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un certain temps et ne peut pas s'exécuter sans bruit. Sous ce rapport, ce procédé est si sûr, qu'en Ukraine, dans les endroits où il est employé, ces meules sont construites en plein air, dans des enclos qui ordinairement ne sont pas fermés, et cependant il n'y a pas d'exemple de vols, tandis que dans les greniers les mieux fermés et les mieux gardés ils sont assez fréquens.

Enfin je dois aller au-devant d'une objection qu'on élève souvent, surtout en agriculture; c'est celle-ci : « Si le procédé en question est si utile et s'il est connu depuis longtemps, pourquoi n'est-il pas mis partout en pratique?» Pour réponse, je dirai que les puits artésiens sont connus depuis plus de sept siècles; les presses hydrauliques depuis Pascal, qui en est l'inventeur, les télégraphes depuis Amontons, et que cependant il y a peu de temps seulement que ces inventions admirables ont commencé à prendre une certaine extension. Si dans les arts l'application des inventions les plus utiles est si lente à se répandre, faut-il s'étonner qu'il en soit de même dans l'agriculture, où l'habitude de suivre la route battue par nos pères, et une certaine aversion pour tout ce qui est nouveau, est presque une règle universelle; où les saisons, le climat et le ciel ne permettent de faire des expériences qu'à certaines époques; où souvent il faut attendre plusieurs années pour en voir les résultats; où la vie de l'homme n'est pas assez longue pour les répéter plusieurs fois; où les causes météorologiques, qui ne sont pas en notre pouvoir, les rendent plus chanceuses; où enfin la somme des lumières et des connaissances nécessaires est moindre que dans aucune autre profession!

(MAISON RUSTIQUE du XIXe siècle, 2e. Série, Tom. 4e, IV. Année, no. 4, octobre 1840).

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DES MOYENS DE TIRER PARTI DES VINASSES
Comme engrais.

Un article imprimé dans les journaux étrangers donne plus d'importance à ce que nous allons dire sur l'emploi des vinasses. Voici le texte de cet article :

On lit dans l'Écho de la frontière, qu'une découverte, faite tout récemment en France, a doté ce pays de nouveaux établissemens industriels, basés sur l'exploitation des résidus des distilleries, résidus qui jusqu'alors étaient sans emploi. L'industrie vient cependant d'en tirer parti, et des fabriques de potasse se sont élevées; une d'elles, alimentée par les résidus des distilleries, est déjà en pleine activité au faubourg de Paris, près de Valenciennes.

On a donné le nom de vinasses aux résidus qu'on obtient de la distillation des vins, résidus qui contiennent toutes les substances qui existaient dans le vin, à l'exception d'une petite quantité d'acide acétique, qui passe à la distillation. La vinasse est donc composée de mucilage, de tannin, de matière colorante, de tartrate acidule de potasse, d'acide acétique, de divers sels, d'acétates, d'hydrochlorates, de sulfates de potasse, enfin de traces de sels ammoniacaux.

Jusqu'à présent les vinasses sont à peine employées, quoique M. Landreau ait indiqué qu'on pouvait s'en servir comme engrais, et quoique ces produits pussent fournir une assez grande quantité de potasse propre au commerce (1).

(1) L'abbė Rosier, dans son Cours complet d'agriculture, s'exprimait de la manière suivante, il y a environ 50 ans, en parlant des vinasses : • Je

Notre attention a été vivement fixée sur ces produits dans divers voyages que nous avons faits dans le midi de la France. En effet, nous avons remarqué que, dans un grand nombre de villes du Languedoc, on distillait de 100 à 150,000 hectolitres de vin dans une année, et que toutes les vinasses qui en provenaient, au lieu d'être utilisées, soit comme engrais dans le pays, soit de toute autre manière, sont jetées comme inutiles. A Mèze, elles sont conduites dans le port dont elles salissent l'eau, et, au lieu d'être utiles, deviennent ainsi une cause notable d'insalubrité. La même chose se fait remarquer dans les petites villes ou villages environnant Montpellier; des fossés contenant une eau croupie et exhalant une odeur infecte, avertissent les passans que près de là existent une ou plusieurs brûleries (distilleries).

Nous pensons que l'on pourrait tirer parti de ces vinasses et les faire servir à quelque chose d'utile, tout en débarrassant les communes de cloaques infects, nuisibles à la santé.

