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J. B. SAY.

tout autre pavillon militaire que celui de Russie interdit à ses eaux, voilà des voies commerciales nouvelles qui, jusqu'à ce jour, n'ont excité qu'une envie impuissante de la part du premier peuple commerçant de l'univers. C'est du peuple anglais que je veux parler. Ces habitants d'une île exigue, qu'ils ont fertilisée avec un art admirable, ayant eu le bonheur de posséder les premiers une admirable forme de gouvernement, qui protégeait les biens et les personnes, ont perfectionné de front l'agriculture, le commerce et les manufactures. Les autres nations ont tour à tour fait des conquêtes par amour de vaine gloire, par esprit de prosélytisme, de haine ou de vengeance; les Anglais ont conquis pour mieux

On se trompe. Personne ne voudrait faire les | confédération industrielle du Zollverein, à se avances nécessaires pour les mettre en valeur, procurer une enceinte possible de douanes prodans la crainte de ne pas rentrer dans ses avan-tectrices; toute l'Allemagne centrale est entrée ces; ils ne concourraient à aucun produit, et les dans cette confédération qui caractérise les produits pour lesquels leur concours est néces- temps modernes. Il en résultera des conséquensaire n'existeraient pas, ce qui équivaudrait à ces, non-seulement commerciales, mais politiune cherté infinie, car rien n'est plus cher que ques, d'une haute gravité, conséquences trop ce que l'on ne peut avoir pour aucun prix. Les peu prévues par les grandes nations circonvoisifacultés industrielles sont des instruments mix- nes.- Des confédérations analogues pourraient tes qui sont en partie donnés gratuitement par se former entre la France, la Belgique et la la nature, comme la force et les talents natu- Suisse; entre les États d'Italie et l'Autriche, si rels, et qui sont en partie un capital, comme la l'Autriche daignait devenir commerçante, etc.force et les talents acquis. Une puissance qui fait de grands pas dans la carINDUSTRIE NATIONALE. On comprend dans cette rière de l'industrie est l'immense empire de dénomination les diverses branches d'industrie Russie. Les conquêtes opérées au midi depuis le dont s'occupe une nation. Il n'existe qu'un très- règne de Catherine, les populations accrues sur petit nombre de peuples chez lesquels toutes les les bords de la mer Noire, le débouché du Bosbranches de l'industrie soient à la fois très-pros-phore ouvert aux navires russes par la force pères et très-perfectionnées. Sans doute le pro-inspirant la peur, la mer Caspienne conquise, et grès de chacune ajoute au progrès des autres, mais leur avancement est inégal, et diffère suivant le caractère, les habitudes et les penchants des populations. Le plus souvent, la nature des contrées détermine la prépondérance de telle ou telle branche d'industrie. Les pays insulaires, les continents bordés de vastes côtes, et sillonnés par de beaux fleuves, s'adonnent surtout au commerce; les États à terroir fertile préfèrent l'agriculture; enfin, les pays défavorisés de la nature cherchent dans l'industrie manufacturière des moyens d'existence et de richesse. Le génie du législateur et l'essence des gouvernements peuvent beaucoup pour déterminer la prépondérance d'une branche d'industrie sur les autres.—Ainsi, l'ancienne Rome honorait, favo-commercer, pour mieux vendre les produits de risait l'agriculture, dédaignait les arts manufacturiers et méprisait le commerce. A Carthage, au contraire, les lois étaient toutes en faveur du commerce. Dans Athènes, les lois favorisaient beaucoup le négoce et les travaux des ateliers, tandis qu'un territoire aride n'offrait à l'agriculture que de misérables ressources. Chez les peuples modernes, l'Autriche et la Chine encou-Jersey, Guernesey, Alderney, sur les côtes de ragent les progrès de l'agriculture, et ferment en grande partie leurs frontières au commerce de peuple à peuple. La Hollande et les villes hanséatiques ont, au contraire, trouvé dans le commerce le fondement de leur force et de leur opulence, comme faisaient, au moyen âge, les républiques d'Italie. L'industrie manufacturière prospère en Belgique, de concert avec l'agriculture. — Depuis quelques années, la Prusse s'efforce d'encourager toutes les branches d'industrie. La forme irrégulière de ses États lui faisait une obligation impérieuse de chercher, par la

