon la Charte, en général.

143. LEUR premier droit constitutionnel, celui qui se fonde sur toute la Charte, et qui est relatif à tous leurs droits politiques et à leurs autres droits publics, est d'être gouvernés selon la Charte et les lois qui la développent, spécialement selon les dispositions de la Charte, relatives à l'établissement et aux devoirs des autorités constitutionnelles, et selon les dispositions tant du Code Civil que des autres lois secondaires en vigueur, non contraires à la constitution. En tout, le droit civil est gouverné par le droit politique. La doctrine opposée ne serait qu'une subversion de principes.

Disons donc que le droit des Français, relatif à presque tous leurs intérêts collectivement, c'est d'être affranchis de toutes les lois qui étaient en vigueur au jour de la Charte, et qui sont opposées à ce qu'elle établit.

Leur second droit, analogue au premier, est d'être régis par toutes les lois existantes le jour de

Code diplomatique de l' Aubaine, par M. Gaschon *. Paris, 1818; 1 vol.

La législation française sur l'aubaine a été modifiée par la loi du 14 juillet 1819. Note de l'Éditeur.)

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