Page images
PDF
EPUB

au créancier saisissant, s'il ne peut en demander la nullité, il pourra, du moins, s'il a une hypothèque sur l'immeuble, le faire saisir entre les mains du nouveau propriétaire et le faire vendre pour se payer sur le prix. Ses droits ne sont donc pas sacrifiés.

de

Ce système, dit-on, peut présenter dans certains cas

graves inconvénients l'acquéreur, de connivence. avec le saisi, pourrait, en ne transcrivant que fort tard son titre, rendre inutile toute la procédure de saisie; d'où des frais considérables en pure perte. Ce reproche est fondé, mais il disparaît si l'on considère qu'on pourra, en vertu de l'art. 1382 C. civ., agir contre le saisi et même contre l'adjudicataire, s'il est reconnu que ce dernier a été de mauvaise foi en ne faisant pas

connaître son contrat.

En ce qui concerne les aliénations consenties par le saisi postérieurement à l'adjudication, quelques auteurs (') ont soutenu qu'elles étaient opposables à l'adjudicataire lorsqu'elles étaient publiées avant la transcription du titre de l'adjudicataire. Les effets de la sai sie cesseraient de se produire après l'adjudication et le saisi recouvrerait à ce moment la faculté d'aliéner.

Nous devons écarter cette solution. L'incapacité du saisi d'aliéner les immeubles ne doit pas cesser par le seul effet de l'adjudication; elle doit durer jusqu'à la transcription du jugement ou la radiation de la saisie au bureau des hypothèques; alors seulement les tiers sont avertis du sort de la saisie. Comment concevoir,

(1) Ollivier et Mourlon, n. 199; Mourlon, Traité de la transcription, I,

d'ailleurs, que l'adjudication qui exproprie définitivement le saisi ait la vertu de lui rendre le droit d'aliéner qu'il avait déjà perdu alors qu'il était encore propriétaire? S'il en était réellement ainsi, les adjudications sur saisie immobilière ne présenteraient plus aucune sécurité, car il faut nécessairement un certain temps à l'adjudicataire pour obtenir la délivrance de la grosse du jugement et opérer la transcription de son titre; l'art. 750 C. pr. civ. lui accorde à cet effet quarantecinq jours. Le tiers à qui le saisi aurait consenti des droits depuis l'adjudication et qui les aurait transcrits avant que l'adjudicataire n'eût lui-même transcrit son titre, évincerait celui-ci qui n'aura le plus souvent aucune négligence à se reprocher. La loi, qui doit toute sa protection à ceux qui ont acquis des biens sous la foi de la justice, n'a certainement pas voulu un semblable résultat, et le saisi n'a pas recouvré la capacité d'aliéner.

? II. Des servitudes.

Nous appliquerons, ici encore, l'art. 686 C. pr. civ., et nous déciderons que le saisi ne peut plus, après la transcription de la saisie, consentir des servitudes sur l'immeuble. L'adjudicataire n'aurait pas à respecter celles constituées depuis cette époque, alors même qu'elles auraient été transcrites avant son titre.

La création d'une servitude, qui n'est, en définitive, qu'un démembrement de la propriété, qu'une vente partielle, doit nécessairement être soumise à toutes les règles des aliénations qui ont fait l'objet du paragraphe précédent. Comme ces dernières, elle ne peut être cons

tituée que par celui qui a la faculté de disposer de la propriété; or, la transcription de la saisie a définitivement enlevé au saisi le droit de compromettre et d'amoindrir la valeur de l'immeuble dont on poursuit l'expropriation; on ne peut donc pas, sans violer et restreindre arbitrairement la portée de l'art. 686 C. pr. civ. dont les termes, aussi généraux que possible, s'ap pliquent à tous les démembrements de la propriété, autoriser le saisi à constituer une servitude sur l'immeuble une fois la saisie transcrite, car ce serait lui permettre d'aliéner partiellement la propriété et c'est ce que la loi n'a pas voulu. L'art. 686 doit donc recevoir une complète application (').

