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lois ordinaires. Alors, on a de tous les gouvernemens connus celui qui est au-dehors le plus indépendant, et au-dedans le plus juste, autrement le plus favorable à la liberté publique et à la liberté civile ou individuelle, à la stabilité, et conséquemment au bonheur général. Mais si, par violence ou par artifice, la loi constitutionnelle est habituellement violée ou éludée, c'est le faux gouvernement représentatif constitutionnel : celui-ci, par là même qu'il est plus réellement puissant, et d'ordinaire le plus coûteux de tous, est plus ruineux et plus oppressif que la plupart des gouvernemens sans représentation nationale. Optimi corruptio pessima.

Il est de la nature des vrais gouvernemens représentatifs et des gouvernemens constitutionnels, qu'ils tiennent en vigueur la liberté de la presse et les jugemens criminels par jurés véritables. Ainsi, l'opinion publique devient le plus grand ressort de l'état; la publicité prévient les abus; l'ignorance fait place aux lumières; la superstition, le fanatisme, à la religion; les préjugés, les intérêts de caste et de corporation à l'intérêt et aux droits de tous; ainsi, les priviléges s'éteignent, la nation devient presque homogène. Les lois mieux connues, plus douces, plus équitables, sont mieux obéies, planent librement au-dessus de toutes les têtes, et les juges ne sont que ce qu'ils doivent être, les instrumens des bonnes lois; la raison est plus cultivée; la frivolité, la mode, la licence, ne tiennent

plus lieu de mérite; les bonnes mœurs sont plus respectées; une véritable responsabilité des ministres garantit l'inviolabilité des monarques, et la stabilité des institutions. Il est vrai que les ministres responsables ont besoin de plus de mérites et de vertus, mais aussi l'hérédité des princes et leur prédominance n'ont plus les grands inconvéniens qui amènent les révolutions. Plus affermis, les rois sont plus puissans, plus modérés, plus justes; le trésor public est mieux rempli; les citoyens, sans doute, paient davantage, mais les représentans peuvent aussi modérer les dépenses en réglant le budget, et, selon les tems et les besoins, limiter les sacrifices communs; la liberté, la sûreté, la propriété mobilière, foncière, industrielle, sont mieux garanties.

Tels sont les heureux effets du gouvernement représentatif et constitutionnel, pourvu toujours qu'il soit véritable, c'est-à-dire, pourvu que la constitution soit conforme au but social, et fidèlement, franchement exécutée; pourvu surtout que les députés soient élus sans intrigue ministérielle, et presque tous hors la classe des agens révocables par les ministres : c'est à ces conditions que ce gouvernement sera le plus puissant au-dehors, et au-dedans le plus heureux.

17. Dans les gouvernemens simples, l'autorité est absolue; par là même, elle se tourne aisément en despotisme. Dans les gouvernemens mixtes, les autorités sont nécessairement éclairées, surveillées,

tempérées, balancées, retenues l'une par l'autre, et il peut y avoir une autorité spécialement établie pour modérer et conserver les autres, en se conservant elle-même. L'autorité qui prédomine dans ce gouvernement remplit d'ordinaire cette fonction, sans laquelle il y aurait, entre les branches des grands pouvoirs, des luttes et des déchiremens qui troubleraient la paix publique, et finiraient par détruire la constitution sociale et le code constitutionnel: ainsi, en France, le roi seul nomme et destitue ses ministres, augmente la chambre des pairs, et dissout la chambre élective.

18. Jusqu'ici, nous avons supposé le corps social ou national unique et indépendant. Il y a tel gouvernement qui régit plusieurs corps sociaux unis en un seul, et codépendans sous les rapports de l'union, tandis que, sous d'autres rapports, chacun de ces corps sociaux est séparé, est indépendant, et obéit à un gouvernement particulier : voilà le gouvernement fédératif, plus fort que ne serait chaque état séparé, mais toujours plus faible que le gouvernement unique.

Il se peut aussi qu'un ou plusieurs corps. sociaux soient les sujets d'un autre corps social : voilà les gouvernemens subordonnés, parmi lesquels viennent se ranger ordinairement les colonies.

Enfin, plusieurs corps sociaux non subordonnés, mais tout-à-fait indépendans, peuvent exister en corps d'états séparés sous le même gouvernement : c'est un accident remarquable, dangereux pour la

liberté; ce n'est pas une forme spéciale de gouver

nement.

19. Il ne faut jamais oublier que les constitutions les plus libérales, c'est-à-dire, les plus favorables au maintien des droits de tous et de chacun, ne sont rien sans la pratique de la liberté de la presse, et sans le jugement des délits de la presse et de tous les crimes par un véritable jury de citoyens. Ces deux excellentes institutions bien entières suffiraient, pour ainsi dire, au bonheur public et privé, si elles pouvaient se maintenir sans la garantie d'une constitution qui les consacre, et d'une représentation nationale librement élue qui veille sans cesse pour les conserver.

CHAPITRE II.

De la Constitution française avant 1789.

......

. Ce qu'on a vu s'écrouler en 1789 n'était point l'ancienne constitution, mais la dernière des formes incertaines du despotisme et de l'anarchie substituées à l'ancien gouvernement représentatif.

20. C'EST Sans doute parce que la pratique manque généralement à la théorie, que le gouvernement constitutionnel représentatif, voulu par le roi et par l'immense majorité des Français, trouve encore des opposans.

Les uns n'ont pas honte de dire qu'il exige trop

tempérées, balancées, retenues l'une par l'autre, et il peut y avoir une autorité spécialement établie pour modérer et conserver les autres, en se conservant elle-même. L'autorité qui prédomine dans ce gouvernement remplit d'ordinaire cette fonction, sans laquelle il y aurait, entre les branches des grands pouvoirs, des luttes et des déchiremens qui troubleraient la paix publique, et finiraient détruire la constitution sociale et le code constitutionnel: ainsi, en France, le roi seul nomme et destitue ses ministres, augmente la chambre des pairs, et dissout la chambre élective.

par

18. Jusqu'ici, nous avons supposé le corps social ou national unique et indépendant. Il y a tel gouvernement qui régit plusieurs corps sociaux unis en un seul, et codépendans sous les rapports de l'union, tandis que, sous d'autres rapports, chacun de ces corps sociaux est séparé, est indépendant, et obéit à un gouvernement particulier : voilà le gouvernement fédératif, plus fort que ne serait chaque état séparé, mais toujours plus faible que le gouvernement unique.

Il se peut aussi qu'un ou plusieurs corps sociaux soient les sujets d'un autre corps social: voilà les gouvernemens subordonnés, parmi lesquels viennent se ranger ordinairement les colonies.

Enfin, plusieurs corps sociaux non subordonnés, mais tout-à-fait indépendans, peuvent exister en corps d'états séparés sous le même gouvernement : c'est un accident remarquable, dangereux pour la

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