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l'étranger, après être accouru à Paris, au bruit de

la Révolution?

avoir refusé, pour

« Serait-ce par désintéressement, les candidatures à l'Assemblée qui m'étaient proposées, résolu de ne retourner en France que lorsque la nouvelle Constitution serait établie et la République affermie?

« Les mêmes raisons qui m'ont fait prendre les armes contre le Gouvernement de Louis-Philippe me porteraient, si on réclamait mes services, à me dévouer à l'Assemblée, résultat du suffrage universel.

« En présence d'un roi élu par deux cents députés, je pouvais me souvenir que j'étais l'héritier d'un Empire fondé par quatre millions de Français.

« En présence de la souveraineté nationale, je ne peux et ne veux revendiquer que mes droits de citoyen français; mais ceux-là, je les réclamerai sans cesse, avec l'énergie que donne à un cœur honnête le sentiment de n'avoir jamais démérité de la patrie.

« Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentiments de haute estime.

« LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. »

L'Assemblée nationale repousse le projet de décret proposé par la commission du Pouvoir exécutif et admet Louis-Napoléon. Cependant l'élection du neveu de l'Empereur avait produit une vive sensation; et les fauteurs de trouble, les mécontents de tous les partis, cherchaient à exploiter l'émotion générale à leur profit et pour la perte du nouvel élu.

Louis-Napoléon en est informé, et il écrit la lettre suivante au Président de l'Assemblée nationale :

K

Londres, 14 juin 1848.

« Monsieur le Président,

<< Je partais pour me rendre à mon poste, quand j'apprends que mon élection sert de prétexte à des troubles déplorables et à des erreurs. Je n'ai pas cherché l'honneur d'être représentant du peuple, parce que je savais les soupçons injurieux dont j'étais l'objet; je rechercherais encore moins le pouvoir. Si le peuple m'imposait des devoirs, je saurais les remplir.

<< Mais je désavoue tous ceux qui me prêtent des intentions ambitieuses que je n'ai pas. Mon nom est un symbole d'ordre, de nationalité, de gloire, et ce serait avec la plus vive douleur que je le

verrais servir à augmenter les troubles et les déchirements de la patrie. Pour éviter un tel malheur, je resterais plutôt en exil.

« Je suis prêt à tous les sacrifices pour le bonheur de la France.

Ayez la bonté, monsieur le Président, de donner communication de ma lettre à l'Assemblée. Je vous envoie une copie de mes remerciments aux électeurs.

« Recevez l'assurance de mes sentiments distin

gués.

« LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. »

Ces paroles ne peuvent désarmer quelques ennemis passionnés de Louis-Napoléon. Ils se soulèvent contre lui dans l'Assemblée nationale avec une nouvelle fureur. Louis-Napoléon met, par cette lettre, un terme à ces débats :

a

Londres, le 15 juin 1848.

« Monsieur le Président,

« J'étais fier d'avoir été élu Représentant à Paris et dans trois autres départements; c'était, à mes

yeux, une ample réparation pour trente années d'exil et six ans de captivité; mais les soupçons injurieux qu'a fait naître mon élection, mais les troubles dont elle a été le prétexte, mais l'hostilité du pouvoir exécutif m'imposent le devoir de refuser un honneur qu'on croit avoir été obtenu par l'intrigue.

« Je désire l'ordre et le maintien d'une république sage, grande, intelligente; et, puisque involontairement je favorise le désordre, je dépose, non sans de vifs regrets, ma démission entre vos mains.

« Bientôt, je l'espère, le calme renaîtra et me permettra de rentrer en France, comme le plus simple des citoyens, et aussi comme un des plus dévoués au repos et à la prospérité de son pays.

« Recevez, monsieur le Président, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.

<< LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. »

L'élection de Corse n'ayant été connue que depuis la démission de Louis-Napoléon, le Prince, pour prévenir

le rapport qui serait fait sur cette élection, adresse une nouvelle lettre au président de l'Assemblée :

« Monsieur le Président,

« Je viens d'apprendre que les électeurs de la Corse m'ont nommé leur représentant à l'Assemblée nationale, malgré la démission que j'avais déposée entre les mains de votre prédé

cesseur.

« Je suis profondément reconnaissant de ce témoignage d'estime et de confiance, mais les raisons qui m'ont forcé à refuser les mandats de la Seine, de l'Yonne et de la Charente- Inférieure, subsistent encore; elles m'imposent un autre sacrifice.

<< Sans renoncer à l'honneur d'être un jour représentant du peuple, je crois devoir attendre, pour rentrer dans le sein de ma patrie, que ma présence en France ne puisse, en aucune manière, servir de prétexte aux ennemis de la République. Je veux que mon désintéressement prouve la sincérité de mon patriotisme; je veux que ceux qui m'accusent d'ambition soient convaincus de leur

erreur.

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