Page images
PDF
EPUB

la solidarité, à moins que le propriétaire n'en ait fait la stipulation expresse. Mais les locataires, nantis de baux antérieurs, resteront-ils tenus de la réparation intégrale du dommage d'in cendie, ou bien leur responsabilité sera-t-elle diminuée de la part des locataires nouveaux non soumis à la solidarité?

181. Il n'est pas douteux, disent MM. Richard et Maucorps ('), que les locataires dont les baux ont une date antérieure à la promulgation de la nouvelle loi seront tenus solidairement de la réparation du dommage d'incendie; les nouveaux locataires ne seront au contraire responsables que proportionnellement à la valeur locative des locaux qu'ils occupent. Et ils ajoutent que le locataire, qui aura payé le tout, sur les poursuites du propriétaire, pourra exercer un recours contre ses colocataires, sous déduction de la part à la charge de ceux qui ne sont pas tenus solidairement.

Il y a contradiction évidente à donner au propriétaire une action solidaire contre un locataire et à n'accorder à celui-ci qu'une action restreinte contre les autres locataires.

182. A notre avis, lorsqu'il y a concours de locataires nantis de baux antérieurs et postérieurs à la nouvelle loi, il faut combiner le principe de non rétroactivité avec les règles ordinaires de la solidarité. Or, ne peut-on pas dire qu'en acceptant un nouveau locataire sans rien stipuler au sujet de la solidarité, le propriétaire est censé renoncer à la solidarité à l'égard de ce débiteur et ne conserve son action solidaire contre les autres locataires que sous déduction de la part de celui qu'il a déchargé de la solidarité? Cette solution nous paraît ressortir des art. 1210 et 1211 C. civ. Un moyen s'offre au propriétaire pour conserver le bénéfice entier de la solidarité. Il peut astreindre son nouveau locataire à la solidarité de l'ancien art. 1734,

(1) Traité de la responsabilité civile en matière d'incendie, n. 568 s.

marquant ainsi sa volonté de réserver tous ses droits contre les autres locataires. En résumé, donc, la loi de 1883 n'a pas d'effet rétroactif. Mais le jeu des principes de la solidarité a rendu le nouvel art. 1734 partiellement applicable dès que, postérieurement à cette loi, un nouveau locataire est venu habiter un immeuble occupé par d'autres locataires soumis au régime du code.

183. Nous ne saurions nous dissimuler que dans l'esprit des auteurs de la réforme de 1883, la loi nouvelle devait avoir effet rétroactif. Chacun s'était élevé contre la disposition injuste et illogique de l'ancien art. 1734 qu'il fallait au plus tôt rayer du code. Mais l'interprète n'est point juge des intentions non exprimées et, à défaut de mesures transitoires, il doit se référer au droit commun qui est consigné dans l'art. 2 C. civ.

184. Nous ferons cependant une exception, dans la loi de 1883, au principe de non rétroactivité. Malgré l'opinion divergente de la jurisprudence, nous n'en continuous pas moins à assigner à cette loi un double effet: 1° suppression de la solidarité au cas de pluralité de locataires; 2° interprétation implicite de l'art. 1733.

A notre sentiment, la responsabilité du locataire dérive uniquement du contrat. La présomption de faute délictuelle est écartée, et la loi, étant sur ce point interprétative, doit avoir effet rétroactif. Elle s'applique aux contrats en cours à sa promulgation. Les dommages-intérêts du locataire ne devront donc pas dépasser la valeur de l'objet du contrat. Nous aurions déjà formulé cette conséquence sous l'empire du code civil. Elle s'impose maintenant à ceux qui s'inspirant de la présomption de faute aquilienne, étendaient la responsabilité du preneur à toutes les suites du sinistre.

TROISIÈME PARTIE

CHAPITRE PREMIER

L'ASSURANCE DU RISQUE LOCATIF

SECTION PREMIÈRE

GÉNÉRALITÉS. APPLICATION DE L'ASSURANCE A LA RESPONSABILITÉ

DU LOCATAIRE

185. Il ne nous appartient pas de nous occuper de l'assurance au point de vue économique. Elle est, sous la forme anonyme ou mutuelle, l'expression du principe de solidarité sociale, Nous n'envisagerous même que cette convention spéciale d'assurance qui, s'adaptant à la responsabilité du locataire envers le propriétaire, prend le nom d'assurance du risque locatif.

Le contrat d'assurance terrestre n'a paru que postérieure-ment au code civil. Il n'est régi par aucune loi positive, mais les compagnies d'assurances les plus importantes, réunies en syndicats, y ont suppléé en adoptant des polices à peu près identiques qui ont subi l'épreuve de la jurisprudence. Quelque, confus et épars que soient les éléments d'une législation ainsi constituée, il est cependant possible d'en fixer les principes directeurs.

186. Dans le contrat d'assurance contre l'incendie, l'assureur le plus ordinairement une compagnie s'engage,

-

DE L.

[ocr errors]

9

moyennant une somme fixe ou variable [prime ou cotisation], à couvrir l'assuré des pertes d'incendie. C'est un contrat d'indemnité et, à ce titre, il ne s'étend qu'aux pertes matérielles qui sont la conséquence directe de l'incendie. Le dommage d'incendie comprend : 1o la valeur vénale des objets incendiés; 2o les dégâts et frais de sauvetage.

« Les bâtiments, y compris les caves et fondations, mais >> abstraction faite de la valeur du sol, et les objets mobiliers » sont estimés d'après leur valeur vénale au jour du sinistre » (art. 27, Police des Assurances générales).

Il ne faudrait point cependant limiter la responsabilité de l'assureur aux seuls objets atteints directement par le feu. Il est juste de l'étendre aux constructions et objets avariés ou détruits par des mesures prescrites par l'autorité. Les compaguies, au reste, n'ont pas osé établir une différence qui eût été plus que subtile entre le cas où l'immeuble assuré est conconsumé par le feu et celui où il est démoli pour empêcher la communication et l'extension de l'incendie. Une semblable clause eût été contraire à l'ordre public.

En outre de ces dégâts qui proviennent immédiatement du sinistre, les compagnies couvrent aussi les frais de sauvetage. L'on appelle sauvetage tout ce qui, dans l'immeuble incendié, a pu être soustrait à l'action du feu, et, par suite, les frais de sauvetage seront les frais que l'on aura faits pour conserver ces objets. Il est de l'intérêt bien compris de l'assureur de récompenser les efforts que l'assuré aura mis à enlever et à préserver les objets menacés par l'incendie pour augmenter le sauvetage et diminuer par suite l'indemnité qu'il aura à payer.

Mais là s'arrête la responsabilité de l'assureur qui, en aucun cas, ne prend à sa charge le gain manqué par la privation de la jouissance et des loyers de l'immeuble incendié. Les compagnies apportent ces restrictions à leur responsabilité, afin de

« PreviousContinue »