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qui s'attache toujours à la personne des princes; aucune circonstance extérieure: ne vient jeter de l'éclat sur vos travaux, et si, livrés à vos propres ressources, vous parvenez encore à exciter quelque intérêt, vous ne le devrez qu'à l'importance de ce qui fait l'objet de cette réunion.

» Vous n'avez pas craint, cependant, d'ouvrir au public les portes de cette enceinte ; vous avez même invité en cette occasion les premières Autorités et les personnes les plus recommandables de cette ville. Pourquoi cela, Messieurs ? C'est que vous avez pensé avec raison qu'il suffit qu'une société ait une existence publique reconnue, pour que ce soit pour elle un devoir de donner au public raison de son existence, et de l'admettre quelquefois à juger de ses tra

vaux.

» Il m'appartient donc aujourd'hui d'exposer en quelques mots la vie de votre Société, de dire le but qu'elle se propose, et les moyens qu'elle emploie pour y parvenir.

» Considérée sous son point de vue le plus général, votre Société présente deux faces bien distinctes : l'Agriculture et la Littérature. Ces deux caractères semblent au premier abord très-peu compatibles et se repousser plutôt que s'attirer. Quels rapports en effet, dira-t-on, peuvent s'établir entre deux choses de nature si différente? De quelle utilité l'agriculture et la littérature peuvent-elles être l'une à l'autre ? Ne vaudrait-il pas mieux qu'elles fussent complètement séparées, et qu'elles eussent chacune leurs représentans spéciaux dans des sociétés spéciales? Sans m'arrêter à prouver ici que ces deux parties ne sont pas aussi antipathiques qu'elles le paraissent au premier coup-d'œil, que l'agriculture, par exemple, peut emprunter d'utiles secours de la littérature, je me

contenterai de dire que cette séparation est tout simplement impossible; et voici pourquoi :

Hors de Paris, comme chacun sait, il n'est pas de salut pour la littérature; il en est absolument de la littérature de province comme des femmes de province, auxquelles il serait tout-à-fait étonnant de trouver de beaux yeux. C'est une chose tellement jugée, un fait tellement acquis, qu'un littérateur de province, quelque pût être d'ailleurs son mérite, courrait grand risque de ne jamais se faire un nom, s'il n'allait se faire donner le baptême de la capitale; comme aussi plus d'un auteur renommé de Paris perdrait singulièrement de sa valeur littéraire, s'il perdait sa qualité de parisien, et qu'il fût toutà-coup métamorphosé en auteur de province. Que cette. prétention de la capitale au monopole de la littérature comme à celui de beaucoup d'autres choses, soit un bien ou un mal, ce n'est pas ce que j'examine; mais c'est un fait, et ce fait à lui seul explique pourquoi les sociétés purement littéraires ne peuvent guère prospérer en province.

D

Quant aux sociétés d'agriculture composées uniquement d'agriculteurs, il suffit de rappeler les nombreux essais qu'on a faits, même dans notre département, et qui n'ont pu jusqu'ici produire d'établissemens durables. Serait-ce, Messieurs, que l'homme est ainsi fait que dans aucune condition il n'aime à recevoir directement d'avis d'un homme de la même condition, et qu'il faille, pour que les meilleures idées sc communiquent, qu'elles passent pour l'intermédiaire de personnes désintéressées? Ne seraitce pas de cette manière, et en sa qualité de société mixte, que votre Société a pu exercer une heureuse influence sur l'agriculture de ce pays?

» Dès sa fondation, qui date déjà de quinze années, vous avez porté votre attention sur l'agriculture du département et vous avez fait tous vos efforts pour la tirer de cet engourdissement, de cette routine qui la tenaient dans un état fâcheux d'infériorité relative. Ne pouvant suffire à cette tâche par vous-mêmes, vous avez appelé à votre aide les cultivateurs les plus distingués; vous leur avez présenté un lien commun, un centre ; vous les avez mis en communication entre eux et avec vous; vous avez dirigé leurs recherches et leurs travaux; et leurs lumières qui se sont réunies dans votre sein, en sont ensuite réparties plus vives et plus sûres.

>> Vos premiers soins, Messieurs, ont dû être et ont été d'étudier la nature du sol, les modes de culture adoptés, les produits obtenus; de vous demander si ces modes de culture étaient convenables, ces produits satisfaisans, enfin quels changemens il conviendrait d'y apporter ?

