Page images
PDF
EPUB

avec Secundus, Tertius, et Quartus. Ce paiement éteint complètement, à l'égard du créancier, la créance de 4.000 fr. Celle-ci, il est vrai, est réputée subsister au profit de Primus, mais évidemment pour la partie seulement qui excède sa part contributoire. Dans la limite de cette part contributoire la dette est éteinte complètement et à l'égard de tous; il ne peut être pour cette part question de subrogation, puisque la subrogation ne s'applique qu'au paiement fait par un tiers non débiteur personnel. Pothier est le premier à proclamer ce résultat, n. 281: « Je ne pourrais pas dire, pour » me défendre de ce circuit, que je ne suis plus debi»teur, ayant payé le créancier, car au moyen de la » subrogation, le paiement que j'ai fait n'a éteint la » dette que pour la part dont j'étais tenu pour moi» même, et non pour le surplus ».

Il résulte de là qu'après le paiement effectué par Primus, il ne reste de toutes manières à son profit qu'une créance de 3.000 fr., et que la garantie résultant de la solidarité ne peut être attachée qu'à ce restant de la dette solidaire.

la

20 bis. Supposons maintenant que Secundus paie sur la poursuite de Primus les 3.000 fr. restants. Primus n'aura pu transmettre fictivement à Secundus que créance de 3.000 fr. qui lui appartenait et les garanties afférentes à cette créance. Mais, pour les mêmes raisons que précédemment, Secundus étant débiteur propre de 1.000 fr., sur ces 3.000, la créance de 3.000 fr. se trouvera éteinte absolument et à l'égard de tous jusqu'à concurrence de ces 1.000 fr.; la solidarité ne

pourra donc être fictivement attachée à la nouvelle créance que pour le paiement des 2.000 fr. restants. Cette somme, Secundus ne pourra en aucune façon la recouvrer en tout ou en partie contre Primus; celui-ci n'est plus débiteur; il ne l'était plus vis-à-vis du créancier principal; après la première subrogation, il n'a pu l'être même fictivement de lui-même, et après la deuxième subrogation il ne peut l'être davantage de celui qui a été subrogé à ses droits.

Si Secundus ne peut agir contre Primus comme subrogé aux droits du créancier, il ne peut non plus recourir contre lui en tant que codébiteur, car Primus a définitivement acquitté la portion de la dette dont il était ténu comme débiteur conjoint. En supposant même que l'un des autres débiteurs, Tertius ou Quartus, devienne insolvable, Secundus ne pourra agir en garantie contre Primus pour lui faire supporter sa part contributoire dans l'insolvabilité, car il est en faute de n'avoir pas fait intervenir, lors du premier recours, ses codébiteurs Tertius et Quartus; ce qu'il avait incontestablement le droit de faire.

20 ter. En résumé, nous ne voyons pas comment pourrait avoir lieu le circuit d'actions dont parle Pothier ('), et le raisonnement de celui-ci nous semble faux, non seulement, comme on le dit généralement, parce qu'il est contraire au principe: « Nemo contra se

(1) C'est pourtant le désir d'éviter dans la pratique ce circuit d'actions qui avait motivé dans notre ancien droit des décisions refusant au débiteur subrogé l'action solidaire, déduction faite de sa part contributoire dans la dette. Féder, De la solidarité, p. 2, n. 13, arrêts de 1650 et 1674.

subrogasse censetur », mais aussi parce qu'il ne tient pas compte de ce que la qualité du débiteur est éteinte irrévocablement en la personne de chaque codébiteur subrogé.

21. Voyons maintenant la seconde raison invoquée pour expliquer l'art. 1214. Après ce que nous venons de dire, sa réfutation n'aura pas besoin de longs développements, car nous appliquerons à cette seconde explication le même raisonnement qu'à la première. D'après certains auteurs, la disposition de l'art. 1214 aurait sa raison d'être dans l'obligation de garantie qui existe entre les codébiteurs solidaires, de telle sorte que la raison sur laquelle est basée l'existence du recours servirait aussi à la réglementation de son exercice.

