Page images
PDF
EPUB

3o. Sur l'intérêt de ne pas laisser dégénérer les races: car l'expérience a prouvé que cet effet suit ordinairement les mariages entre individus de la même famille; les mariages des princes en ont fourni des exemples.

Les prohibitions ne viennent pas des lois ecclésiastiques; on retrouve les plus anciennes dans les lois grecques et romaines ; celle du mariage entre la tante et le neveu a été faite par Théodose. Les lois ecclésiastiques ne les ont adoptées que fort tard, et quand elles se mêlèrent des mariages jusque là les souverains seuls en accordaient les dispenses. La première dispense qui a été donnée par l'autorité ecclésiastique, fut celle que Pascal II accorda au roi de France sur la fin du onzième siècle. Les princes n'eurent recours au pape que parce qu'il leur parut inconvenant de se dispenser eux-mêmes des lois qu'ils avaient établies; mais ils n'en conservèrent pas moins leurs droits. On trouve encore dans Cassiodore et dans Marculfe les formules dont ils se servaient. Les prohibitions et les dispenses appartiennent donc en entier au droit civil: or, la minorité de la section n'a vu aucun intérêt à limiter des prohibitions consacrées par l'assentiment de tant de siècles, et fondées sur des motifs puissans, ni à priver le gouvernement du droit d'en dispenser.

M. EMMERY répond que la majorité de la section ne conteste pas le droit qu'a le gouvernement d'accorder des dispenses; mais elle a cru que la législation relative aux prohibitions devait rester dans l'état où elle est aujourd'hui, pour ne jeter ni défaveur ni inquiétude sur les mariages actuellement contractés entre des personnes auxquelles s'étendrait la 163 prohibition. Elle pense néanmoins que le mariage doit être défendu entre le neveu et la tante, parce que celle-ci suppléant en quelque sorte la mère, il est difficile de concilier le respect que le neveu doit à la tante avec le respect que tante devrait au neveu s'il devenait son mari. La même raison n'existe pas à l'égard de l'oncle et de la nièce. Il n'y a aucune raison de défendre aux beaux-frères et aux belles

la

sœurs de s'épouser; et même l'intérêt des enfans demande qu'on autorise ces unions : ils retrouvent dans le frère ou dans la sœur de leur père ou de leur mère, l'affection et les soins de ces derniers. Quant à ce qu'on a dit de la nécessité de prévenir les effets des fréquentations trop faciles, si l'on adoptait cette considération, il faudrait aller jusqu'à interdire le mariage entre cousin et cousine.

LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que, quoique la section appuie son système sur ce qu'elle trouve de l'inconvénient à changer la législation actuelle, elle y déroge cependant elle-même en défendant le mariage entre la tante et le neveu.

M. BOULAY dit qu'il peut y avoir des circonstances particulières qui justifient le mariage entre beaux-frères et bellessœurs; mais que leur en donner en général la faculté, c'est jeter un levain de discorde dans les familles, et créer un intérêt, pour ces sortes d'alliés, de provoquer le divorce de leurs frères ou sœurs.

M. CRETET dit que la question des dispenses n'est pas encore suffisamment examinée. Les dispenses ne seront qu'une vaine formalité si la loi ne détermine les cas où elles pourront être obtenues: au lieu d'être des exceptions, elles deviendront bientôt la règle.

La loi doit défendre absolument ce qui est nuisible, et abandonner l'usage de ce qui ne l'est pas à la discrétion des particuliers.

M. RÉAL dit que la majorité ne consent à la prohibition du 164 mariage entre les tantes et les neveux, que sous la condition qu'il pourra leur être accordé des dispenses: elle observe que le Code prussien restreint cette prohibition aux tantes. plus âgées que les neveux, et qu'encore il admet des dispenses pour ce cas; qu'il avoue que ce n'est pas l'église qui a introduit la prohibition, mais qu'on ne peut nier que ses ministres s'en sont par la suite emparés, en ont fait une propriété dont ils ont chassé la puissance civile, et qu'aujour

162

d'hui encore ils prétendent y dominer exclusivement à toute autre puissance.

M. BOULAY dit que les prohibitions et les dispenses sont tellement des institutions civiles, que Claude fut obligé d'obtenir un décret du sénat pour épouser sa nièce Agrippine. Les historiens remarquent que cet exemple ne fut pas suivi. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit qu'il s'agit principalement des mariages entre beaux-frères et belles-sœurs, et que la la question est de savoir s'il y a plus d'inconvéniens à étendre jusqu'à eux les prohibitions, qu'à les laisser dans les limites. qu'elles ont, suivant la législation actuelle.

