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C'est en voyant par vous-même, Monsieur, que vous pourriez bien juger de la portée d'une opération de ce genre. Je vous engage donc très-instamment à venir passer quelques jours dans ma retraite; vous verrez des résultats obtenus sur toutes natures de terre, sur une étendue de plus de deux lieues, par de simples fermiers ; vous verrez chez un de mes voisins qui a tous les moyens de bien faire, une terre composée de trois fermes, qui a triplé de valeur depuis quatre ans. Ce voyage ne peut manquer d'être véritablement productif pour vous, si vous avez la volonté de Vous occuper de cette amélioration, car tout ce que je pourrai vous dire ne saurait tenir lieu de ce que vous ver→ rez, et des faits que vous serez à même de vérifier. Quant à moi, j'y gagnerai encore plus que vous, etc., etc.

(REVUE AGRICOLE, 27e. Livraison, novembre 1840),

SECTION DEUXIÈME.

AGRICULTURE INDUSTRIELLE.

Culture des Mûriers.- Education des Vers à soie.

Dans la séance de l'Académie des sciences du 16 mars 1840, M. de Gasparin a lu un mémoire du plus grand inté rêt, contenant le résultat de ses observations et de ses recherches, sur les limites qu'il convient d'assigner à la culture du mûrier et à l'éducation des vers à soie. Nous extrayons du Journal des Débats le compte-rendu relatif

à ce mémoire, dont l'objet, nous n'en doutons pas, fixera l'attention de nos lecteurs :

M. le comte de Gasparin joint, comme l'on sait, aux qualités d'un habile et courageux administrateur les connaissances les plus étendues et les plus solidės en agriculture et dans tout ce qui touche à l'éducation, à l'hygiène et aux maladies des bestiaux. Les études d'un agriculteur aussi distingué sur une question d'un si grand intérêt que celle de la culture des mûriers et de l'éducation des vers à soie, son opinion et les données positives qu'il apporte pour la solution du problème dont on s'occupe avec tant de zèle sur plusieurs points de l'Europe, et, en particulier, avec un soin et une intelligence remarquables, dans le bel établissement de M. Camille Beauvais, méritent une attention sérieuse. Le travail de M. de Gasparin soulève en outre uue discussion très-grave sur les influences délétères des vapeurs chargées des miasmes qui s'exhalent de certaines contrées marécageuses; il rappelle des expériences qu'il serait bien à désirer que l'on répétât d'une manière décisive, sur la composition de l'eau de rosée à laquelle on attribue, dans certains cas, une composition toute spéciale et les propriétés les plus vénéneuses. Il a suffi, dit-on, par exemple, de frictionner le corps des animaux avec de l'eau de rosée recueillie dans les marais Pontins, pour voir ces animaux périr en peu de temps, et succomber à des maladies gangréneuses. M. Thénard élève quelques doutes sur l'exactitude de ces faits, et nous regrettons que la discussion n'ait pas continué sur ce sujet, nous aurions été bien aise de connaître l'opinion des chimistes et de quelques autres membres de l'Académie à cet égard, et M. de Gasparin est lui-même assez riche d'observations et d'expériences pour soutenir la discussion avec fruit, et fournir

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des renseignemens précieux. Pour le moment, il s'est borné à répondre que l'eau de rosée recueillie par lui-même, pendant un long espace de temps, lui a présenté, dans les cas où l'air excerçait une influence délétère sur les animaux, une réaction alcaline et un dépôt putrescible par l'évaporation.

Nous allons donner maintenant les principaux résultats auxquels est arrivé M. de Gasparin, dans la suite de ses recherches, et dans l'examen de la question relative à la culture des mûriers et à l'éducation des vers à soie :

au

« 1° La culture du mûrier blanc est d'abord limitée, nord, par les climats où se reproduit souvent une température de 25 degrés; le mûrier des Philippines par le retour fréquent d'une température de 15 degrés. » 2o Le mûrier développe ses bourgeons quand la température est fixée à † 12,5; si de l'époque où, dans chaque climat, on arrive à ce degré de chaleur, on compte quarante jours, durée de l'incubation et de l'éducation des vers à soie, on aura l'époque où commence la seconde pousse de la feuille.

