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tous les deux provenaient de la même semence. Je ne doute pas, d'après ce que j'ai observé ici, que ce qu'on appelle chanvre de Piémont ne soit simplement du chanvre ordinaire venu dans de bonne terre, et qui dégénère lorsqu'il ne trouve pas un sol aussi favorable que celui où il a été produit. L'expérience suivante m'a confirmé dans cette opinion.

En 1834, on envoya de Piémont à la Société royale d'Horticulture de Paris un petit sac contenant quelques. poignées de chenevis que l'on distribua à ses membres. J'en pris quelques grains que je semai dans un jardin, mais dans un lieu qui n'était pas arrosé. Il vint très-bien, mais resta assez chétif, et, bien loin d'avoir la taille à laquelle on s'attendait, il n'avait pas même la stature des bons chanvres de France ordinaires.

La fécondation du chanvre, genre de plante dioïque, a attiré depuis long-temps l'attention des physiologistes. D'après M. Giroud de Busareigne, il naît autant de pieds mâles que de femelles. Il me semble que cette proportion varie, car j'ai toujours vu qu'il y avait deux pieds femelles pour un mâle. Les pieds mâles sont toujours plus élevés, mais plus grêles que les femelles et sont à maturité un mois au moins avant ces dernières. Les étamines ont des loges polléniques vésiculeuses très-mobiles et remplies d'un pollen abondant qui se répand au moindre souffle de vent. Les femelles ont des fleurs enveloppées dans une sorte de spathe fendue en dessus et au sommet, par laquelle petite fissure sortent deux pistils très-allongés, filiformes et pelucheux de la longueur de toute la fleur. Ils reçoivent le pollen qui s'accroche aux petites parties hérissées qu'on y voit. Ces pistils sont caduques et disparaissent aussitôt la fécondation. Aussi ne les observe-t-on

que sur les plus petites fleurs et à la loupe, ce qui avait fait croire à Spallanzani que le chanvre fructifiait sans l'intervention des deux sexes (1), car on serait tenté de croire que la fleur femelle ne s'ouvre pas. Après la chute des pistils, le calice se serre sur la graine qui grossit ensuite sans qu'on aperçoive les points où ils étaient attachés.

Le rouissage du chanvre est une opération importante et qui mérite toute l'attention de l'agriculteur. Si on a à sa portée des rivières ou au moins de forts ruisseaux, il ne résulte que peu ou point d'inconvéniens du rouissage; mais si l'eau est stagnante, cela donne lieu à des émanations méphitiques auxquelles on a attribué plusieurs des maladies qui sévissent sur les gens de la campagne. Mais je trouve que la fétidité est encore plus grande lorsque le chanvre sort de l'eau et sèche, que lorsqu'il y est, surtout dans les deux ou trois premiers jours, de sorte qu'il faut l'exposer loin des lieux habités pour en opérer la dessication.

La chaleur, comme on sait, facilite le rouissage; c'est pour cela que le mâle que l'on tire en août et que l'on met de suite à l'eau n'exige que 4 à 5 jours, tandis que la femelle qu'on y met en septembre y reste huit à dix. Sans doute que la moindre épaisseur de l'écorce dans le premier est pour beaucoup aussi dans cette différence; mais il est si vrai que la chaleur facilite le rouissage, que j'ai vu le chanvre mis à rouir dans les eaux chaudes minérales de Bourbon-Lancy n'avoir besoin que d'un séjour de 24 heures pour y subir de la manière la plus complète cette opération.

(1) Marti, de Barcelone, a vu des fleurs mâles parmi les femelles dans le chanvre, ce qui peut, jusqu'à un certain point, expliquer l'erreur du célèbre naturaliste italien.

Ne pourrait-on pas, aujourd'hui qu'on applique l'eau en vapeur à une multitude de procédés industriels, employer celle qui se perd dans un grand nombre d'usines au rouissage du chanvre? Comme c'est surtout dans les campagnes que sont placées les machines à vapeur, on pourrait y envoyer le chanvre à rouir, ce qui pourrait se faire dans des chambres appropriées dans lesquelles la vapeur se rendrait avant de se perdre ?

Le rouissage n'a pas pour seul objet de faciliter la séparation de l'écorce du chanvre de sa tige, il a aussi pour mission d'affiner cette écorce, de la rendre plus souple, plus travaillable. L'écorce ou filasse a moitié moins d'épaisseur après le rouissage qu'avant. Le chanvre mâle offre une filasse plus fine, plus longue et plus estimée que celle de la femelle, sans doute parce que son rouissage a lieu dans une saison plus chaude, et est par conséquent plus complet. Agréez, etc.

F. V. MÉRAT,

Membre de la Société royale et centrale d'Agriculture.

(LE CULTIVATEUR, août 1840, 12o. Année, 8e. cahier, Volume XVI).

ROUISSAGE PERPENDICULAIRE DU LIN.

Nous ne pouvons nous dispenser de donner un bon conseil à nos cultivateurs pour améliorer le rouissage et conserver une partie de bon lin ordinairement perdue.

Tout le monde a pu remarquer que la tête de la plante est plus difficilement dégagée de sa paille que la partie inférieure, et qu'une notable portion de ces filamens se perd dans le brisoir et les opérations subséquentes..

Cependant cette partie de la plante fournit le meilleur lin et le plus fin. Voici le moyen de le conserver: c'est de placer le lin debout dans les routoirs, au lieu de le coucher horizontalement. Par l'effet de la disposition que nous indiquons, le pied de la plante se trouve exposé à une température plus froide, et la tête à une température plus chaude; ce qui a pour résultat une fermentation moins rapide vers le bas et une fermentation plus prompte vers la tête, qui en a le plus besoin à cause de la moindre maturité de cette partie.

Comme ce procédé se base sur le bon sens et sur des essais déjà faits et éprouvés, chaque cultivateur de lin trouvera son avantage à suivre la nouvelle méthode de rouissage que nous lui indiquons, sans en faire part à l'académie des sciences et sans prendre de brevet d'invention. (1)

(LE CULTIVATEUR, septembre 1840, 12o. Année, 9e, cahier, Volume XVI.)

(1) Ce procédé est connu et pratiqué depuis long-temps en BELGIQUE.

SECTION TROISIÈME.

ÉCONOMIE RURALE ET FORESTIÈRE.

NOTICE,

Par M. Guillory, Président de la Société industrielle
d'Angers,

SUR LES ACcidens qui se reproduISENT DANS LA FABRICATION DU BEURRE ET QUI SONT SOUVENT ATTRIBUÉS AUX Sorciers.

Les efforts de la Société pour combattre les charlatans et les empiriques, dont l'influence est encore beaucoup plus grande dans notre contrée qu'on ne paraît le croire généralement, font un devoir à chacun de nous de rechercher les causes qui peuvent entraîner nos crédules campagnards à solliciter les secours de gens assez éhontés pour spéculer sur leur naïve simplicité.

J'abandonne au comité d'hygiène le soin de dévoiler les nombreux méfaits auxquels se livre chez nous le charlatanisme; et certes la tâche est assez belle pour nous donner l'espoir qu'elle sera largement remplie.

Quant à nous, nous venons aujourd'hui appeler votre attention, Messieurs, sur un accident qui se reproduit fréquemment dans nos fermes et qui, faute d'une solution rationnelle, pousse souvent les ménagères de nos cultivateurs à aller consulter les empiriques qu'elles sont sûres de rencontrer aux foires, dans des lieux bien secrets, connus des personnes seules dont ils n'ont rien à craindre

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