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leur industrie toujours croissante. Ils sont maîtres aujourd'hui d'un immense territoire et de postes admirablement choisis dans toutes les parties du monde. En Europe, ils possèdent Gibraltar, Malte et les îles Ioniennes, aux débouchés de la Méditerranée, de la mer d'Égypte et de l'Adriatique : ces possessions, en y joignant

France, Heligoland dans le Nord, sont parfaitement situées pour favoriser le commerce illicite ou licite avec les États du Nord, la France, l'Espagne et l'Italie. En Afrique, l'Angleterre possède, outre quelques points utiles sur la côte occidentale, la magnifique colonie du cap de Bonne-Espérance, conquise sur des amis, les Hollandais, et Maurice, la belle et féconde île de France. En Amérique, elle possède le pays du Canada, qui, joint aux possessions du NewBrunswick, de Newfoundland, etc., présente à la navigation britannique d'admirables ressour

ces. Sous l'équateur sont les Antilles britanni- | industrie. J'ai calculé que les produits annuels ques, qui naguère offraient une somme d'im- de son agriculture surpassent 5,000,000,000 fr. portations et d'exportations égale à 800 millions (voy. Forces productives et commerciales de par année, mais dont la fortune est puissam- la France, Paris, 1827); ceux de ses ateliers et ment menacée par l'émancipation des noirs, manufactures surpassent 2,000,000,000 fr.; le opérée avec la précipitation la plus imprudente, reste des valeurs annuelles est créé par le comet probablement la plus funeste pour une race merce tant intérieur qu'extérieur. Ce dernier d'hommes encore trop peu préparée à la liberté. | surpasse déjà 1,400,000,000 fr. tant en impor Dans l'Asie, l'Angleterre possède la plus éton- tations qu'en exportations. Aucun autre peuple, nante de ses conquêtes industrielles : 80 mil- excepté le peuple britannique, ne présente un lions de sujets, conquis ou dominés par une plus grand commerce. C'est le fruit de deux sièsimple compagnie de marchands, qui fait et dé- cles et demi d'efforts, où quelques règnes illusfait des rois. Un nouveau peuple britannique se tres ont secondé le génie national. Il faut remondéveloppe sur les côtes de la Nouvelle-Guinée, ter au règne d'Henri IV, à la fin du XVIe siècle, dans cette cinquième et plus récemment décou- pour trouver dans la volonté du monarque les verte de toutes les parties du monde. C'est parce premiers encouragements procurés à l'industrie que l'Angleterre a fondé sa puissance sur les manufacturière, tandis que Sully dirigeait ses quatre bases de la force militaire, de la force efforts vers le progrès de l'industrie agricole. navale, de la force commerciale intérieure, et Colbert donne à la fois l'essor aux manufactures, de la force commerciale extérieure, qu'au lieu au commerce, à la navigation. Il est facile aude bâtir, comme Athènes et Carthage, comme jourd'hui de critiquer des règlements que le prola Hollande et le Portugal, un colosse aux pieds grès des arts a dû faire abandonner, mais dont d'argile, elle a jeté les fondements d'un empire | un grand nombre produisit dans le principe des devant lequel se sont brisés les efforts du plus effets salutaires. En dehors de ces règlements grand, du plus puissant génie qu'aient produit reste l'impulsion immense donnée par le génie les temps modernes. L'ouvrage portant pour du grand ministre, aux fabriques, à la marine, titre général Voyages dans la Grande-Breta- au négoce de la France, c'est ce que jamais ne gne a déjà présenté, sous trois titres spéciaux, doivent oublier les citoyens reconnaissants. Sous trois des bases de cette puissance: la force mi- les ministres Sully, Richelieu, Colbert, la France litaire, la force navale et la force commerciale a colonisé le Canada, Saint-Domingue, la Martiintérieure; la quatrième partie, qui a pour titre nique, la Guadeloupe, les îles de France, de BourForce commerciale extérieure, a pour objet bon, etc. Tant que le gouvernement métropolid'expliquer les progrès de cette vaste fortune in- tain s'est montré puissant, et par là même efficace dustrielle du peuple anglais : là sont expliqués dans sa protection, les colonies françaises ont les lois, les mœurs, les arts auxquels il doit sa pris des développements qui ont frappé les peuprospérité constante, et ce développement d'une ples d'admiration. Il y a soixante ans, Saint-Doopulence dont aucune puissance ancienne ou mingue offrait à la France, tant en importations moderne n'a jusqu'ici présenté d'exemple. La qu'en exportations, un commerce de beaucoup grandeur même des États-Unis et leurs progrès supérieur à 200,000,000 fr. par année. C'était la industriels sont l'œuvre de l'Angleterre; c'est le base d'une puissance navale que Colbert avait sang britannique qui donne la vie à cette puis- devinée, qui fut grande sous Louis XIV, qui sance récente encore et déjà colossale: elle fait périt sous l'administration du cardinal de Fleury, partie des œuvres industrielles de la Grande- qui renaquit sous Louis XVI, et concourut à Bretagne, et c'est son plus bel ouvrage. l'affranchissement des futurs États-Unis d'Amérique. On a cru dire un mot profond en affirmant avec assurance que les Français ne savent pas coloniser. Ils ont fait à cet égard comme le philosophe auquel on niait le mou→ vement: ils ont marché. Mais, sous des gouvernements de bon plaisir, comme ceux d'un Louis XIII et d'un Louis XV, à défaut d'institutions conservatrices, trop souvent le pouvoir gouvernemental a fait défaut aux colonies, en a trahi les intérêts et sacrifié l'existence. Le pouvoir a rarement su comment administrer