» Le sol étudié, vous vous êtes occupés des instrumens propres à le cultiver. Vous avez donc ouvert des concours d'instrumens aratoires, et telle a été l'impulsion produite par ces concours qu'elle a fait naître dans notre arrondissement des instrumens qui, après avoir été couronnés par vous, sont encore allés remporter les premiers prix dans les autres départemens; et que depuis dix ans jusqu'à ce jour, vous avez eu dans tous vos concours, à reconnaître et à récompenser d'ingénieuses inventions ou d'utiles perfectionnemens.

» Mais il ne suffit pas d'avoir des instrumens perfectionnés, il faut encore des bras intelligens pour les faire fonctionner. Aussi, dans le concours que vous avez ouvert entre les valets de ferme, avez-vous annoncé que, dans l'appréciation des titres des garçons de labour, vous.

auriez égard à l'aptitude qu'ils montreraient à conduire les nouveaux instrumens aratoires.

» A côté du garçon de labour, vous avez trouvé un homme dont les bons services vous ont paru dignes d'être récompensés, c'est le berger, aux soins et à la vigilance duquel est confiée la garde du troupeau. Les troupeaux sont la première cause de la fertilité du sol et une des premières richesses de la ferme; comment, après avoir fondé pour l'amélioration des races, des concours d'animaux qui ont donné de si heureux résultats, auriez-vous pu oublier le berger?

» Puis le garçon de cour qui prend soin de tout l'intérieur de la ferme, et la servante qui aide la maîtresse de la maison dans ses nombreux et pénibles travaux ne méritaient-ils pas aussi tout votre intérêt ?

» Dans ces quatre catégories de domestiques vous avez trouvé, Messieurs, les services les plus honorables; vous avez vu des hommes attachés depuis plus d'un demi-siècle au service de la même maison. Ces services, disons-le, n'honorent pas moins le maître que le serviteur; car ils prouvent que le commandement du maître a été assez doux, que ses relations avec son serviteur ont été assez bienveillantes pour l'attacher ainsi à sa personne et à sa famille, dont il est devenu comme partie intégrante.

» Votre Société, Messieurs, a jugé qu'elle ne pouvait trop récompenser ces bons et dévoués serviteurs; elle a décidé que les domestiques de chaque catégorie qui présenteraient les meilleurs états de services, recevraient cette année, outre la médaille d'honneur, une inscription de 50 francs à la caisse d'épargne de la ville. La Société espère qu'à moins d'un extrême besoin, ces dépôts ne seront pas retirés, qu'ils s'augmenteront au contraire progressi

vement des petites épargnes que les titulaires pourront y ajouter. Elle désire, par cette généreuse innovation, inspirer aux domestiques de la campagne des goûts et des habitudes d'ordre et d'économie, et leur suggérer l'idée de se ménager par des placemens sûrs, des ressources précieuses pour leur vieillesse ou pour des temps difficiles.

» Enfin, Messieurs, un nouvel objet qui n'intéresse pas moins que les autres l'exploitation agricole, a, cette année, attiré votre sollicitude. Depuis long-temps vous déplorez le mauvais état des voies de communications dans les communes rurales, vous avez décidé que vous feriez frapper des médailles d'or en l'honneur des communes de l'arrondissement qui auraient entretenu leurs chemins dans le meilleur état, ou qui auraient fait le plus d'efforts pour les améliorer. Tout porte à croire que ce concours, dont le travail sera terminé dans quelques mois, aura des résultats aussi avantageux que les autres.

» Ainsi, Messieurs, il n'est aucun objet qui intéresse l'agriculture, sur lequel vous n'ayez porté votre attention, et sur lequel vous n'ayez appelé le progrès et le perfection

nement.

» Mais là, Messieurs, ne se borne pas l'influence de votre Société sur l'agriculture son action se porte plus haut; elle atteint l'agriculteur, le maître lui-même. Oui, elle agit efficacement sur lui par deux moyens puissans: vos réunions et vos publications. Dans vos séances trimestrielles d'agriculture, chacun en apportant le tribut de ses idées et de ses expériences, s'éclaire aussi de celles des autres, il se fait ainsi un échange de lumières profitables

à tous.

» Enfin vos Annales agricoles ne sont pas seulement destinées à consigner le résultat de vos travaux; elles vous ap

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