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cipes, que des exemples abusifs de trois ou quatre années mauvaises? Faute de loi, ceux qui ont délinqué sont à l'abri des recherches. C'est là tout ce que l'on peut conclure de tant de fautes. Gardonsnous de faire à la Charte des blessures nouvelles; empressons-nous plutôt de cicatriser les plaies invétérées qui la couvrent, et accélérons ses développemens. C'est là notre premier besoin, la loi de nos sermens, le cri de l'honneur et de la' pa

trie.

FRAGMENT

SUR LES INCONVENIENS DES MAJORATS POUR L'ÉTAT ET POUR LES

FAMILLES.

DEUX causes ont produit les majorats : d'abord l'abus des testamens déjà si abusifs, ensuite l'abus des substitutions graduelles portées à l'infini, faute aux législateurs qui ont précédé le seizième siècle, d'avoir prohibé ce funeste désordre, né dans les ténèbres du moyen-âge.

L'instinct du despotisme toléra, autorisa, encouragea, commanda bientôt ces déréglemens, et il y ajouta l'abus rajeuni par Napoléon, celui des majorats du propre mouvement du prince, ou octroyés par le prince à la demande des propriétaires aveugles de vanité.

De tous ces majorats, il ne pouvait résulter que de fatales conséquences: on les voit, sans pombre, pulluler dans l'Italie et dans l'Espagne, malheureuses patries des majorats!

Tout les accuse; car tout a lieu d'en gémir. L'état ou la nation, les puinés du majoratisé et jusqu'aux aînés jouissant de la misérable terre privilégiée.

Qu'il est à plaindre l'état où les majorats organisent avec tant de force une minorité aristocratique et oiseuse, chagrinant, tourmentant, compromettant perdant les rois, affligeant, écrasant les peuples; où les grands possesseurs sont exempts à perpétuité des graves impôts levés sur les mutations volontaires, et surchargent, par ces immunités tout le reste des citoyens; où les lois perverses invitent les majoratisés à contracter des dettes et leur assurent les moyens de se jouer de leurs créanciers; où elles changent les détenteurs en usufruitiers, et par-là même leur donnent le besoin de dégrader l'héritage et les facilités pour y parvenir; où la presque totalité des habitans est déchue de la douce espérance de posséder des immeubles; où elle perd dès-lors le plus vif intérêt de la vie sociale; où ceux qui se trouvent ainsi condamnés au sort des ilotes s'en vengent par l'oisiveté, le vice, et le crime.

La propriété immobiliaire, sujette à mutation d'une famille à l'autre, a son fondement dans la nature, et ses garanties dans les lois de tous les

états; mais rendue immuable dans une caste, dans les aînés d'une caste, elle n'est plus qu'une grande iniquité, une perpétuelle calamité publique et illégale, enfin, le plus vif aiguillon, le plus spécieux prétexte aux révoltes et aux lois agraires.

Le despotisme, et quelquefois une sorte de nécessité, substituant la vanité à l'orgueil national, font reconnaître par la loi des nobles titulaires et sans fonctions; le despotisme encore, et l'usurpation et le sommeil des bonnes lois introduisent de fait et de droit, pour ces nobles, toutes sortes de priviléges honorifiques et utiles au grand détriment du prince et de la nation; et enfin le despotisme encore ajoute à ces priviléges les substitutions graduelles à l'infini ou les majorats, et alors les majoratisés ne sont plus occupés que de titres et de rubans, d'intrigues de cour et de mendicité ambitieuse pour eux et pour leurs frères, leurs sœurs et leurs cousins. Tous se condamnent par une folle imprudence, par une ridicule hauteur ou par une impuissance réelle à une constante fainéantise, à tous les vices à tous les excès qu'elle entraîne; il faut un dédommagement aux cadets, privés comme la plupart des citoyens de toute espérance de patrimoine territorial; ils se refusent, par préjugés d'honneur, à tout travail honnête, à toute industrie. Alors naissent la galanterie chevaleresque et les débats des cours d'amours; les femmes nobles affichent l'indécence de mocurs; chacune a, son cavalier, son cortejo en Espagne, et son sigisbé en

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Italie. Il en est résulté des devoirs non moins bizarres qu'immoraux, fondés sur les deux règles du beau monde; aucune femme ne peut paraître seule, et aucun mari ne peut, sans un extrême ridicule, accompagner sa femme : les bonnes mœurs périssent et le point d'honneur les remplace. Viennent ensuite les spadassins, les joueurs, les suicides, etc., et toute cette troupe corrompue se multiplie. Les non nobles imitent autant qu'ils le peuvent les habitudes scandaleuses des hautes classes; le corps social dépérit, languit ou meurt, et ne peut naître qu'en traversant les malheurs effroyables des révolutions.

Les cadets sont sacrifiés à l'aîné; les filles restent sans dot et sans époux, et les puinés, faute d'un capital, végètent dégradés, sans instruction, sans industrie, dans la dépendance et l'oisiveté, se consolant par l'ivresse et les orgies licencieuses.

L'aîné est le seul maître, et il est haï comme tel: on ne se borne pas toujours à le haïr. Le possesseur du majorat est le premier puni des injustices dont il devient l'instrument. Propriétaire exclusif, il est regardé comme l'administrateur des biens communs; il ne donne pas assez à l'un, il donne trop à l'autre. Frères, sœurs, femmes, enfans, ont formé contre lui une ligue secrète pour s'approprier chacun ce qu'il pourra, et améliorer sa situation, sans s'inquiéter de la gêne où se trouve leur chef. Accablé de chagrins domestiques, il finit par s'abandonner aux plaisirs des sens, et dans leur ivresse,

il se prépare de nouvelles douleurs et de nouveaux remords.

Ainsi les nobles, et les majoratisés surtout, dégénèrent sans cesse, sous tous les rapports moraux et physiques, et ils tombent fort au-dessous des citadins et des laboureurs qu'ils ont la folie de mépriser.

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CONTRE LE PROJET DE RÉTABLIR ET D'AGGRAVER LES PRIVILEGES D'AINESSE, DE MASCULINITÉ, DE SUBSTITUTION;

ET DISCOURS SPÉCIAL CONTRE LES SUBSTITUTIONS.

1826.

Unice à malo est nova rogatio;
Adhuc mala nchis addit infinita;
Fata minitatur pessima Galliæ,

ILLUSTRES PAIRS,

Vous avez entendu les cris de la douleur et de l'aversion publiques s'élevant de toutes parts contre ce malheureux projet, qui, jusqu'à l'ouverture de vos débats, au milieu d'un déluge d'écrits, tous

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