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au moyen d'une procédure spéciale, les hypothèques établies sur l'immeuble vendu aux enchères, et à l'imitation du décret forcé, on créa le décret volontaire. « Le » décret volontaire, disait Pothier (procédure civile), » est un décret par lequel l'acquéreur d'un héritage, » pour purger les hypothèques et autres droits réels » créés par ses auteurs, et dont il n'a pas été chargé, » se le fait adjuger sur une saisie réelle fictive qu'il fait » faire de cet héritage ».

Un édit de Louis XV, enregistré en parlement le 17 juin 1771, abrogea le décret volontaire et lui substitua les lettres de ratification dont la procédure était beaucoup plus simple.

Sous le régime du code de procédure, on a également toujours reconnu que les ventes sur saisie transféraient à l'adjudicataire, moyennant le paiement du prix, une propriété libre de toutes les charges hypothécaires révélées par des inscriptions. Mais en 1833, la jurisprudence de la cour de cassation subit un revirement. Jusque là, elle avait admis que le jugement d'adjudication purgeait aussi bien les hypothèques légales dispensées d'inscription et non inscrites que celles qui étaient soumises à la nécessité de l'inscription. Par un arrêt du 22 juin 1833, la cour décide que l'adjudication n'opérait pas la purge des hypothèques légales dispensées d'inscription et que l'adjudicataire ne pouvait les purger qu'en observant les formalités prescrites par les art. 2193 et suiv. du C. civ. en matière de purge volontaire. La cour de cassation invoquait, pour soutenir sa théorie, un motif tiré de l'intention du législa

teur, qui avait nécessairement entendu accorder une faveur spéciale aux femmes, aux mineurs et aux interdits en dispensant d'inscription leur hypothèque légale. Faire produire à l'adjudication l'effet de purger les droits que ces incapables avaient sur l'immeuble saisi, serait manquer le but que la loi s'était proposé d'atteindre. Bien que plus dignes de faveur que tous les autres, ces créanciers auraient été les plus maltraités, puisque, ne recevant aucune notification spéciale dans le cas où ils ne se sont pas inscrits, ils auraient été dépouillés d'un droit qu'ils n'avaient pas été appelés à défendre. La loi se serait donc montrée exceptionnellement dure pour eux, et la protection qu'elle avait voulu leur accorder serait dérisoire et aurait tourné contre

eux.

Lors de la discussion de la loi de 1841, les commissions des deux chambres proposaient de rattacher les incapables à la procédure de saisie par un avertissement que le poursuivant serait chargé de leur adresser; en prenant de telles précautions à l'égard des incapables, il n'y aurait plus eu, dès lors, aucune injustice à ce que la purge de leur hypothèque légale fût produite par le jugement d'adjudication. Le rapporteur s'exprimait en ces termes : « Nous vous proposons de déclarer ici par l'art. 692, que les créanciers, ayant des hypothèques légales dispensées d'inscription, seront sommés, tout aussi bien que les autres, de prendre communication du cahier d'enchères et d'assister à l'adjudication. Après cette formalité exactement accomplie, il n'y aurait pas de raison pour traiter les hypo

thèques indépendantes de l'inscription, autrement que

les autres ».

Mais le projet parut dangereux et ne fut pas adopté. Sous l'empire de la loi de 1841, il resta donc encore vrai que l'adjudication ne purgeait pas les hypothèques dispensées d'inscription et que ces hypothèques ne pouvaient être purgées qu'en se conformant aux art. 2194 s. C. civ. (').

Mais la loi de 1858 est allée plus loin, elle a opéré la réforme que le législateur de 1841 n'avait pas cru devoir faire. Cette loi ajouta à l'art. 717 C. pr. civ., tel qu'il avait été édicté en 1841, un paragraphe final ainsi conçu « Le jugement d'adjudication dûment transcrit purge toutes les hypothèques, et les créanciers n'ont plus d'action que sur le prix. Les créanciers à hypothèques légales qui n'ont pas fait inscrire leur hypothèque avant la transcription du jugement d'adjudication, ne conservent de droit de préférence sur le prix qu'à la condition de produire, avant l'expiration du délai fixé par l'art. 754, dans le cas où l'ordre se règle judiciairement, et de faire valoir leurs droits avant la clôture, si l'ordre se règle amiablement, conformément aux art. 751 et 752 ».