La France, avec son territoire de 40,000 lieues carrées, avec son climat tempéré, mais offrant aussi des localités qui diffèrent extrêmement, depuis les neiges perpétuelles des Alpes et des Pyrénées jusqu'aux climats brûlants de la Corse et de la Provence; la France, sillonnée de superbes fleuves, le Rhin, le Rhône, la Saône, la Gironde, la Loire, la Seine, etc., baignée par deux mers et richement traversée de routes et de canaux, la France peut porter au plus haut degré de prospérité toutes les branches de son

les colonies, mais les Français ont toujours su comment développer avec rapidité leur industrie | coloniale. Quant à l'industrie intérieure, elle est en progrès constant depuis 1830, surtout l'industrie de Paris qui s'accroît d'une manière étonnante sous l'égide de la paix; car la paix | seule est progressive, la guerre est toujours rétrograde!

Les expositions de l'industrie française ont toujours été en grandissant, la dernière a surpassé toutes les autres, tant par le nombre et la variété des produits que par leur perfection.

Peut-être même sera-t-il désormais matériellement impossible de faire une nouvelle exposition générale, et devra-t-on se borner chaque année à une exposition spéciale qui ne laisserait pas que d'attirer presque autant de visiteurs étrangers dans la capitale que les expositions quinquennales; car on saisit aisément le moindre prétexte qui se présente pour visiter Paris. Ba CHARLES DUPIN.

INDUSTRIE BELGE. L'exposition de l'industrie belge en 1841 a singulièrement étonné ceux qui croyaient cette industrie éteinte. Jamais, du temps de la réunion des deux industries belge et hollandaise dans une même enceinte, une exposition ne fut aussi brillante: cela prouve que la Belgique possède encore, au moins en germe, à peu près tous les genres d'industrie; mais ce qui s'oppose à leur développement, c'est autant le défaut de publicité que le manque de débouchés. Tout le génie et les capitaux des Belges se sont portés sur les moyens de produire; mais personne ne s'est occupé des moyens de vendre. On a fait mille sociétés d'industrie pour une société de commerce; on semblait encore compter sur les Hollandais, qui, dans l'association, s'étaient réservés le rôle de vendeurs. Le roi Guillaume voulant à cette époque rendre son royaume indépendant de l'industrie étrangère, avait fait dans ce but de grands sacrifices pour encourager les fabriques et implanter tous les genres d'industrie en Belgique; ces industries diverses y existent effectivement encore, mais elles n'ont pu y prendre de développement depuis la révolution, qui a brisé le cordon des douanes, pour adopter un système de liberté commerciale entièrement opposé au système protecteur qui existait avant 1830.

Peut-être serait-il encore temps de revenir à ce système de protection, puisque les avances qu'a faites la Belgique aux autres peuples n'ont servi qu'au détriment de son industrie intérieure sans lui valoir aucun retour.

