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mais, avec le temps, la raison, la justice éternelle, l'opinion publique, finissent par détruire ces sortes

de lois.

Mais ni une loi secondaire, ni l'usage ne peuvent seuls abroger la loi constitutionnelle, quoique, dans le fait, ils rendent plus ou moins difficile la victoire de ceux qui défendent la constitution contre ses violateurs. Il n'y a point de loi secondaire, ni de prescription, ni d'usage valable contre la loi constitutionnelle, parce qu'elle fait partie ou du droit naturel ou de l'ordre public, et parce qu'elle est la loi des lois positives.

339. Pour savoir laquelle il faut observer de deux lois secondaires contraires l'une à l'autre, on examine la date de chacune, et la plus nouvelle oblige seule; elle a vraiment abrogé l'ancienne, pourvu néanmoins que la loi nouvelle ne viole pas les premiers droits de l'humanité, qui sont immuables. Si la loi humaine ordonnait un crime, il faudrait la transgresser pour ne pas désobéir à la loi de la nature', au commandement de Dieu même.

340. De plusieurs constitutions subséquentes, sans examiner si on peut en quelque chose les soutenir conciliables, la dernière en date abroge toutes les autres et tout ce qui n'est fondé que sur elles. Autrement, on formerait de plusieurs constitutions diverses assez claires, prises à part, un gou

'Blackstone, Commentaires sur les Lois anglaises, Disc. prélim.

vernement incohérent, incertain, arbitraire, et sujet en tout à d'infinies controverses. Il serait impossible d'en séparer les parties opposées, et d'en concevoir l'ensemble. Chaque constitution nouvelle ne serait qu'un acte additionnel à toutes les constitutions antérieures. Au lieu d'une constitution, l'on n'aurait qu'un chaos impossible à démêler. Nos garanties, par exemple, nos garanties les plus précicuses s'évanouiraient devant les particularités et les exceptions des constitutions consulaires, et des sénatus-consultes ou constitutions de l'empire. Chaque constitution a ses défectuosités; si on les rassemble, on aura le monstre le plus bizarre. A chaque constitution suffit son mal; et le bien de chacune doit rester pur de tous les vices réels ou prétendus des constitutions précédentes. L'acte additionnel de 1815 a été le principe de la catastrophe dernière de Napoléon. La Charte n'est-elle qu'un acte additionnel? le trône est en péril.

Si, comme on n'en peut douter, la dernière constitution abroge toutes les autres, elle détruit, à plus forte raison, toutes les lois secondaires antérieures, ou même postérieures, qui sont avec elle antipathiques; toutes celles qui ont leurs bases, leur raison dans un système politique diffèrent de celui de la Charte. Tel est le sens naturel et l'unique sens raisonnable de l'article 68 de la Charte conçu dans ces termes : « Le Code Civil et les lois actuellement existantes qui ne sont pas contraires

à la présente Charte, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé.

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341. Je crois devoir terminer ce long chapitre, en formant un vou pour que des travaux, suivis avec persévérance, nous délivrent de la masse énorme et inextricable des lois anciennes et modernes qui sont expressément ou tacitement abrogées, ou remplacées et rendues inutiles par nos lois nouvelles.

Ce n'est point le style disparate, ni tel ou tel intitulé des lois qui fait vraiment souffrir le public; ce n'est point une classification méthodique' dont il a grand besoin; mais la multitude immense des lois, et des lois confondues avec des ordonnances temporaires, inutiles, vexatoires et véritablement abolies, ou les plus dignes de l'être : voilà ce qui obscurcit toutes les questions politiques et civiles, ce qui nous tourmente, nous ruine, et fournit des prétextes aux représentans, aux ministres, aux administrateurs, aux juges, aveuglés de préventions, ou animés d'un mauvais zèle. On nous refuse avec obstination, depuis quatre années, les lois de développement et de réforme les plus simples et les plus nécessaires. On a laissé les chambres

Voy. le livre de M. Dupin, intitulé: Lois sur Lois, pag. cxxxvIII et suiv., son Recueil en 2 vol. in-8° (Paris, 1818), où, sous le titre abusif et trompeur de Lois concernant l'organisation judiciaire, on donne plus de décrets impériaux, d'ordonnances et d'arrêtés que de lois. Pourtant, il faut séparer les lois d'avec les ordonnances. Le Bulletin, dit des lois, dans son frontispice, fait cette essentielle séparation, mais elle manque dans les pages. (Voy. ci-dessous, no 337.)

inoccupées la plus grande partie des sessions, lors⚫ que tout restait à faire pour mettre au moins la législation en harmonie avec elle-même, et surtout avec la Charte. On nous a surchargés d'ordonnances du roi et de réglemens préfectoraux qui augmentent la confusion déjà devenue extrême. Puissions-nous obtenir à chaque session une ou plusieurs lois qui, reprenant par ordre chronologique tout ce qu'il y a eu depuis trente ans de lois et de décrets législatifs, commencent à nous déclarer ceux et celles qui ne doivent plus obliger ni être cités dans les affaires, et qui insèrent dans nos cinq Codes, ou qui en retranchent ce qui doit y être inséré ou en être ôté. Ces travaux sont de la dernière importance, il conviendrait d'en charger sans retardement une commission du conseil-d'état, à laquelle pourraient être adjoints des jurisconsultes, des publicistes laborieux et instruits. Ces projets d'abrogation et ceux de révision, d'abréviation ou d'un meilleur arrangement, seraient successivement présentés par le ministère à l'examen et à la discussion des chambres, à l'ouverture de chaque

session.

342. Le gouvernement consulaire avait eu la belle mais trop fugitive idée d'obliger la cour de cassation à rédiger et à présenter annuellement un tableau des parties de la législation dont l'insuffisance ou les vices auraient été reconnus par l'expérience. Ce tableau devait être remis aux consuls. S'il avait lieu, ce qui est fort désirable et pourrait

s'établir par uue simple ordonnance, il conviendrait que ce tableau fût remis au roi et communiqué aux chambres, par la voie de l'impression et par l'action du ministère. (Voyez l'arrêté du 5 ventôse an 10, Bulletin des lois, n° 1263.)

Dans ce tableau annuel, seraient spécialement exposés les moyens,

1° De prévenir les crimes, d'atteindre les coupables, de proportionner les peines, et d'en rendre l'exemple plus utile;

2° De faire ou de perfectionner les différens Codes ;

3o De réformer les abus dans l'exercice du pouvoir judiciaire, et d'établir dans les tribunaux la meilleure discipline à l'égard des juges et des officiers ministériels.

Le ministre de la justice présenterait chaque année ses observations sur tous ces objets; elles seraient jointes au tableau ou mémoire annuel de la cour de cassation.

CHAPITRE VII.

Pouvoir exécutif responsable, ou les Ministres.

343. LA Charte ne parle point de ministre d'état ni de ministre de conseil privé; elle dit (article 54), les ministres; elle ajoute qu'ils sont res

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