Le premier des emplois de la vinasse a été proposé par M. Landreau; il est simple, et consiste à imprégner de la

disais aux distillateurs en grand des eaux-de-vie : Pourquoi laissez-vous perdre les vinasses qui sortent des chaudières après que vous en avez retiré l'esprit? Pourquoi ne pas avoir de grandes fosses placées les unes à côté des autres pour les recevoir ? Comme on distille beaucoup de vins nouveaux souvent troubles et épais, ils contiennent le tartre et la lie dont ils n'ont pas eu le temps de se dépouiller, et l'un et l'autre seraient déposés dans ces fosses. C'est alors le cas d'en retirer le dépôt, de le faire sécher et de le calciner ensuite. Si en commençant vous avez rempli ces fosses avec des sarmens ou autres bois qui laissent des vides entre eux, vous trouverez ces sarmens recouverts de cristaux de tartre et imprégnés intérieurement de cette substance; il ne s'agit plus que de brûler le tout pour en retirer de la cendre gravelée. Ce n'est point une petite économie que je propose; elle est d'autant plus considérable qu'elle ne coûte ni peines, ni soins, ni dépenses, tout est bénéfice.» (T. II, p. 627.)

terre avec des vinasses et à porter ces terres dans les champs, vignes, etc.

Le deuxième, que je regarderai comme une modification, consisterait à établir dans les champs ou vignes un trou, où le brûleur (le distillateur de vins) ferait conduire la vinasse qui résulterait de son travail dans des fosses faites exprès, pour en imprégner la terre, qui serait ensuite répandue sur les vignes, si le brûleur ne voulait pas s'occuper de ce travail, le fermier, le propriétaire, intéressés à faire produire et à se procurer des engrais, pourraient faire les frais de transport des vinasses. Mais avant de les employer, il serait bon de faire quelques essais, dans le but de reconnaître si la terre imprégnée de vinasse est un meilleur engrais lorsqu'on l'emploie à l'instant même, ou bien après avoir été enfouie quelques mois et être restée ainsi en contact avec la terre.

Le troisième aurait pour but l'extraction de la potasse de ces vinasses. Suivant M. Landreau, deux hectolitres de vinasses fourniraient 250 grammes (8 onces) de potasse (1), et d'après des expériences que j'ai faites à Mèze (Hérault) en 1832, deux hectolitres de vinasses fourniraient 400 grammes (12 onces 1/2) de cette substance. Ne pourrait-on pas, en raison de ces quantités de potasse contenues de ces vinasses, en extraire cet alcali, extraction qui, pour une petite ville où l'on distille 100 à 150,000 hectolitres de vin, donnerait un produit de 20 à 30,000 kil. de potasse pure (sel de tartre), ayant une valeur de 22,500, le kilogramme de cette potasse pure étant vendu 75¢ seulement, ce qui serait un prix peu élevé en raison de la pureté du produit. Outre ce produit en potasse, ne pourrait-on pas encore tirer des vinasses un charbon conve

(1) Ce produit est connu dans les arts sous le nom de sel de tartre.

nable pour la décoloration? Ce charbon proviendrait de la calcination à vase clos de la vinasse elle-même. Mais pour obtenir ces produits, qui n'ont pas même fixé l'attention des manufacturiers, il y a une évaporation à opérer. Nous ne pensons pas, et nous n'avons pu, n'étant pas sur les lieux et n'ayant aucune donnée sur la valeur vénale des combustibles, examiner, à l'aide d'expériences, si on pouvait opérer cette évaporation à l'aide d'un combustible quelconque, le bois, le charbon; mais nous croyons qu'on pourrait utiliser la chaleur de l'atmosphère et évaporer les vinasses par le seul contact de l'air. A cet effet, agissant comme on le fait dans les marais salans, on pratiquerait plus ou moins loin des habitations, et sous le vent qui frappe le moins sur les maisons pendant les chaleurs de l'été, des bassins ayant une grande surface; ces bassins construits, on y conduirait les vinasses, qui bientôt seraient privées par évaporation de la plus grande partie du véhicule qu'elles contiennent, et fourniraient un résidu qui donnerait du tartre, ou bien qui, calciné à vase clos dans des cylindres ou dans tout autre vase, donnerait, à l'aide de la lixiviation, des sels de potasse qu'on ferait évaporer et un charbon qui aurait une valeur assez grande lorsqu'il serait bien lavé.

Il faudrait que les bassins contenant les vinasses fussent bien glaisés et ne laissassent pas échapper les liquides; enfin, qu'ils fussent construits comme ceux qui servent à l'évaporation de l'eau salée.

Le lieu qui aurait servi à faire un bassin, labouré après quelques années, pourrait fournir des terres imprégnées de matières qui serviraient d'engrais, ou qui, labourées et laissées en contact avec l'air pendant un certain temps, deviendraient des terres de production.

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