Page images
PDF
EPUB

c'est un sophisme puéril, supportable à peine dans les jeux des écoles. Ajoutons qu'il n'y a rien de plus important et de plus fondamental que tout ce qui touche l'élection des représentans; tout ce qui les concerne, dit Montesquieu, est loi fondamentale dans les pays libres. Si les ministres et leurs élus changent, comme réglementaire de sa nature, le renouvellement annuel par cinquième, que répondre à ceux qui voudraient quelque jour sous le même prétexte, supprimer la pairie, le trône ou les autels?...

HUITIÈME QUESTION. N'est-il pas vrai qu'il manque des dispositions à la Charte, et qu'il est nécessaire et surtout urgent de la changer en divers points? - Réponse. Le plus petit changement dans une constitution entraîne la ruine de ses principes', nous en avons dit la raison à la fin de notre réponse à la cinquième question. Il s'ensuit qu'en pareille matière, on ne doit jamais innover sans y avoir très-long-tems réfléchi; sans avoir balancé tout l'ensemble et sans avoir établi des formes spéciales qui prémunissent un peu contre les dangers de l'instabilité. Notre Charte a posé les grandes. bases d'une liberté raisonnable; elle est le résultat de nos mœurs présentes. Elle pourrait nous suffire si on l'exécute franchement. Elle a besoin de calme et de durée pour s'établir et pousser des racines: en un mot elle a besoin d'être mise en action, car

› Esprit des Lois, liv. VIII, chap. 14.

elle ne consiste pas seulement dans le concours des trois pouvoirs pour nous imposer de lourds impôts et de rudes lois.

Ce qu'il faut à notre constitution pour faire jouir des garanties, qu'elle proclame, c'est qu'elle soit exécutée, obéie, développée, selon son texte et selon son esprit, par les lois qu'elle commande ou suppose, par des ordres, des réglemens légaux, et des jugemens indépendans; c'est qu'on veuille bien en faire jouir les citoyens telle qu'elle a été jurée; c'est qu'on s'abstienne de faire marcher de front avec elle des décrets anti- légaux, une loi telle que l'art. 57 de cette constitution consulaire qui mourut en naissant et qui est abrogée, ni la juridiction, ni la législation d'un conseil-d'état amovible où le ministre est juge et partie, ni une législation universelle et journalière par ordonnances ministérielles; c'est qu'on en repousse de tristes catégories, et les jamais et les toujours anti-constitutionnels ; c'est qu'on brise les entraves dues à la liberté de la presse; c'est que des jurés legitimes connaissent au moins de tous les délits relatifs à cette liberté, et généralement de tous les délits et de tous les crimes; c'est que l'on puisse choisir librement son avocat, surtout dans les procès politiques et conserver ses papiers domestiques sans la permission arbitraire d'un ministre; c'est que les juges d'assises et les jurés ne soient pas des commissaires choisis par l'autorité; c'est que nos administrateurs locaux et les juges de paix soient

élus ou désignés par les administrés; c'est que les enfans de la patrie ne soient pas justiciables des conseils d'une milice étrangère ; c'est que l'armée sédentaire, ou la garde nationale, soit organisée pour le maintien des libertés et la sûreté des personnes; c'est qu'elle ait part au choix de ses officiers, et qu'elle soit affranchie des taxes et emprisonnemens arbitraires; c'est que toujours l'enseignement soit réglé suivant la loi, par des lois, et non par les seuls ordres des ministres ou des sous-ministres ; c'est avant tout que les députés soient des hommes librement choisis par les corps électoraux, sans double vote, au lieu d'être les élus des ministres et d'un parti qui les dépasse.

On sait bien que l'ordonnance du 13 juillet 1815 a proposé la révision de la Charte sans formes spéciales, en sorte que cette constitution pourrait être changée comme notre loi d'élection de 1817, par une majorité composée uniquement de cinq ou six ministres. On sait que dans cette révision projetée, étaient compris quatorze articles qui ne sont pas tous vicieux, et qu'on y avait omis l'art. 32, qui oblige les pairs à ne délibérer qu'à huis clos, article si nuisible, de l'aveu même de M. de Châteaubriand. On sait que l'ordonnance du 5 septembre 1816 déclare qu'aucun des articles de la Charte constitutionnelle ne sera révisé, le roi étant convaincu que les besoins et les voeux de ses sujets se réunissent pour conserver intacte cette

[ocr errors]

base du droit public, et cette garantie du repos général.

Cependant, en 1814, le ministère à demande l'abrogation, par loi ordinaire ou secondaire, de l'art. 37 de la Charte constitutionnelle, qui prescrit les élections annuelles par cinquième; et il a obtenu cette abrogation dans cette forme qui ôte à la Charte son caractère de loi fondamentale, et présente une sorte de bail à ferme où les bailleurs sont les preneurs.

Mais, « il y a des lois contre lesquelles tout ce qui se fait est nul de plein droit, et il y a toujours ouverture à revenir contre en d'autres occasions ou en d'autres tems » (BOSSUET, Politiq. I, 4,8), et la France compte sur ces paroles de Charles X : J'emploierai tout mon pouvoir à consolider le grand acte que j'ai promis de maintenir. Cet auguste monarque achévera de donner un démenti complet à celui qui osa écrire, dans son Diction naire Philosophique, article VENISE : « Les concessions des rois ne sont que des titres de servitudes, »>

No III.

MÉMOIRE

OÙ L'ON EXPLIQUE Les dispositions de l'aRTICLE 6 DU CAPITULAIRE DE CHARLES-LE CHAUVE, DONNÉ A PÍSTES, EN L'An 864, er ou L'ON RÉFUTE L'INTERPRÉTATION NOUVELLE DE CET ARTICLE, PUBLIÉ DANS LE MONITEUR AU MOIS D'AVRIL 18161.

L'article 6 de ce capitulaire (ou de cet édit qui renferme en effet plusieurs capitulaires) énonce, pour en motiver les dispositions, la célèbre maxime, lex fit consensu populi et constitutione regis. Les savans ont regardé jusqu'ici cette maxime et cet article comme une des preuves directes les plus convaincantes de la nature mixte de notre gouvernement au neuvième siècle, ou de l'ancienne participation des Français à l'autorité législative. Sur ce point, l'abbé de Mably n'était pas inventeur; il ne faisait que répéter et fortifier ce que l'on

(1) Ce mémoire a été écrit pour être lu à l'académie des inscriptions et belles-lettres. L'auteur en avait fait de sa main une copie très-soignée, qui a été dérobée chez lui avec d'autres papiers pendant sa dernière maladie. C'est à grand peine qu'on a pu rétablir le texte sur un brouillon très-informe. (Note de l'éditeur.)

« PreviousContinue »