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AVERTISSEMENT.

Il n'y a point de liberté ni de prospérité publique ou privée pour un peuple tributaire de ses voisins, pour un pays devenu la garnison des armées étrangères.

C'est parce que nous avons vu arriver pour notre patrie la fin de ses douleurs, que nous avons cru pouvoir, sans être inconséquens, nous occuper de la Charte royale de 1814, l'exposer et l'examiner dans toutes ses parties, et que nous osons, comme Français, la présenter la première dans le recueil des lois constitutionnelles reçues maintenant chez les différens peuples: la consolider, la faire aimer, l'améliorer, est depuis qu'elle existe, l'objet constant de nos vœux et de nos efforts.

Nous donnons d'abord un Essai de Traité Historique et Politique sur cette Charte, divisé en quatre livres : le premier est principalement historique; le second expose les droits civils ou individuels garantis par la Charte; le troisième, les droits politiques des Français et de la nation, c'est-à-dire, qu'il explique la distribution et les limites constitutionnelles. des pouvoirs supérieurs chargés de maintenir tous ces droits; dans le quatrième, nous montrons les avantages qui doivent

résulter de la Charte, nous discutons les imperfections qui lui sont reprochées; enfin, nous indiquons des moyens pour remédier à ces imperfections d'une manière qui soit régulière et paisible.

Vient ensuite, avec son préambule si incohérent et si peu nécessaire, omis souvent par les éditeurs, et avec le discours étrange fait pour annoncer la Charte, cette loi même dans toute son intégrité, sans notes et sans commentaires. C'est ainsi que nous aimons à manifester pour elle nos respects et notre attachement.

Elle est, tout balancé, l'une des constitutions les plus libérales de l'Europe; elle convient, en général, à l'état de la nation française et à l'esprit du siècle; elle est soutenue, en droit, par les deux institutions les plus essentielles à tout gouvernement représentatif, la liberté de la presse et le jugement par jurés; elle maintient ce jugement par jurés, ainsi que l'indépendance des juges; elle n'exclut pas l'administration en commun des intérêts locaux par les élus des administrés; elle peut absolument suffire, et nous assurer une grande prospérité Déjà elle est un gage de paix et de réconciliation, après de longues et sanglantes discordes; elle est un titre d'honneur pour le prince qui l'a consentie, parce que le fond de ses dispositions est conforme au vœu public, et que, si l'on veut avec franchise les exécuter, elles peuvent satisfaire aux plus pressans besoins de la nation.

Ce n'est pas seulement, comme on a osé le dire, une collection de principes à consulter par les chambres, un amas de maximes sans application nécessaire; elle définit nos droits; elle déclare et limite nos grands pouvoirs; elle remplace toutes les constitutions précédentes; elle abroge expressément les lois secondaires qui la contredisent; elle est supérieure à

toutes nos autres lois ', et conséquemment à tous les actes d'exécution, c'est-à-dire, aux ordonnances royales, aux arrêtés administratifs, et à la jurisprudence des tribunaux.

Quand nous serons délivrés sans réserve des mesures d'exception et de suspension qui nous ravissent encore une partie de ses bienfaits, quand elle aura reçu les développemens nécessaires qu'elle promet, et les autres dont elle contient les heureux germes; enfin, quand elle sera complétement exécutée selon son texte et selon son esprit, selon cet esprit de liberté, d'égalité, de justice et de sécurité générale qui la caractérisent, alors, sans attendre, mais sans oublier aussi les perfectionnemens provoqués par le roi, en 1815, nous l'appellerons, sans flatterie, notre vrai palladium, notre précieux trésor; nous y reconnaîtrons la mesure de liberté raisonnablement désirable dans une vieille civilisation, après des siècles de despotisme et tant d'intervalles d'anarchie, après trente années de discordes publiques, et tant de crimes commis au nom des doctrines libérales dans l'intérêt des doctrines serviles.

J'ai sous les yeux deux éditions de la Constitution et des Cinq Codes, publiées à Paris, en 1818, in-8°. Dans les deux, cette loi de nos lois est rejetée, plus que ridiculement, à la fin du dernier des Cinq Codes, et après le Tarif de la procédure. La Charte et ses principes ne font point encore partie de l'enseignement dans nos écoles! Deux fois par an, chez les Anglais, on lit au prône, dans chaque paroisse, les titres des libertés nationales. En France, on nous convoque deux fois l'an, dans les églises, pour entendre lire, comme des leçons parfaites, deux testamens qui ne sont pas en tout irrépréhensibles, qui peuvent mal disposer les esprits en faveur de la Charte, et qui doivent réveiller dans tous les tems le souvenir des faits qu'elle ordonne d'oublier.

ESSAI

DE

TRAITÉ HISTORIQUE ET POLITIQUE

SUR LA CHARTE.

Heureux les peuples et leurs chefs, lorsque leurs droits réciproques, déterminés par une constitution sage, exécutée de bonne foi, se servent de garantie mutuelle, et sont affermis chaque année par les travaux des conseils représentatifs!

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