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« Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments de haute estime et de sympathie.

« LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. »

Louis-Napoléon est élu représentant; le Prince décline cet honneur et explique ainsi les raisons qui ont dicté sa conduite :

a

Londres, le 11 mai 1848.

<< Mon cher monsieur Vieillard,

« Je n'ai pas encore répondu à la lettre que vous m'avez adressée de Saint-Lò, parce que j'attendais votre retour à Paris, et l'occasion de vous expliquer ma conduite.

« Je n'ai pas voulu me présenter comme candidat aux élections, parce que je suis convaincu que ma position à l'Assemblée eût été extrêmement embarrassante. Mon nom, mes antécédents ont fait de moi, bon gré, mal gré, non un chef de parti, mais un homme sur lequel s'attachent les

regards de tous les mécontents. Tant que la société française ne sera pas rassise, tant que la Constitution ne sera pas fixée, je sens que ma position en France sera très-difficile, très-ennuyeuse et même très-dangereuse pour moi.

<< J'ai donc pris la ferme résolution de me tenir à l'écart et de résister à toutes les séductions que peut avoir pour moi le séjour de mon pays.

« Si la France avait besoin de moi, si mon rôle était tout tracé, si enfin je pouvais croire être utile à mon pays, je n'hésiterais pas à passer sur toutes ces considérations secondaires pour remplir un devoir; mais, dans les circonstances actuelles, je ne puis être bon à rien je ne serais, tout au plus, qu'un embarras.

D'un autre côté, j'ai des intérêts personnels graves à surveiller en Angleterre : j'attendrai donc encore quelques mois ici que les affaires prennent en France une tournure plus calme et plus dessinée.

« J'ignore si vous me blâmerez de cette résolution; mais, si vous saviez combien de propositions ridicules me surviennent, même ici, vous comprendriez combien davantage à Paris je serais en butte à toutes sortes d'intrigues.

« Je ne veux me mêler de rien; je désire voir la République se fortifier en sagesse et en droits, et,

en attendant, l'exil volontaire m'est très-doux, parce que je sais qu'il est volontaire.

Recevez, etc.

« LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. »>

Plusieurs élections doubles ou nulles ayant laissé des vides dans l'Assemblée, les colléges électoraux sont convoqués pour le 3 juin. Les candidatures sont of fertes à Louis-Napoléon, qui déclare qu'il ne les acceptera pas. Néanmoins le Prince est élu par la Seine, l'Yonne, la Charente-Inférieure et la Corse.

Informé de son élection, le Prince adresse aux électeurs des remercîments ainsi conçus :

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« Vos suffrages me pénètrent de reconnaissance. Cette marque de sympathie, d'autant plus flatteuse que je ne l'avais point sollicitée, vient me trouver, au moment où je regrettais de rester inactif, alors que la patrie a besoin du concours de tous ses enfants pour sortir des circonstances difficiles où elle se trouve placée.

« Votre confiance m'impose des devoirs que je

saurai remplir; nos intérêts, nos sentiments, nos vœux sont les mêmes. Enfant de Paris, aujourd'hui Représentant du peuple, je joindrai mes efforts à ceux de mes collègues, pour rétablir l'ordre, le crédit, le travail, pour assurer la paix extérieure, pour consolider les institutions démocratiques et concilier entre eux des intérêts qui semblent hostiles aujourd'hui, parce qu'ils se soupçonnent et se heurtent, au lieu de marcher ensemble vers un but unique : la prospérité et la grandeur du pays.

<< Le peuple est libre depuis le 24 février; il peut tout obtenir, sans avoir recours à la force brutale.

« Rallions-nous donc autour de l'autel de la Patrie, sous le drapeau de la République, et donnons au monde ce grand spectacle d'un peuple qui se régénère sans violence, sans guerre civile, sans anarchie.

« Recevez, mes chers concitoyens, l'assurance de mon dévouement et de mes sympathies.

a

Londres, le 11 mai 1848.

« LOUIS-NAPOLEON BONAPARTE. »

La commission exécutive ayant fait proposer dans les bureaux de l'Assemblée d'annuler la quadruple élection de Louis-Napoléon et de maintenir contre lui la loi qui exile du territoire français la famille Bonaparte, le Prince envoie de Londres la protestation suivante :

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J'apprends, par les journaux, qu'on a proposé, dans les bureaux de l'Assemblée, de maintenir contre moi seul la loi d'exil qui frappe ma famille depuis 1816; je viens demander aux Représentants du peuple pourquoi je mériterais une semblable peine.

« Serait-ce pour avoir toujours publiquement déclaré que, dans mes opinions, la France n'était l'apanage ni d'un homme, ni d'une famille, ni d'un parti?

<< Serait-ce parce que, désirant faire triompher sans anarchie ni licence le principe de la souveraineté nationale, qui seul pouvait mettre un terme à nos dissensions, j'ai deux fois été victime de mon hostilité contre le Gouvernement que vous avez renversé ?

« Serait-ce pour avoir consenti, par déférence pour le Gouvernement provisoire, à retourner à

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