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La guerre au dehors continuait contre une partie des puissances coalisées, et la Vendée, la chouanerie, entretenaient la guerre civile.

Les directeurs furent choisis en partie, d'après le mouvement royaliste de vendémiaire, par la colère et par la peur, ensuite poursuivis par la haine des ennemis du dehors et du dedans.

Ces directeurs, dans la situation la plus embarrassante, accrurent la nombreuse classe des factieux par des rigueurs non nécessaires, par de téméraires faveurs concédées à la théophilantropie', , par des emprisonnemens arbitraires, des déportations illégales, et surtout par des choix de commissaires ordinaires et extraordinaires justement diffamés et détestés, qui travaillaient les élections dans tous les départemens, et ne pouvaient pas remédier aux désordres.

62. Il faut en convenir, l'intrigue royaliste et contre-révolutionnaire de ceux qui se disaient, par un odieux blasphême, les compagnons de Jésus et les fils légitimes, avait eu des succès dans les élections même de 1795; elle domina dans plusieurs sessions électorales; elle troubla partout; elle fit des progrès parmi les membres des deux conseils; déjà, dans le troisième mois de l'établissement de la constitution de 1795, on avait, dans une réunion secrète de membres de ces conseils

Voy. l'histoire de la théophilantropie, dans l'Histoire des Sectes religieuses, par M. Grégoire, ancien évêque de Blois.

apporté la rédaction d'un projet pour destituer le directoire.

Dans l'été de 1796, la scission fut publique entre les deux grands pouvoirs de l'état; ils s'agitaient l'un contre l'autre, se menaçaient mutuellement. Si trois des directeurs menaient rudement à la liberté, leurs adversaires les plus déclarés dans les deux conseils, les uns d'une volonté réfléchie, les autres sans le vouloir et par l'entraînement d'un zèle imprudent pour l'ordre et la justice, marchaient droit au rétablissement de la royauté.

Trois directeurs osèrent violenter les deux conseils par la force armée : ils firent le coup d'état du 18 fructidor, et le ternirent par des proscriptions et par des déportations. La constitution fut sauvée en apparence; mais on marcha de troubles en troubles jusqu'à ce que le général Bonaparte, qui comptait les Français et tous les hommes pour rien, et lui pour tout, de concert avec trois des directeurs et avec une grande partie des législateurs, vînt donner le scandale d'une nouvelle violence militaire, d'une seconde mutilation, et même de la suspension des deux conseils. Ce fut la journée du 18 brumaire. Un mois après fut publiée la constitution de l'an 8, ou du 13 décembre 1799.

On eut le gouvernement consulaire, et puis le gouvernement impérial, tous deux fort bien dirigés par le premier consul pour amener sa dynastie, pour qu'il pût ravager, écraser, renverser l'Europe, menacer tout le globe au nom de la France,

mais sans prévoir que la France et lui devaient succomber d'épuisement, en 1814, sous les efforts des puissances alliées.

CHAPITRE V.

Constitution de 1799.

63. Le 10 novembre 1799, trois consuls provisoires avaient remplacé les cinq directeurs, et reçu, comme on disait alors, le pouvoir directorial. Bonaparte fut l'un de ces trois ; et, par sa primauté, son caractère et ses habitudes, il fut le seul gou

vernant.

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Ces consuls avaient été, le jour de leur création, adjoints à vingt-quatre membres de chacun des deux conseils législatifs, pour préparer des changemens aux dispositions organiques de la constitution de 1795; on disait qu'il s'agissait bien moins alors de conserver la liberté dans son étendue naturelle, que de centraliser le gouvernement

'Organiques. Pendant dix-huit ans toute destruction s'est appelée organisation. La commission qui donna la constitution de 1795, avait été nommée, en 1794, pour organiser la constitution de 1793. La constitution de 1799 devait aussi organiser celle de 1795; et les sénatusconsultes, qui détruisaient les garanties conservées encore dans la constitution de 1799, s'appelaient organiques. Long-tems, conserver ne fut que détruire. La fraude politique dans les paroles est plus commune que les violences; elle a fait plus de maux à la patrie. Mettons donc sans cesse à nu le langage fallacieux et les perfidies oratoires.

pour sauver l'indépendance nationale, rétablir la paix au dehors et au dedans, protéger tous les intérêts.

Cependant, la loi qui annonçait des changemens

disait «< qu'ils ne pouvaient avoir pour but que de

consolider, garantir et consacrer la souveraineté du peuple français, la république une et indivisible, la division des pouvoirs, la liberté, l'égalité, la sûreté, la propriété. » Vaines promesses! discours trompeurs !

Les délégués subdéléguèrent douze d'entre eux : ceux-ci, entraînés par le général consul provisoire, arrêtèrent un projet qui privait la nation du droit d'élire ses représentans, et le corps législatif de l'initiative des lois, exclusivement réservée à Bonaparte, que l'on nommait en même tems premier consul. Les deux autres consuls n'avaient que le titre, avec la voix consultative pour quelques affaires seulement. Le premier consul était créé pour dix ans.

L'élection des membres du corps législatif était transportée à un sénat de quarante membres au moins, de quatre-vingts au plus, qui devaient être choisis sur des listes présentées par les corps élec

toraux.

64. Après le premier consul et ses deux conseils, était le sénat, dont les titulaires étaient à vie et bornés aux fonctions sénatoriales. Le sénat était appelé conservateur, et il devait s'occuper de faire annuler, sur la demande du premier consul ou des

tribuns, les actes qu'il aurait reconnus inconstitutionnels.

Venait ensuite un corps, inconnu depuis 1791, un conseil-d'état amovible, devant éclaircir les difficultés administratives, et participant à la législation, chargé, sous la direction du premier consul, de rédiger les projets de lois et les réglemens; de soutenir les projets de lois devant le corps législatif, créé muet, et de répondre aux tribuns qui parleraient sur ces mêmes projets.

65. Au reste, on conservait les garanties promises par les constitutions précédentes.

On ne parlait d'administrations locales que pour dire qu'il y en aurait.

La commission de trésorerie nationale ne devait plus exister.

La commission de comptabilité nationale était conservée, ainsi que le tribunal de cassation : les membres de ces deux corps devaient être nommés par le sénat, sur les listes de présentation des corps électoraux.

66. Il y avait, pour juger les ministres, dans le cas de responsabilité, une haute cour nationale, composée de juges et de jurés; mais les agens d'exécution, autres que les ministres, ne devaient être poursuivis, pour des faits relatifs à leurs fonctions, qu'en vertu d'une décision du conseil-d'état, c'està-dire du premier consul, ou de ses ministres chargés du pouvoir exécutif. Ainsi, le gouvernement pouvait violer toutes les lois, pourvu que ce fût

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