:

Les mariages qui peuvent avoir été contractés d'après les dispositions de la loi de 1792, ne sont pas des obstacles à l'extension; il ne faut pas craindre qu'ils soient vus de mauvais œil chacun sait que la loi ne rétroagit pas; et c'est par cette raison qu'elle parle au futur. Ce qu'on a dit de l'intérêt des enfans, qu'on suppose retrouver une seconde mère dans leur tante, n'est exact que dans des cas fort rares : des motifs beaucoup moins respectables déterminent ordinairement ces sortes de mariages; et, dans un pays où le divorce est admis, on doit craindre que la possibilité de rompre le mariage existant, jointe à la faculté de s'épouser, ne porte les beauxfrères et les belles-sœurs au concubinage, et ne trouble l'intérieur des familles. Du moins faudrait-il ne permettre à ces alliés de s'épouser que lorsque leur premier mariage a été dissous par la mort de leur époux ou de leur épouse; mais rien ne serait plus scandaleux que de leur permettre de s'en dégager par le divorce, pour voler ensuite dans les bras de leur beau-frère ou de leur belle-sœur. D'ailleurs, avec l'usage des dispenses, tous les inconvéniens de la prohibition disparaissent. Au surplus, si on ne veut pas admettre de prohibition absolue, qu'on distingue les cas et les hypothèses où elle aura lieu.

Le Ministre de LA JUSTICE affirme que la faculté donnée

par

la loi de 1792 aux beaux-frères et aux belles-sœurs, porte en effet le trouble dans les familles, et est le principe de demandes en divorce dont les tribunaux sont actuellement saisis.

M. BERLIER admet la prohibition du mariage entre beauxfrères et belles-sœurs, dans le cas où le premier mariage a été rompu par un divorce; mais il pense que cette prohibition ne doit pas être étendue plus loin. Il repousse le moyen subsidiaire des dispenses : l'on sait qu'elles n'étaient autrefois qu'une vaine forınalité, et s'obtenaient facilement par quiconque pouvait les acheter.

L'opinant ne doute pas que le gouvernement actuel ne parvînt à les rendre moins abusives; mais dans les matières qui tiennent à l'honnêteté publique, il n'y a pas de transaction. Ainsi, il faut permettre le mariage entre beaux-frères et belles-sœurs, si les mœurs ne s'y opposent point; autrement, il faut le rejeter, sans admettre d'exceptions ni de dispenses.

M. Berlier vote pour l'admission absolue, et rejette celle qui ne serait qu'exceptionnelle et fondée sur des dispenses. Quel serait en effet le motif apparent de ces dispenses? Comme autrefois, on alléguerait une grossesse, et la permission serait accordée; mais ce motif mème appellerait le dérèglement, puisqu'un commerce illicite deviendrait un moyen d'obtenir des dispenses. Or, il vaut mieux que la loi permette ouvertement une chose qui n'est pas essentiellement mauvaise, , que de dire que l'honnêteté publique la défend, et de placer cependant à côté du précepte un moyen légal de le violer.

Au reste, c'est le dernier état de la législation, et il est bon. M. TRONCHET dit que la prohibition des mariages entre beaux-frères et belles-sœurs est réclamée par les mœurs, parce qu'elle prévient les inconvéniens de la familiarité; que cependant il ne l'adopte qu'autant qu'elle pourra être levée par dispenses; que, dans le cas contraire, il préfère qu'on permette indistinctement le mariage.

162

163-164

M. MALEVILLE dit que tous les tribunaux s'élèvent contre ces sortes de mariages.

LE PREMIER CONSUL résume les diverses propositions, et les met aux voix.

LE CONSEIL adopte,

1°. Que les mariages entre beaux-frères et belles-sœurs seront prohibés;

2°. Qu'il n'y aura pas de dispenses pour ces mariages; 3°. Que les mariages entre oncles et nièces seront prohibés; 4°. Qu'il pourra être accordé des dispenses pour ces mariages;

5°. Que les mariages entre tantes et neveux seront prohibés; 6°. Qu'il pourra être accordé des dispenses pour ces mariages.

165

Ib.

[merged small][ocr errors][merged small]

M. RÉAL présente le chapitre II du titre du Mariage, intitulé, des Formalités relatives à la célébration du Mariage. L'article 1er est adopté; il est ainsi conçu :

« Le mariage sera célébré publiquement, dans les formes « ci-après établies. »

་་

L'article 2 est soumis à la discussion; il porte :

« Il sera célébré dans la commune où l'un des deux époux «< aura son domicile.

[ocr errors]

« Ce domicile, quant au mariage, s'établira par six mois. d'habitation continue dans la même commune. »

LE PREMIER CONSUL demande pourquoi ce chapitre parle du domicile, puisque cette matière est réglée par un autre titre.

M. TRONCHET répond qu'il s'agit ici de la simple habitation, qui n'est pas toujours le domicile.

LE PREMIER CONSUL dit qu'il faut donc changer la rédaction, et ne parler que d'une habitation de six mois, afin que

« PreviousContinue »