Que le codébiteur ne puisse faire peser sur ses coobligés le poids de la dette qui lui est personnelle, cela est incontestable; mais pour obtenir ce résultat, il suf fit qu'en exerçant son recours, ce codébiteur retranche du total de la dette la somme qui correspond à sa part contributoire. La garantie que se doivent les codébiteurs solidaires consiste uniquement en ceci : qu'ils ne peuvent réclamer ni faire supporter aux autres ce dont ils sont personnellement tenus. Chacun est garant pour soi et non pour les autres. L'obligation de garantie entre les divers codébiteurs solidaires ne fait donc pas obstacle à ce que le codébiteur qui a payé plus que sa part contributoire soit subrogé aux droits du créancier, en ce qui concerne l'exercice de la solidarité, pour le recouvrement de son débours, déduction faite de sa part dans la dette; sauf aux codébiteurs poursuivis à se

PLISSONNEAU

2

défendre en partie contre l'exercice de cette solidarité en faisant intervenir à l'instance leurs coobligés et en faisant supporter au codébiteur poursuivant sa part dans les insolvabilités qui pourraient exister à ce mo

ment.

22. En définitive, ni le désir d'éviter un circuit d'actions, ni la raison tirée de l'obligation de garantie à laquelle sont tenus les codébiteurs entre eux, ne peuvent rendre un compte exact de la dérogation apportée par l'art. 1214 aux effets ordinaires de la subrogation. Le seul résultat pratique que l'on puisse obtenir à l'aide de cet article, c'est de diminuer le nombre des recours successifs intentés par les codébiteurs entre eux; mais l'on peut, comme nous l'avons vu, arriver au même résultat sans aller à l'encontre d'aucun principe fondamental; il suffit pour cela de reconnaître aux codébiteurs poursuivis le droit de faire intervenir à l'instance leurs coobligés.

23. La disposition de l'article 1214 reste donc absolument injustifiée à nos yeux ('). Est-ce une raison pour décider que l'article 1251-3° ne s'applique pas à notre espèce et que le codébiteur solidaire ne peut être considéré comme subrogé aux droits du créancier? Cela pourrait à la rigueur s'expliquer.

La subrogation suppose le cas où un débiteur paie

(1) L'article 426 al. 2 du nouveau code civil allemand décide que le codébiteur qui aura un recours à exercer pourra, dans la proportion de son recours, exercer les droits du créancier. Les termes généraux de cet article semblent s'opposer à l'admission de la restriction spéciale établie par notre article 1214. Ce point toutefois peut être controversé. V. Saleilles, p. 122.

une dette qui lui est personnellement étrangère; or, en désintéressant le créancier, le codébiteur solidaire ne fait autre chose que payer ce dont il est tenu directement et principalement. Il est bien tenu avec d'autres et pour d'autres au paiement de la dette, mais il en est tenu au même titre qu'eux, principalement et pour le tout; ce n'est pas un débiteur tenu accessoirement comme dans le cas des articles 874, 875, 2029; ce n'est pas non plus un codébiteur d'une chose indivisible, obligé par la nature de l'objet de la dette de payer le tout sur la poursuite du créancier; c'est un débiteur principal pour le tout qui acquitte sa dette et à qui l'on pourrait sans injustice refuser les droits du créancier pour le recouvrement de ses débours (Cpr. Demolombe, n. 421, 423. Contra Aubry et Rau, IV, 298 ter, note 37; Demante, V, n. 147 et son continuateur Colmet de Santerre, ibid. bis, II; Pothier, n. 280 s.).

[ocr errors]

Cependant nous n'osons affirmer, contre l'opinion universellement admise tant en doctrine qu'en jurisprudence, que l'art. 1214 doive avoir pour conséquence de faire refuser au codébiteur qui a payé la subrogation aux droits du créancier. Il eût fallu pour cela un texte plus formel que celui que nous possédons.

24. Il reste donc que le codébiteur solidaire peut se servir, pour le recouvrement de ses débours, de l'action du créancier, sauf à ne pas se prévaloir de la solidarité qui y est attachée; et il est généralement admis que, par une convention spéciale, le créancier ne pourrait conserver au codébiteur qui le paie le bénéfice de cette solidarité, pour cette raison que le créancier ne peut

« PreviousContinue »