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Eu égard à l'étendue de son territoire, la Belgique offre une réunion de ressources, un ensemble de productions qui sont à peine égalés, mais ne peuvent être surpassés par aucun peuple. Des difficultés grandes et nombreuses, suscitées par la nature ou les événements, ont été vaincues; les avantages qui résultent de la position géographique, les richesses que le sol recèle ont été exploités. Quatre millions d'habitants trouvent à vivre sur une étendue de terre qui dépasse à peine trois millions d'hectares. Nous ne connaissons pas, en Europe, une population égale en nombre aussi puissamment agglomérée.

La majeure partie des habitants en Belgique trouve son existence dans le travail agricole. L'industrie manufacturière, le commerce intérieur et extérieur occupe à peine un million d'individus. Sur les trois millions qui vivent d'agriculture, on doit en compter près de la moitié qui savent partager leur temps et leur intelligence entre la culture de la terre et l'exercice d'un métier: ici le filage et le tissage, là les articles de bonneterie, un peu plus loin les clous et les armes. La transformation des procédés de fabrication qui s'opère dans quelques-unes de ces anciennes branches d'industrie contribue, avec d'autres causes, à faire peser sur cette population laborieuse de grandes privations, et menace de porter atteinte à l'aisance que la nation belge a su conquérir de temps immémorial par un travail patient et de longues épargnes.

Quoi qu'il en soit de l'état de gêne actuel dans lequel se trouvent en ce moment (avril 1845) plusieurs classes importantes de travailleurs en Belgique, ce pays nous paraît constitué pour plusieurs motifs de manière à rester longtemps encore au premier rang des nations industrielles. Inférieure à l'Angleterre sous quelques rapports, et sous certains autres à la France, elle pourrait entrer en lice avec l'un et l'autre pays, si les conditions pour échanger et commercer de peuple à peuple étaient égales; mais à cause de sa faiblesse relative comme puissance politique, la Belgique ne peut pas toujours régler son système commercial de la manière la plus conforme à ses intérêts. Cette difficulté a été, depuis 1830, l'objet de grandes controverses, de luttes et d'efforts; des tentatives ont été faites près de quelques nations voisines pour amener des rapprochements, faciliter les relations internationales. Le réseau de chemins de fer commencé en 1854, qui touche déjà à la France par deux points, à la mer par deux autres, et doit placer, avant la fin de l'année 1845, le Rhin à dix heures de distance de l'Escaut, a été conçu dans ce but. Le

temps fera justice, à la longue, des résistances que rencontrent ces projets, inspirés d'ailleurs par l'intérêt matériel des peuples et le besoin de leur civilisation.

La perfection à laquelle le travail agricole est arrivé dans quelques provinces de la Belgique, notamment dans la Flandre, est assez connue. Pourquoi donc depuis quelques années, et quoique les récoltes aient été passables ou même abondantes, le grain y est-il plus cher qu'en France? Pourquoi est-il en ce moment presque aussi cher | qu'en Angleterre? Cette cherté tient-elle à des causes temporaires ou permanentes? - La Belgique n'est pas riche seulement de ce qu'elle produit à la surface du sol; elle trouve encore dans ses houilles et dans ses métaux d'importantes ressources; elle travaille en outre le lin, la laine, le coton; elle excelle par ses toiles et ses dentelles; elle possède des tanneries renommées. La typographie a acquis de grands développements depuis 1815, et ses produits rivalisent d'exécution avec les plus beaux livres imprimés en France et en Angleterre. En général tous les établissements industriels de ce pays, grands ou petits, sont conduits avec ordre et prudence. Les crises industrielles et commerciales sont plus rares ou moins funestes qu'ailleurs. On survit aux troubles, aux révolutions, aux changements de gouvernement qui en Belgique plus qu'ailleurs sont venus si fréquemment ébranler l'ordre politique et social dans ses bases.