L'article 692 fut également modifié. La loi de 1858 a prescrit que les créanciers à hypothèques occultes doivent être appelés à la vente par la voie de la presse et même par une sommation personnelle, s'ils sont connus du poursuivant. Ces créanciers, ainsi prévenus,

(1) Petit, Traité des surenchères, p. 8 s.

pourront intervenir dans la procédure de saisie et faire au cahier des charges tels dires et observations qu'ils jugeront convenables. «Cette sommation, dit l'art. 692, contiendra, en outre, l'avertissement que, pour conserver les hypothèques légales sur l'immeuble exproprié, il sera nécessaire de les faire inscrire avant la transcription du jugement d'adjudication ».

La loi de 1858, en rattachant les créanciers à hypothèques occultes à la procédure de saisie et en décidant que le jugement d'adjudication dùment transcrit aurait pour effet de purger non seulement les privilèges et hypothèques inscrits, mais encore ceux qui sont dispensés d'inscription, a accompli un réel progrès qui était attendu depuis déjà longtemps. Désormais, les adjudicataires seront certains d'avoir acquis une propriété à l'abri de toute éviction, et ne seront plus soumis à la nécessité de la purge qui entraînait des dépenses la plupart du temps inutiles, dont les créanciers étaient les premiers à souffrir. Aujourd'hui, grâce à la large publicité qui entoure la saisie et qui a pour objet de faire monter l'adjudication au plus haut prix possible, les créanciers peuvent être assurés que le prix obtenu est la représentation de la valeur réelle de l'immeuble. La loi ne pouvait donc leur permettre de surenchérir du dixième; la purge n'aurait eu d'autre résultat que d'augmententer inutilement les frais.

Bien que l'époque à laquelle s'opère la purge des privilèges et hypothèques ressorte clairement de l'art. 717 C. pr. civ. et qu'il semblerait, par suite, qu'aucune difficulté ne pût naître à ce sujet, une vive controverse

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s'est néanmoins élevée sur le point de savoir quel est précisément l'acte qui produit cette purge. Est-ce le jugement d'adjudication ou seulement la transcription de ce jugement?

D'après une première opinion ('), ce serait l'adjudication qui opèrerait la purge et qui transporterait sur le prix le droit des créanciers hypothécaires et privilégiés qui auparavant frappait l'immeuble. L'inscription hypothécaire aurait produit à ce moment son effet légal et ne serait plus soumise à la nécessité du renouvellement. Les partisans de ce système commencent par écarter les mots « dûment transcrit » de l'art. 717 C. pr. civ., que leur oppose l'opinion adverse, et disent qu'ils ne sont relatifs qu'à la purge du droit de préférence et non pas à la purge du droit de suite. La loi aurait donc voulu dire, par cette expression, que les tiers qui auraient acquis des droits du chef du saisi et des précédents propriétaires pourraient les inscrire jusqu'à la transcription du jugement d'adjudication et conserver ainsi leur droit de préférence sur le prix, mais qu'après cette époque, toute inscription serait impossible, et le droit de préférence de ces créanciers, qu'une inscription pouvait seule conserver, serait définitivement perdu pour eux. Il n'y aurait d'exception qu'en faveur des créanciers à hypothèques légales qui conser

(1) Voyez en ce sens Aubry et Rau, III, p. 376, § 280, texte el note 14; Dalmbert, Purge des priv, et hyp., n. 58 et 60; Colmet de Santerre, IX, n. 169 bis, XVIII; Garsonnet, IV, § 709; Grenier, II, n. 493; Laurent, XXXI, n. 131. Chambéry, 12 mai 1869, D., 69. 2. 164. Caen, 9 mai 1871, D., 76. 2. 102. - Toulouse, 1er mars 1889, D., 90. 2. 70.

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