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core un peu plus rapidement corrosive des lois fondamentales, que cette omnipotence ministérielle ou de faction décorée chez les modernes du nom d'omnipotence parlementaire, comme s'il suffisait de donner un titre imposant au despotisme pour le rendre légitime et salutaire.

La loi naturelle, qui est une loi divine, cette loi des lois, base nécessaire de tout gouvernement juste et de toute constitution durable, assure à tous les hommes liberté personnelle, liberté d'opinion et de religion, liberté de penser, de parler, d'écrire et de publier ses pensées, propriété et liberté d'industrie, enfin l'égalité des droits conciliée avec l'obéissance et le respect envers les autorités, conciliée avec tous les genres de domaine légitime, avec toutes les supériorités d'opinions qui naissent des bons services publics, des talens et des vertus. L'égalité des droits ainsi entendue, est le point central vers lequel gravite l'immense majorité européenne, injustement combattue par des rois mal conseillés, par des privilégiés qui ne songent qu'à eux-mêmes, par des prêtres et une congrégation que le faux zèle anime, qui n'entrent pas, mais qui empêchent d'entrer, qui pervertissent la religion, qui en font une folie, suivant l'expression des écritures, et la rendant odieuse, provoquent les apostasies.

Tels sont les droits de l'homme selon Dieu et la nature, droits antérieurs et supérieurs à toute con

vention humaine, à toute concession, à toute Charte, à tout gouvernement et à toute espèce de

gouvernans.

Ces droits peuvent être sans doute reconnus dans une constitution; il est avantageux qu'ils le soient dans un tel acte ou dans une déclaration de droits.

Mais l'essentiel de toute constitution libre, est la création et la délimitation des grands pouvoirs politiques, le pouvoir électoral, le pouvoir constituant et de révision de la constitution, le pouvoir législatif secondaire, le pouvoir exécutif responsable dans les ministres, le pouvoir judiciaire, composé de juges et de jurés, le pouvoir municipal, choisi ou désigné par les citoyens; la garde nationale sédentaire, et la franche liberté du droit de pétition.

Toutes ces institutions doivent être formées de la manière la plus propre à garantir les droits naturels des hommes étrangers ou natifs, riches ou pauvres, blancs, noirs, rouges, et de toute couleur; le constituant, ou les constituans et les constitués doivent souvent se ressouvenir que la société est d'institution divine, qu'il n'y a point de souveraineté humaine dans un sens absolu, point d'omnipotence absolue, que celle de Dieu; mais que les hommes étant dotés d'intelligence, de raison et de sentiment, d'ordre et de justice, n'ont le droit et le devoir de déduire du droit natuque rel, les lois constitutionnelles et les lois secondaires

ou de développement, opinant toujours sur ces deux grands objets, dans les vues d'humanité, de justice, autrement d'égalité, en respectant religieusement la foi publique ; et cela n'est rien sans les bonnes mœurs qui seules peuvent procurer et conserver les bonnes lois.

Telle est la doctrine qui prévaut aujourd'hui dans le monde éclairé. Pour en déduire les principales théories, il faudrait plus d'un volume. (Voyez CHARTE.)

No II.

CHARTE '.

CHARTE (lexicologie et politique). Par altération, Chartre, acte écrit. Ce mot se dit particulièrement et presque uniquement des actes écrits du moyen-âge. Depuis le douzième siècle en Angleterre mais surtout depuis 1215, et en France, depuis 1814, il désigne la loi fondamentale de l'état.

On expliquera, dans cet article, comment ce mot a été formé, quelles en furent les significations primitives; comment, dès le moyen-âge, des lois fondamentales furent qualifiées Chartes; com

1 Article extrait de l'Encyclopédie Moderne, de M. Courtin.

ment le sens de Charte se trouve encore en partie dans quelques mots qui en sont dérivés; on dira le sens et l'origine d'un mot homonyme, chef d'une famille de mots, toute différente de la première; on indiquera en passant les dépôts des anciennes Chartes de France, auxquels est attachée la nouvelle école des Chartes; enfin l'on examinera les questions les plus générales concernant la Charte française de 1814.

Le mot Charte a été formé du mot latin charta, et celui-ci du mot grec k'hartès; les deux signifient originairement papier fait avec le papyrus, espèce de roseau d'Égypte; le papier même de chiffons de lin ou de coton, s'appelle en latin charta; le parchemin est compris également sous. ce nom, devenu générique, de tout papier écrit ou non écrit. On distinguait charta pura et charta scripta, il est au moins probable que charta est dérivé du sanscrit, où l'on trouve kara-main, kri, radical, nom abstrait et verbal faire, haroti il fait, karta faiseur, qui peut tenir au grec kratos, force, puissance de faire. Le papyrus ou papier égyptien, comme le papier de lin, fut donc ainsi nommé de ce qu'il était fait, travaillé avec les mains; c'était une matière végétale faite, préparée pour écrire, ainsi charta pergamena, était une matière animale, du cuir fait, fabriqué, pour le même usage à Pergame ou bien ailleurs, à la fade Pergame. De même on pouvait dire charta membranea, matière à écrire faite de membrane

çon

ou portion d'animal, de peau d'animal, veteres membranæ, expression que l'on trouve dans certains dictionnaires, pour version latine du mot Charte, est donc une version inexacte.

Dans le moyen-âge, on disait le plus généralement charta, pour papier écrit et formant titre ou document d'un droit, ou d'une possession, comme nous disons aujourd'hui nos papiers, pour dire nos actes, nos titres. Charta fut donc le nom de toute sorte d'actes, ou titres, ou renseignemens écrits privés, ou publics; c'est ce qu'on peut voir dans Ducange, au mot charta, dans la Diplomatique du P. Mabillon, dans celle des bénédictins, dans plusieurs des anciennes coutumes du royaume.

De là vient que notre mot français Charte ou Chartre, fut le mot de l'usage le plus ordinaire, pour signifier toute espèce d'actes écrits, d'obligations écrites, de conventions, de reconnaissances entre particuliers, et de même tous actes d'autorité impériale, ou royale, ou seigneuriale, administrative ou judiciaire, civile ou militaire, ou ecclésiastique; ces actes ont reçu d'autres noms spéciaux et distincts, d'après les progrès de la civilisation. Les traités, les reconnaissances, concordats, concession des princes, entre eux-mêmes ou entre eux et leurs vassaux, étaient donc appelés Chartes, quoique le plus souvent ils ne fussent pas ainsi qualifiés dans leur contexte.

L'ignorance alors était si profonde, que les Chartes souvent n'étaient signées que d'une mar

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