INERTIE. Propriété de la matière par laquelle un corps ne peut rien changer au mouvement qu'il possède actuellement, ni passer d'une position à une autre dans l'espace, sans une cause extérieure. On ne conçoit pas, en effet, qu'un corps purement matériel puisse altérer de lui- | même le mouvement qu'il aurait reçu par une force quelconque, ni passer de l'état de repos à celui de mouvement. Un corps mû ou stationnaire reste donc dans cet état, à moins qu'une force étrangère ne surmonte celle de l'inertie. C'est ce qui arrive toutes les fois qu'un corps mis en mouvement semble diminuer graduellement de vitesse et enfin s'arrêter de lui-même. Ce changement dans l'état du corps résulte de l'action incessante de deux résistances qui s'opposent au mouvement l'une est la résistance du milieu où se meut le corps, tel que l'air ou l'eau; l'autre est celle du frottement. Tout corps porte ou pose sur un autre corps; en d'autres termes, tout corps qui se meut frotte un autre corps, et celui-ci oppose une certaine résistance. Ce qui prouve la double résistance dont nous parlons,

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c'est que si le milieu est moins dense, et par conséquent moins résistant (tel est, par exemple, l'air relativement à l'eau), ou si le plan sur lequel se meut une bille est plus poli qu'un autre (telle est une table de marbre relativement au tapis du billard), le mouvement imprimé se conserve bien plus longtemps.

L'inertie, à l'état de repos, est offerte par une observation constante; jamais on n'a vu un corps en repos se mettre de lui-même en mouvement. On comprend que l'état de repos dont il est question ici n'est qu'un repos relatif, car il n'y a pas une seule particule en repos dans tout l'univers. Un exemple remarquable de l'inertie dans l'état de mouvement se présente dans le cours des planètes. La vitesse de la lune autour de la terre, celle de la terre autour du soleil, ne paraissent pas avoir diminué depuis l'origine des observations astronomiques. Mais si les planètes restent animées des mêmes vitesses qui leur ont été imprimées, c'est qu'elles se meuvent dans le vide ou du moins dans un milieu de résistance inappréciable, car c'est dans cette hypothèse seulement que le mouvement peut être inaltérable et persister éternellement. V. SAUNOIS.

INÈS DE CASTRO, fille naturelle de Pierre Fernand de Castro, noble castillan, dont la maison tenait, par d'antiques alliances, aux maisons royales d'Espagne et de Portugal, était auprès de Constance, épouse de don Pèdre, fils d'Alphonse IV de Portugal, moins comme demoiselle d'honneur qu'en qualité de parente. A la beauté noble et gracieuse qui l'avait fait surnommer port de héron, elle joignait tout le charme de l'esprit le plus séduisant, et don pèdre ne tarda pas à en être captivé. Constance, qui surprit le secret de cette passion naissante, imagina, pour élever un obstacle entre son époux et Inès, de la choisir pour commère de don Pèdre, à la naissance de son premier enfant '. Ce lien spirituel ne fit, au contraire, qu'ajouter quelque chose de plus intime à la tendresse des deux amants; et lorsque Constance mourut (1345), leur liaison devint plus étroite, sans cesser d'être mystérieuse; plus tard, elle fut secrètement consacrée par don Gil, prieur da Guarda, que le pape avait, dit-on, autorisé à la bénir, vers 1354. Ce mariage ne tarda pas à être révélé à Alphonse, chez qui la sévérité du roi laissait peu de place à la tendresse du père. Les grands lui firent craindre que la puissante famille d'Inès,

Ruy de Pina, Chronica de el rey de Alfonso o quarto, etc. Lisbonne, 1653. Ruy de Pina est un chroniqueur de la fin du xve siècle.

