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tion qui fut acceptée par Louis XVI, et qui ravit. de joie presque tous les citoyens, quoiqu'elle ait éprouvé, sur quelques articles,des censures plus ou moins fondées.

53. On lui reprochait de n'avoir admis qu'une seule chambre, de n'avoir établi qu'une démocratie royale, et d'avoir excessivement limité l'autorité du roi dans son action constitutionnelle et admi nistrative.

Il est vrai que cette constitution se ressent du malheur des circonstances et des défiances trop naturelles qui existaient alors. Deux chambres législatives ont des avantages, quel que soit le genre du gouvernement; outre qu'elles assurent plus de maturité aux délibérations, plus de stabilité aux institutions, l'une des chambres peut avoir dans sa composition des caractères spéciaux d'une aristocratie désirable, surtout avec un monarque héréditaire.

54. Deux chambres mieux qu'une résistent à l'enthousiasme et aux intrigues; elles dispensent de créer un troisième corps pour l'accusation et le jugement des grands crimes politiques, et spécialement de ceux des ministres.

Sans doute la démocratie et la royauté sont deux élémens qui ont besoin d'intermédiaire pour constituer un établissement durable; mais la constitution de 1791 avait formé la chambre unique d'une véritable aristocratie, choisie par des corps électoraux aristocratiquement constitués, par leur élection

même, et par la condition d'un revenu direct pour être électeur. C'était un grand bien de n'avoir, ni de droit, ni de fait, exclu de la représentation les candidats de fortune médiocre, ceux qui ne peuvent se passer d'une indemnité quelconque.

55. Dans l'action constitutionnelle, ce qui manquait à Louis XVI, et ce qu'il ne fallait point lui refuser, c'était le droit de dissoudre la chambre, et d'appeler à la nation des actes de ses représentans électifs. On n'avait pas cru aussi que les ministres et leurs agens révocables pussent être ni comptables à eux-mêmes, ni surveillans d'eux-mêmes à titre de représentans; on n'avait pas cru que des ministres dussent pouvoir exclure par le conseild'état, ou ajourner d'une année au moins, par un préfet, les électeurs et les éligibles; ni, sous prétexte de la présidence des corps électoraux, présenter souvent en grand nombre aux électeurs des candidats ministériels, ni faire travailler les élections par les préfets ou par des agens de police, en un mot, par tous les moyens de la puissance exécutive. Toutes ces omissions seraient trop aisées à justifier.

Mais il est bon qu'il y ait un pouvoir médiateur et préservatif qui soit autorisé à renvoyer la chambre ou les chambres, si elles s'abandonnaient à un esprit de parti dangereux; et quand les ministres sont responsables, quand ils ont ainsi (jusqu'à leur révocation) une espèce d'autorité assez distincte de celle du roi, il est bon qu'il puisse de lui-même,

et par un acte royal exempt de responsabilité, dissoudre l'assemblée représentative, à charge de la convoquer en même tems, et pour la réunir dans un bref délai, que la constitution doit fixer.

Cette institution aurait pu être utile pour les tems ordinaires; car il est plus que douteux qu'elle eût été respectée, alors que la défiance envers la cour était devenue extrême, en même tems que les dangers du dehors étaient le plus menaçans; lorsque les émigrés avec les armées de l'empereur d'Allemagne et du roi de Prusse, au nom même de Louis XVI ', marchaient pour renverser la constitution, s'emparaient de nos places fortes, occupaient déjà les plaines de Champagne; lorsqu'enfin l'opinion la plus générale reprochait au roi de ne point agir pour faire marcher cette constitution, et signalait auprès de sa personne un conseil secret d'intelligence avec les ennemis.

les

56. Par rapport à l'action administrative, la constitution de 1791 donnait au roi la surveillance et la suspension des administrateurs locaux, à charge d'en instruire le corps législatif. Il est vrai que administrateurs étaient électifs, mais ils doivent l'être; ils l'étaient sous l'ancien régime, et dans les pays d'états, et selon le système établi pour les assemblées provinciales. Le roi, par la constitution de 1791, avait l'institution des juges, et quant à

'Et en vertu de sa procuration. (Voyez-la dans les Mémoires de M. Bertrand. Voyez les Lettres de Louis XVI, publiées depuis.)

leur élection ou présentation, elle avait eu lieu dans les parlemens, dans les cours, avant l'introduction de la vénalité. Les juges qui ne doivent dépendre que de la loi et de leur conscience, pouvaient sembler assez contenus par le recours en cassation, par la prise à partie, et par la surveillance générale du roi, des ministres et du corps législatif.

57. Quoi qu'il en soit, une révision eût remédié à quelques défauts de la constitution. Elle était juste en elle-même, complète dans presque toutes ses parties, et débarrassée des anciennes lois contraires, et développée par des lois en harmonie avec elle. Il faut bien observer qu'elle n'avait pas attribué au corps législatif le dangereux pouvoir de suspendre l'autorité royale. Cette fatale suspension fut l'effet, non-seulement d'un dessein de renverser le roi pour en élever un autre, non-seulement des agitations d'un parti démocratique sous la monarchie, et qui s'était formé à la suite du voyage de Varennes, mais encore d'un mécontentement raisonnable et ressenti dans tout le royaume; enfin, de deux insurrections populaires et d'un combat sanglant, au sort duquel se soumirent le corps législatif et toute la nation maîtrisés par les périls du moment, et par l'impossibilité apparente de maintenir, sous le gouvernement de Louis XVI, la liberté intérieure et l'indépendance nationale.

Ge ne furent donc pas les défauts de la constitution de 1791 qui entraînèrent sa ruine, ce fut un enchaînement invincible de circonstances et de

fautes anciennes et nouvelles commises des deux parts; ce fut la retraite prématurée de tous les constituans qui s'étaient, par une fausse délicatesse, déclarés non rééligibles; ce fut l'inertie du pouvoir royal, et sa conduite plus qu'équivoque, et sa faiblesse accrue par l'absence des Français les plus remarquables par leur naissance et par leurs fortunes; ce furent la haine et la réaction contre les émigrés rassemblés en corps d'armée contre leur pays, excitant et apportant dans leur patrie la guerre étrangère et la guerre civile, afin de ressusciter leurs priviléges et le pouvoir arbitraire : nulle constitution n'eût résisté à l'action corrosive de toutes ces causes réunies.

CHAPITRE IV.

Constitution de 1793.

Gouvernement provisoire révolu

tionnaire. Constitution de 1795.

-

58. A la suite des horribles massacres de septembre 1792, dirigés, ordonnés par le comité de la commune de Paris, insurgée au 10 août, et par Danton, ministre de la justice; au premierjour, au premier moment de la convention, dans laquelle siégeaient les auteurs de ces crimes, et d'où ils ne purent être ôtés qu'en 1794, après une suite innombrable de nouveaux forfaits, la suppression de la royauté fut décrétée : elle le fut sans discussion, et

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