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ment attribuécs à la faveur et au mérite, au servage et à la frivolité ou à la bassesse.

Ainsi, par degrés, la France et la plus grande partie de l'Europe furent asservies à l'orgueil, aux caprices d'un seul homme, et successivement désolées, ruinées, anéanties par des contributions illégales, des conscriptions sans limites, des guerres injustes et sans fin, des brigandages, des meurtres, des pillages continuels, des victoires sanglantes, de folles conquêtes et des revers effroyables. Ainsi fut renversé avec fracas le nouvel empire; la superbe ville de Paris capitula une première fois devant l'ennemi, et les Bourbons, dans la personne de Louis-Stanislas-Xavier, furent rappelés au trône des Français, pour les gouverner par une constitution représentative. Ce trône avait péri des contre-coups provoqués par les opiniâtres complots des privilégiés, ses aveugles défenseurs; il a été ramené par l'homme qui semblait devoir en consommer la ruine. Renversé pour l'aristocratie privilégiée, rétabli sans elle, il ne s'appuie plus sur elle.

CHAPITRE VII.

De la constitution du 6 avril 1814.

82. AVANT la capitulation, beaucoup de personnes prévoyaient la chute de l'empereur, qui s'obstinait à rejeter une paix fâcheuse trop nécessaire, qui paraissait irréconciliable avec les puissances coalisées, et qui avait contre lui au-dedans un mécontentement universel. Le 28 mars, trente sénateurs en conférence avaient fait demander à l'impératrice régente l'autorisation de s'assembler pour délibérer sur les grands intérêts de l'état; si cette princesse fût restée dans la capitale, ils eussent pu, de concert avec elle, travailler efficacement à conserver le trône à Napoléon II.

A l'exception de trois ou quatre au plus, qui avaient peut-être leur plan de restauration formé, et qui paraissent l'avoir fait exécuter, aucun des sénateurs ne s'occupait du rétablissement des Bourbons, qui ne pouvait que déplaire à l'Autriche, et qui n'était pas le vœu de ses alliés, ou du moins leur vou connu.

Mais la régente se conforma aux ordres de son époux, qui étaient de se retirer à Orléans. On crut empêcher les assemblées du sénat, en ordonnant

au président et aux autres flexibles officiers de ce corps de quitter Paris.

Il y eut une assemblée de sénateurs, dès le 29 mars, chez le comte Lambrechts; une autre, le lendemain, au palais même du sénat, composée principalement de cette minorité qui avait voulu qui voulait, avant tout, comme l'unique moyen de bonheur national, la liberté par la monarchie constitutionnelle et représentative; ils ne s'occupaient que de cette noble pensée, à laquelle ils entendaient que tout demeurât subordonné.

83. Dans cet état de choses, l'empereur Alexandre, qui occupait la capitale des Français, pressé par M. de Talleyrand, consentit au rétablissement des Bourbons. Il parut, le 31 mars, une proclamation qui excluait Bonaparte, et qui invitait le sénat à préparer une constitution pour la nation française; en même tems, ce corps fut convoqué par M. de Talleyrand, et le 1o avril, trente sénateurs environ nommèrent un gouvernement provisoire qui fut chargé de pourvoir aux besoins administratifs, et de présenter au sénat un projet de constitution '.

84. Il convenait auparavant de prononcer la déchéance de Napoléon; elle le fut, le 3 avril, et cet acte fut signé successivement par tous les séna

1 Alexandre avait dit aux sénateurs : « Donnez à votre pays des insti>>tutions fortes et libérales, convenables aux lumières du tems, et dont » la France ne peut se passer. » (Voyez procès-verbal du sénat, avril 1814, et Moniteur du niême jour.) Mais depuis...........

teurs, qui vinrent tôt ou tard, par cette signature, se réunir à leurs collègues. Le même jour, 3 avril, les membres présens du corps législatif, convoqués par le gouvernement provisoire, donnèrent leur adhésion, qui fut suivie de celle des administrations et des tribunaux. Les membres du département de Paris se séparèrent de tous les corps qui adhéraient au sénat, et publièrent d'eux-mêmes un acte où ils désignaient pour monarque Louis XVIII, et lui donnaient l'odieux nom de maître; comme si la nation n'était qu'un peuple servile. Plusieurs jours auparavant, le maire de Bordeaux s'était, dans un discours public, déclaré pour Louis XVIII, et, de concert avec une société secrète, avait entraîné cette ville par ce coup d'éclat.

85. Dès le 6 avril, le gouvernement provisoire offrit à l'acceptation des sénateurs un abrégé de constitution qu'il voulait faire adopter d'urgence et dans la séance même où il fut proposé. On eut de la peine à obtenir un examen de quelques heures par une commission qui fit son rapport dans le jour.

Ce projet rétablissait la dynastie des Bourbons: les sénateurs ajouterent que le roi serait proclamé quand il aurait prêté, par écrit, le serment constitutionnel. Une idée aussi naturelle, aussi conforme à l'antique liberté des Français, était trop opposée à ce que des flatteurs ont nommé le mystère du pouvoir. C'était pourtant l'unique moyen d'aplanir tous les obstacles, et de prévenir toutes

les objections des amis de la patrie. Admettre la fiction ou la prétention de la royauté non interrompue, c'eût été mériter le reproche de paraître incriminer les anciens votes et les sermens contraires de la nation; enfin, donner lieu à élever des nuages de difficultés sur ce qui ne devait pas être exposé à des doutes.

La noblesse titulaire ou nominale, l'ancienne et la nouvelle étaient autorisées; on ne pouvait pas faire autrement, lorsque les chefs de la force armée avaient bu dans la coupe de ces illusions, et puisque les nobles d'avant 1789 s'en étaient d'autant moins dépris, qu'ils avaient vu créer de nouveaux titres de noblesse, et en avaient eux-mêmes postulé.

Les cas de responsabilité des ministres étaient bien définis, et l'inviolabilité royale établie clairement (art. 21).

Il y avait deux chambres; le roi concourait avec elles; il avait la sanction; l'initiative directe était commune aux trois branches du pouvoir législatif: l'âge de vingt-cinq ans suffisait pour siéger, même au sénat; les présidens des deux chambres et des assemblées électorales étaient électifs.

Les cours et les tribunaux présentaient au roi les candidats pour la cour de cassation.

D'ailleurs, on avait adopté la plupart des bases générales de la constitution de 1791. On ajouta quatre articles de la plus haute importance : l'un rétablissait la liberté de la presse, sauf la répression des délits nés de l'abus de cette liberté; un

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