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ne parvint à mettre ses fils sur le trône, et lui | de historia portugheza, etc., Lisbonne, 1790. persuadèrent de s'en défaire par le meurtre. Ce Fernand Lopès n'a point parlé du couronnement prince impitoyable, accompagné de gens armés, | du cadavre : c'est un fait raconté, d'après la se rendit à Coïmbre, où demeurait Inès, dans tradition et les romances, par Duarte Nunez de le palais de Sainte-Claire (1355). Les uns disent Liao, écrivain de la fin du XVIe siècle, qui a qu'Inès fut assassinée sous ses yeux, en vain copié et arrangé la chronique de Fernand Lopès. défendue par les larmes de ses beaux enfants M. Ferdinand Denis a donné, dans ses Chronidont elle était entourée; d'autres rapportent ques de l'Espagne et du Portugal (1839), un qu'Alphonse, touché de ce spectacle, s'éloigna extrait de ces documents. « Ce serait presque en pardonnant, mais qu'Inès tomba sous le fer l'œuvre d'un laborieux bibliographe, dit-il, que des conseillers d'Alphonse, qui la tuèrent comme de rappeler, même sommairement, tout ce qui des bouchers, et dont lui-même sembla accepter a été écrit sur Inès de Castro. Poëmes, romans, le crime, car il ne le punit pas. L'époux d'Inès nouvelles, drames, tragédies, et jusqu'aux coprit les armes et osa demander compte à son plas de la romance populaire, toutes les formes père et à son roi du sang si lâchement versé. littéraires et poétiques se sont épuisées sur cette Dans ce temps, une sœur d'Inès, Jeanne de Cas- grande catastrophe. » Aussi Inès de Castro doittro, séduite par un autre don Pèdre, ce roi elle sa renommée à la poésie bien plus qu'à d'Espagne surnommé le Cruel, était devenue son l'histoire; sa vie offre un roman fort stérile épouse. Leur frère Fernand était dans la con- en considérations politiques, mais fécond en fiance intime de don Pèdre le Cruel. La Chro- émotions tendres et douloureuses. Parmi les nique rimée de du Guesclin, récemment im- poëtes portugais qui ont traité ce sujet national, primée d'après un manuscrit de la Bibliothèque nous nommerons seulement l'un des plus anroyale, donne sur ceci de curieux détails, Fer- ciens et des plus illustres, Antoine Ferreira nand de Castro et don Alvarez Pirez de Castro, (voy.), auteur d'une tragédie qui passe pour un frères d'Inès, se joignirent à son époux pour des chefs-d'œuvre de la littérature portugaise, et ravager les domaines des grands seigneurs qui | que sa date place, avec la Sofonisba du Trissin, avaient commis le crime. Mais c'était leur vie parmi les premiers monuments du théâtre moqu'il fallait à don Pèdre, et quand il monta sur derne. Le chantre des Lusiades doit à cette tragile trône, en 1357, il fit périr, dans d'effroyables que histoire ses vers les plus touchants. AVENEL. tortures, Pero Coelho et Alvaro Gonçalez, qui s'étaient réfugiés dans les États de don Pèdre le Cruel, et que celui-ci lui livra.

INFAMANT, INfame, Infamie, tout ce qui est destructif d'une bonne renommée, fama, Infamie s'emploie dans le langage usuel, et s'applique à toute action qui est contraire aux lois de l'honneur ou de la probité; infamant et infamie appartiennent à la langue légale et ont une signification plus précise; ils s'appliquent à toute action criminelle que la loi punit de certaines peines emportant avec elles note d'infamie, et qui, pour cela, sont appelées infamantes. Les peines infamantes sont la mort, les travaux forcés à perpétuité, la déportation, les travaux forcés à temps, la détention et la reclusion; elles sont à la fois afflictives et infamantes, parce qu'elles frappent le condamné d'un châti

L'amour passionné de l'époux d'Inès ne se contenta pas de cette réparation sanglante : au supplice des meurtriers succéda le triomphe de | la victime. Les restes d'Inès furent exhumés, et le cadavre, revêtu des ornements royaux, ceint du diadème de Portugal, reçut les hommages de la cour et des états assemblés. Ensuite, don Pèdre fit transporter Inès de Coimbre à Alcobaça, l'espace de dix-sept lieues, environnée d'un cortège royal et funèbre. Toute cette pompe étrange, mêlée de deuil et d'amour, était, de la part de don Pèdre, une satisfaction donnée, moins encore à la colère qu'à la tendresse : la fin tragiquement corporel, en même temps qu'elles le coud'Inès n'avait fait qu'exalter sa passion, et il ne cessa de pleurer cette épouse chérie que lorsque la mort l'eut couché près d'elle dans la pierre du mausolée qu'il lui avait fait élever au couvent d'Alcobaça.

vrent de la note d'infamie; d'autres peines sont seulement nommées infamantes, parce qu'elles ne frappent pas le condamné d'un châtiment corporel, ce sont le bannissement et la dégradation civique. Toutes les peines appliquées au L'histoire d'Inès a été conservée par le chro- grand criminel, c'est-à-dire en punition des plus niqueur Fernand Lopès, surnommé le Froissard graves attentats dirigés contre les personnes, portugais, qui écrivait vers 1434, et dont l'ou- les biens ou la sûreté publique, sont des peines vrage, longtemps oublié, a été reproduit dans | infamantes. Le condamné ne peut plus effacer le recueil intitulé: Collecção de livros ineditos | la note d'infamie dont il est couvert par l'arrêt

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