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la Charte, et qui ne lui sont pas contraires, jusqu'à ce qu'il y ait été légalement dérogé.

Ces deux droits sont fondés sur le texte précis de la Charte, article 68.

144. Il s'ensuit que tous les décrets impériaux et toutes les ordonnances du roi, tous les réglemens antérieurs au 4 juin 1814, et contraires à la Charte ou à son esprit, qui est sa volonté, sont de droit comme non avenus; et qu'il en est de même des lois, des ordonnances et des réglemens postérieurs à la Charte, contraires à son texte ou à son esprit. En un mot, la Charte est, en France, la loi des lois, la loi du roi, la maîtresse règle du roi et des chambres, et des ministres, et de toutes les autorités constituées, sans exception: voilà ce qu'est la Charte, sauf révision ou constitution nouvelle par. des pouvoirs constituans, suivant des formes spéciales qui caractérisent ces pouvoirs. La Charte est cela, ou elle n'est rien. Sortez de cette maxime, de suite les Français tomberont sous le despotisme, ou dans l'anarchie, ou sous l'oligarchie qu'on reproche à l'Angleterre.

145. Par leurs droits politiques, les citoyens actuellement électeurs et éligibles, participent à la souveraineté constituée, à l'autorité législative. Cette souveraineté, cette autorité, ne sont établies que pour protéger et garantir les droits privés ou civils : et ceux-ci, conséquemment, existent avant tous les pouvoirs, soit constituans, soit constitués. Il est donc naturel de nous borner, dans le reste

de ce second livre, à expliquer les droits civils des Français, et de renvoyer au livre troisième, qui traite des pouvoirs constitués, l'exposition de nos droits politiques.

146. Tous les droits des hommes en société ont leur fondement, leur source première dans le droit naturel, primitif ou hypothétique, c'est-à-dire, dans la nature des choses; autrement, dans la raison et l'équité appliquées aux hommes considérés avant et depuis leur entrée, leur existence dans l'état social, auquel nous sommes appelés si fortement par nos inclinations et par nos besoins. Ainsi, les institutions sociales, en même tems qu'elles protégent et qu'elles déterminent tous nos droits, ont pour fondement, pour supplément et pour interprète, la raison naturelle. Le tout entendu raisonnablement, voilà le commentaire nécessaire, perpétuel, universel de toutes les lois positives. Cette observation est si importante, qu'on nous pardonnera de l'avoir répétée. Notre gouvernement est fondé sur la raison naturelle et sur les clauses de la délégation et délimitation des grands pouvoirs contenues dans le pacte social, qui est la Charte constitutionnelle.

147. Nous avons autant de droits civils qu'il y en a de reconnus expressément ou tacitement par les traités et les usages entre les nations, et par toutes les lois de l'état, constitutionnelles ou secondaires, politiques ou civiles, ou criminelles, ou administratives, ou militaires. Je ne parle point

des ordonnances ou réglemens, parce qu'ils ne sont que provisoires ou variables, qu'ils ne doivent renfermer que les détails d'exécution de nos droits; et, qu'étant susceptibles d'opposition, donnant lieu à la responsabilité des ministres et de leurs subordonnés, ils ont, à beaucoup d'égards, les caractères de jugemens qui déclarent ou expliquent les droits, mais ne les constituent pas.

148. Il ne s'agit point ici d'expliquer tous les droits civils; ces droits sont l'objet principal de la plupart de nos lois secondaires, et particulièrement de notre Code Civil, qui serait mieux appelé Code du Droit privé, puisqu'il ne concerne guère que des droits privés des familles et des individus, à la différence d'autres codes qui appartiennent au droit public intérieur, proprement ainsi nommé, c'est-à-dire, à l'organisation des autorités, aux formes des procédures, à la fixation des infractions aux lois; autrement des contraventions, des délits, et à la désignation des crimes et des peines; enfin, à l'établissement et aux droits, ou devoirs des fonctionnaires politiques, civils ou militaires, ou ecclésiastiques. Mais parmi les droits privés, ou les droits des particuliers, il y en a de si prééminens, de si précieux pour les hommes, de si influens sur le maintien de l'ordre public, et de si fréquemment violés jusqu'ici par les autorités souveraines et les autorités subordonnées, qu'il a paru nécessaire de les stipuler dans l'acte constitutionnel du gouvernement. Ce sont les droits privés,

autrement civils ou individuels, dont il va être

question.

Il y en a qui sont universels, ou communs habituellement à tous les Français, savoir :

1° Liberté personnelle ou individuelle ;
2° Liberté d'opinion et de religion;
3° Liberté de la presse;

4° Droit de propriété ;

5° Égalité devant la loi ;

6° Franchise de tout le régime impérial de la conscription;

7° Droit de pétition.

On a jugé convenable de les comprendre expressément sous le nom imposant de droit public des Français: expressions consignées dans l'intitulé du titre 1er de la Charte.

Il y a d'autres droits constitutionnels qui n'appartiennent qu'à certaines classes de citoyens; ce

sont :

1o La noblesse nominale ou titulaire, autrement sans priviléges réels, et surtout, sans exemp tion des devoirs et des charges de la société ;

2o Les grades, les honneurs et les pensions militaires, acquis avant la restauration;

3° Les grades et les honneurs de la Légiond'Honneur;

4° La sécurité pour les votes et les opinions émis avant la première restauration.

Le second article viendra dans le onzième chapitre de ce second livre.

Et le quatrième rentre dans le chapitre sixième, touchant la liberté des opinions.

Ce qui concerne la noblesse et la Légiond'Honneur, sera expliqué, chapitres 9 et 10 de ce deuxième livre.

CHAPITRE V.

Liberté des personnes. (Articles 4, 62, 63, 64, 65 de la

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149. QUAND il s'agit d'analyser les droits civils de l'homme et du citoyen, la liberté personnelle marche avant tous les autres droits. L'égalité devant la loi est ce qui flatte davantage le faible cœur de l'homme, et ce qui rassure le mieux sa raison la plus exercée. Cependant elle signifie beaucoup moins que la liberté; elle peut être aussi bien une égalité de servitude ou d'injuste dépendance, qu'une égalité de franchise des personnes et des propriétés. D'ailleurs, la société civile, d'après le but de protection, de conservation, qui est son objet presque unique, admet, comme nécessaire, l'inégalité dans l'étendue actuelle des droits naturels et civils de chaque citoyen, notamment dans l'étendue de la propriété et dans l'exercice actuel des droits politiques. L'égalité devant la loi, suivant l'ordre naturel des choses et des idées, sera donc expliquée en cinquième ordre.

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