Page images
PDF
EPUB

gent dans l'adoption pure et simple de la méthode établie en 1812, et il pourrait y en avoir à faire dépendre une réforme nécessaire ou très-utile, d'un renouvellement intégral du corps électif qui devrait y coopérer.

On comprend aussi que pour l'introduire dans les constitutions restées à cet égard dans une affligeante imprévoyance, la première proposition de réforme doit être précédée de la proposition et de l'adoption d'une loi qui serait constitutionnelle et votée en observant les formes spéciales que cette même loi prescrirait pour faire à l'avenir des changemens à la constitution.

Il y a des constitutions, comme celle de Norwége, qui déclarent à jamais insusceptibles de réforme, certaines garanties générales, et la royauté, et la succession au trône, et l'hérédité de la chambre héréditaire, etc.

Cela ne présente pas d'inconvénient réel. D'abord, les garanties communes, en les supposant bien exprimées, sont véritablement immuables, c'est une reconnaissance du droit naturel; et, quant à la royauté et à l'hérédité dont il s'agit, elles sont de la nature du gouvernement monarchique représentatif. Mais aucune écriture, aucun serment ne préservera jamais des révolutions que pourraient amener les faiblesses des rois et l'injustice des grands, s'ils donnaient l'exemple du parjure, s'ils entreprenaient, les uns ou les autres, un trop

manifeste renversement du pacte social, ou s'ils le réduisaient par des artifices trop ordinaires, patens ou occultes, à un simulacre de liberté, vain déguisement du despotisme et de la tyrannie, vaine précaution contre les plus terribles catastrophes.

On finit par quelques réflexions contre l'omnipotence parlementaire, habituelle et quotidienne, employée, sans formes spéciales, soit pour suspendre, soit pour abroger des dispositions constitutionnelles. C'est ainsi qu'on a poussé la France dans un abîme que les Espagnols et les Siciliens doivent éviter soigneusement.

Ici, pour apprécier les faits, pour y puiser une leçon utile, distinguons bien le ministre de l'école qui s'empressait autour de lui.

Le ministre ne voulait que se composer une majorité factice, affidée, permanente pour cinq ou sept ans. Pour cela il fallait détruire le renouvellement par cinquième ordonné pår la Charte; ensuite, par des artifices de police et de gouvernement, faire élire en majorité des ministériels qui eussent commencé par absoudre les provocateurs et les agens de leur élection, et puis qui eussent asservi la France aux fantaisies du ministre pour cinq ou sept années. Dans ce qu'on a médité d'innovations irrégulières et funestes, voila tout ce qu'il fallait au ministre, et tout ce qu'il approuvait sans réserve; le reste, il en souffrait la discussion,

comme très-favorable à son dessein chéri, comme très propre à le débarrasser de toute plainte fondée sur la Charte écrite.

Son école rêvait le fracas illusoire de l'oligarchie parlementaire anglaise; elle y cherchait peut-être sa propre influence, mais, de bonne foi aussi, la liberté, comme ils l'ont conçue, et la réforme trop périlleusement célèbre des vices de notre Charte, reconnus par le roi et sentis par la nation.

Qu'est-il arrivé? L'opinion libérale a repoussé le plan du ministre ; la ligue du privilége a chassé le ministre; et le ministère qui a succédé, s'alliant aux hommes du privilége, a préparé le renouvellement intégral, en se faisant donner le pur arbitraire, en continuant de faire suspendre la Charte, en obtenant qu'elle fût violée dans ses dispositions les plus importantes. Il espérait toujours se procurer en foule des députés complaisans et dévoués, qui laisseraient dormir la loi fondamentale. Mais, au lieu d'une majorité ministérielle, il a reçu de sa haute alliée, la vieille aristocratie, des députés encore une fois introuvables. Il a semé l'injustice, autrement l'inconstitutionnalité; nous recueillons les tempêtes présentes, et nous sommes forcés d'en présager de futures.

Ainsi, l'omnipotence parlementaire, cette implacable ennemie des constitutions positives, est jugée par ses fruits.

Si l'on ne sort pas de cette ornière, il n'y a plus. de constitution écrite; il n'y en a plus de réelle,

quand elle serait gravée partout sur les pierres et sur les métaux, et sans cesse nominalement invoquée dans tous les actes des chambres et de l'administration ministérielle.

L'omnipotence, journalière d'un roi, et même celle d'un roi et de deux chambres, ne peuvent être que l'entière absence de constitution véritable. C'est le pur et universel arbitraire; c'est le despotisme ou la tyrannie légale d'un seul ou de plusieurs. Lequel vaut mieux? lequel est pire? Demandez-le aux Danois et aux Anglais de bonne foi.

Il en faut revenir à ceci, quoi qu'en ait dit M. Guizot, dans son livre élégant, plus utile qu'exact, plus adroit qu'ingénu, sur le gouvernement français. Oui, c'est, tout à-la-fois, par le titre et par les paroles, et par l'esprit de la constitution écrite, c'est surtout par son observation franche, et par le fidèle accomplissement de ses promesses, par le prompt développement de ses conséquences, que se fait reconnaître le gouvernement constitutionnel. S'il n'est que déceptif et nominal, un ministre ou un ministère, soutenu par les faux brillans d'une jeune école ambitieuse, allié aux hommes du privilége, possédé même par cette ligue redoutable, pourra quelque tems, à un certain degré, maintenir les intérêts nouveaux, contenir les intérêts anciens; mais si le ministre est armé de la corrosive toute-puissance parlementaire absolue, certes, il finira par se renverser luimême, ou par tout renverser. Ce n'est qu'avec des

formes lentes et spéciales, sagement préservatrices, qu'on peut toucher un peu fort à l'établissement constitutionnel, autrement on ouvre la porte à la contre-révolution, toujours en embúche. Il est triste de ne s'en aviser qu'après avoir, de tous ses efforts, préparé l'ouverture tout au grand de cette porte fatale.

No X.

NOTICE

SUR LE

PRÉCIS HISTORIQUE ET CRITIQUE

DE LA CONSTITUTION DE LA MONARCHIE DANOISE;

PAR M. P.-A. HEIBERG'.

Ce précis, publié d'abord dans le Journal Général de Législation et de Jurisprudence, paraît maintenant à part. Le Danemarck avait une constitution libérale. En haine des nobles et de leurs priviléges exclusifs, le tiers-état et le clergé proposèrent, le 8 octobre 1660, de rendre le trône héréditaire. Les nobles furent forcés d'y consentir. Le roi Frédéric III, en acceptant, promit ce qu'on

1 Article extrait de la Revue Encyclopédique, tome VII.

« PreviousContinue »