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qu'il faut se placer, mais au moment de la passation de l'acte, les notaires n'étant pas responsables des événements imprévus.

Souvent, du reste, leur responsabilité doit être partagée avec le client, coupable de négligence, ou avec le notaire mandataire. de l'autre partie. La Cour d'Orléans, dans un arrêt du 10 décembre 1875, confirmé par la Cour de cassation, le 20 novembre 1876 (1), a décidé que deux notaires devaient être condamnés solidairement lorsque l'un, mandataire du prêteur, n'a pas vérifié l'état hypothécaire de l'immeuble offert en garantie, et l'autre, mandataire de l'emprunteur, a été complice de son mandant, en dissimulant à son confrère la véritable situation hypothécaire. Certainement, dans l'espèce, les notaires devaient être condamnés l'un et l'autre; mais nous croyons que la condamnation aurait dû être individuelle et partielle et non solidaire et générale. En effet, les deux notaires ne doivent pas les dommagesintérêts au même titre, celui du prêteur, en vertu de l'article 1992, et celui de l'emprunteur, en vertu de l'article 1382, car celui-ci est un tiers vis-à-vis du créancier, ce que son confrère n'est pas : on ne peut donc les considérer comme les auteurs d'un même quasi-délit, consistant en plusieurs faits dont le résultat est indivisible. De plus, le notaire de l'emprunteur traitant avec son collègue est censé traiter avec le prêteur luimême; or, celui-ci est en faute de n'avoir pas examiné l'état hypothécaire; il doit donc supporter une partie du préjudice, sauf son recours contre son notaire, recours de tout mandant contre son mandataire.

Ainsi, d'après l'exemple que nous venons de donner, lorsque la faute n'est pas imputable au notaire seul, il doit en supporter les conséquences avec celui qui a partagé sa faute ou son erreur. C'est un principe général, qui a ici une grande importance et que les tribunaux auront souvent l'occasion d'appliquer.

(1) S. 78, 1, 273.

CONCLUSION

Nous sommes ainsi arrivé à la fin de notre travail. Nous avons vu que le notaire rédacteur de l'acte de prêt hypothécaire est soumis à toutes les règles de la responsabilité notariale proprement dite et qu'il faut appliquer dans tous les cas le tempérament admis par l'article 68 de la loi de Ventôse.

Nous avons vu que le notaire, lorsqu'il conseille ou lorsqu'il accepte un mandat, agit en dehors de ces mêmes fonctions et que le droit commun doit lui être en tous points applicable.

Les prêteurs sur hypothèque sont largement protégés, et si les valeurs mobilières ou immobilières courent de grands risques, l'obligation hypothécaire est une opération de grand repos.

Aussi la jurisprudence ne doit-elle pas recourir à une responsabilité exagérée contre les notaires. Qu'elle s'en tienne exclusi vement aux textes limitatifs de la responsabilité, et que jamais elle ne confonde les obligations morales avec les devoirs professionnels. « Il n'est pas bon de pousser à l'excès la responsabilité des notaires, a dit Troplong (Commentaires sur le mandat, no 26), et il ne faut pas environner de trop de périls leurs fonctions déjà si délicates et si difficiles. >>

D'un autre côté, les notaires ne doivent pas oublier qu'ils ne sont pas des agents d'affaires et que leur devoir principal est d'agir toujours avec l'honnêteté la plus exacte et la plus scrupuleuse. Qu'ils suivent les conseils des Romains, et la plupart des

difficultés qu'ils rencontrent dans leur carrière se trouveront aplanies Melius pauca agere caute, quam multi interesse periculose. Il est plus sage de n'embrasser qu'un petit nombre d'affaires sûrement, que de se livrer à un plus grand nombre en s'exposant. (Nov. 44, De tabellionibus, chap. 1, § 3.)

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