» 3o La végétation du mûrier s'arrête quand la température est descendue à † 15,5; la durée de la seconde végétation de la feuille, dans chaque climat, est donc comprise entre l'époque fixée précédemment et l'arrivée de la température de † 15,5; la force de cette végétation est en rapport direct avec la somme des degrés de chaleur obtenus dans cet intervalle de temps.

» 4o. La lumière étant nécessaire à la végétation, si on la suppose proportionnelle à la chaleur solaire qu'elle accompagne, on aura une correction à faire sur l'activité de la végétation, en proportion de la lumière reçue sous l'influence de plus ou moins d'obliquité du soleil, ou de plus

ou moins de nébulosité du pays; cet effet peut être apprécié par la somme des degrés de chaleur solaire diminuée de celle de la chaleur ambiante.

» 5o Le mûrier végète vigoureusement dans toute terre qui conserve, pendant les mois d'été, 0,12 d'humidité à partir de la surface, à 66 centimètres de profondeur. Quand cette quantité est moindre, l'arbre souffre, et la végétation subit un sommeil estival jusqu'au retour de l'humidité.

» 6o Les gelées printanières survenues depuis le développement de la feuille de mûrier sont d'autant moins fréquentes que l'on habite un climat plus septentrional et moins abrité; chacune des chances pour qu'il arrive une de ces gelées dans un climat, peut être évaluée à un quart de la récolte annuelle.

» 7° Le retour fréquent de la manne sur les feuilles de mûrier est un obstacle invincible à l'introduction de l'éducation séricicole; les pays septentrionaux, où l'éducation se fait plus tard, y sont plus exposés que ceux du midi.

» 8. L'éducation des vers à soie ne dépend pas de la température du climat se faisant en lieux clos, la température peut se modifier à volonté.

» 9° La fréquence des pluies pendant l'éducation, en retardant ou arrêtant la cueillette de la feuille qui met les vers à soie en danger, et soumettant ces insectes à des jeûnes plus ou moins prolongés, leur est nuisible, et les risques peuvent s'estimer à 1/20° de réduction dans la récolte pour chaque jour de probabilité de pluie, pendant le dernier mois de l'éducation des vers à soie.

» 10° Les vers à soie redoutent l'air chargé des miasmes qui déterminent chez les hommes des fièvres endémiques; cet air provenant de marécages peut être transporté au foin

par les vents chauds et humides, et produit ce que l'on appelle les touffes, qui sont une des circonstances les plus funestes à leur succès,

» 11° L'électricité atmosphérique apporte de la gêne dans la vie des vers à soie; mais les accidens qu'elle peut causer ne sont pas appréciables.

» 12° La convenance économique d'introduire dans un pays l'éducation des vers à soie dépend de la comparaison à établir entre le nouveau produit et les anciens. La valeur du nouveau produit est relative à la feuille récoltée, au succès de l'éducation, au prix de la soie. Une formule donne pour nos départemens du midi, la quantité de feuilles récoltées; on peut, au moyen des réductions indiquées dans ce mémoire, la rapporter aux autres climats.

13° Les limites statistiques de l'éducation du ver à soie dépendent: 1o de l'étendue des domaines, elle s'est fixée jusqu'ici dans ceux où les propriétés n'étaient pas très-étendues; 2° de l'agglomération de la population agricole dans les bourgs, ou de sa dispersion dans les campagnes cette dernière condition se réalise aussi dans les pays séricicoles; 3° du mode de tenure des fermes, le fermage à prix d'argent paraissant repousser l'industrie de la

soie dans son début.

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Après avoir lu ce Mémoire, on comprendra facilement qu'il nous soit impossible de fixer une limite géographique' pour la culture du mûrier; il est probable qu'elle ne serait pas continue; que, comme celle de l'olivier, elle projeterait souvent au loin des embranchemens et des îles où il faudrait la suivre; mais un trop grand nombre d'élémens physiques et moraux nous manquent pour entreprendre ce travail. Nous nous bornerons, pour le moment, à faire l'application de ces principes aux environs de Paris, où nous

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