La solution contraire est cependant soutenue; ses partisans reconnaissent au saisi le droit de créer des servitudes sur l'immeuble jusqu'à la transcription du jugement d'adjudication.

2 III. Actions réelles.

Quel que fût le désir du législateur d'entourer l'adjudication de toutes les garanties de stabilité désirables, il ne pouvait sans inconvénient porter atteinte à certains droits que les titulaires ne sont pas obligés de faire connaître. Nous verrons, en effet, que bien des droits réels pourront être opposés aux tiers indépendamment de toute transcription. Les propriétaires de semblables droits, n'étant que difficilement connus de

(1) Garsonnet, IV, § 702; Chauveau et Carré, op. cit., V, 1re part., quest. 2404 quinquies; Boitard, Colmet-Daage et Glasson, II, n. 965 et 995; Seligmann, n, 61; Rodière, HI, p. 305,

ceux qui poursuivent la saisie, ne recevront aucune convocation individuelle pour intervenir dans la saisie et faire valoir leurs droits avant l'adjudication, ils n'auront à se reprocher aucune faute, et l'adjudication sur surenchère sera pour ces motifs impuissante à les purger. II pourra donc se faire que l'adjudicataire soit évincé par suite de certaines actions réelles, que les tiers intenteraient contre lui. Parmi ces actions, nous pouvons citer les actions en nullité, en rescision et en résolution de la propriété du saisi, l'action en revendication du véritable propriétaire qui ne peut être purgée que par la prescription, les actions en révocation pour cause de survenance d'enfant, les actions en révocation pour inexécution des charges de la donation en vertu de laquelle le saisi est devenu propriétaire, etc...

Bien qu'en principe ces actions ne soient pas purgées par l'adjudication, le législateur a cru nécessaire dans certains cas d'y apporter quelques exceptions. Une première exception est faite, pour les adjudications sur expropriation publique, par la loi du 3 mai 1841 qui a confirmé la loi de 1833. D'après l'art. 18 de cette loi, « les actions en résolution, en revendication et toutes autres actions réelles ne pourront arrêter l'expropriation, ni en empêcher l'effet. Le droit des réclamants sera transporté sur le prix et l'immeuble en demeurera affranchi ». On conçoit que la loi ait admis ce principe absolu en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique : la purge des actions réelles se justifie ici par l'intérêt qui est en jeu.

Une deuxième exception est relative à l'action en

résolution du vendeur non payé, qui est également purgée par l'adjudication (1). C'est ce qui résulte de l'art. 717 C. pr. civ. Cette exception n'existe que pour l'action en résolution, on ne peut pas l'étendre aux autres actions réelles; « le paragraphe 2 de l'art. 717, dit M. Seligmann (), est inapplicable aux servitudes, aux droits d'usage et d'habitation réservés sur la propriété, à l'égard desquels subsiste le principe que l'adjudication ne transmet d'autres droits à l'adjudicataire que ceux appartenant au saisi ».

Nous devons cependant faire observer qu'il y a une action réelle principale, l'action en révocation de donation pour cause d'ingratitude, qui serait purgée par la transcription du jugement d'adjudication. Ce résultat se produira lorsque la demande en révocation, qui doit, d'après l'art. 958 C. civ., être mentionnée en marge de la transcription de la donation, ne l'aura pas été ou ne l'aura été qu'après la transcription du jugement d'adjudication. Cette exception au principe géné. ral peut être expliquée par ce fait que l'ingratitude du donataire est un événement que rien ne peut faire prévoir et qui échappe forcément à toute investigation. Exercer cette action contre l'adjudicataire serait donc Jui faire subir les conséquences d'un événement dont rien ne lui signalait l'existence.

(') M. Lherbette, séance de la chambre des députés du 14 janvier 1841, Moniteur du 15, p. 106.

(2) Seligmann, op. cit., p. 187, n. 61.

« PreviousContinue »