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la traversée, les facilités données par la configuration des lignes de la côte aux boutres indigènes, pratiquant la traite, et l'abus par les trafiquants d'esclaves de la protection des pavillons européens contribuent à neutraliser dans une grande mesure les efforts des croi

seurs.

« Les traités conclus en 1873 par le Gouvernement de la Reine avec l'Hadramaut et l'Oman, en décourageant la traite, ont eu un effet salutaire, et le golfe Persique n'est plus le marché sûr d'autrefois.

«Dans le territoire du Sultan de Zanzibar, l'action du Gouvernement de Sa Majesté, dans la même année (1873), avait porté un coup formidable à une exportation qui se chiffrait alors de vingt mille à trente mille âmes par an, et avait réduit ce commerce, á un moment donné, à un précaire trafic de contrebande avec les îles adjacentes de la

côte.

Mais, dans les dernières années, la puissance croissante et l'extension des opérations des esclavagistes arabes, dont les terribles ravages ont été si puissamment dépeints par le cardinal Lavigerie et par les explorateurs africains, ont donné une nouvelle impulsion à ce trafic. C'est par les ports de la côte zanzibarite que les esclaves sont dirigés partiellement sur l'Arabie et le golfe Persique, mais principalement sur Madagascar et les autres îles. De la côte de Mozambique vers ces mêmes îles, il y a toujours une certaine exportation, particulièrement difficile à arrêter à cause de la configuration de la côte; les nombreuses criques inexplorées se prêtent au recèlement des négriers, tandis que les vents et courants de ses eaux rendent une surveillance constante de la part des croiseurs extrêmement difficile.

« Au sud de Mozambique et tout le long de la côte occidentale d'Afrique, l'exportation d'esclaves heureusement n'existe plus.

« Cet aperçu de l'état de la traite maritime et des marchés qu'elle approvisionne, en rendant compte des grandes difficultés que l'on éprouve à déblayer les mers de ce trafic abominable, démontre, cependant, qu'il s'exerce dans un rayon limité. La conscience éveillée de l'Europe et le changement dans la situation politique sur la côte africaine permettent d'espérer une action unie de la part des Puissances pour extirper la traite, et tout spécialement des Puissances qui sont responsables du contrôle de la côte par où se fait le commerce d'exportation et d'importation des esclaves.

« Les Congrès de Vienne et de Vérone ont enregistré des principes généraux; la Conférence de Berlin reconnaît et applique ces principes aux territoires formant le bassin conventionnel du Congo. Les Puissances se sont ainsi formellement engagées quant aux principes, et l'objet de la Conférence actuelle, tel que le Gouvernement de la Reine le comprend, est de concerter des mesures efficaces pour mettre en pratique ces principes et pour substituer une action collective à l'action individuelle.

<< Par les termes mêmes de l'invitation à la Conférence, toute latitude est laissée aux Plénipotentiaires pour suggérer quelles devraient être les mesures pratiques à prendre. Selon l'avis du Gouvernement de la Reine, la suppression de la traite maritime est l'objet sur lequel les efforts de la Conférence devraient porter en premier licu, vu qu'il est plus dans la limite de son pouvoir. Il y aurait moyen, peut-être, d'arriver à une entente internationale unanime, laquelle, tout en respectant les droits et les intérêts des Puissances non encore liées par des traités, pourrait incorporer et même amplifier les provisions des traités existants auxquels elle pourrait même être substituée.

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La limitation actuelle de la traite maritime au rayon compris entre la mer Rouge, le golfe Persique et la côte africaine vers le sud jusqu'à l'île de Madagascar, facilitera proba

blement les travaux de la Conférence, et lui permettra de concentrer son attention sur celte zone. Dans ces limites, on devrait s'entendre pour agir en commun contre les négriers trafiquant sur les deux rives de la mer Rouge et sur la côte vers le sud; pour infliger une peine suffisante à toute personne, à quelque nationalité qu'elle appartienne, saisie dans l'acte de pratiquer ce trafic criminel; pour trouver les moyens effectifs de découvrir et de punir les marchands d'esclaves ou leurs complices et de créer des tribunaux compétents les juger; pour faire libérer les esclaves, ou importés, ou saisis en transit; et, enfin, pour adopter un système rendant impossible à un marchand d'esclaves d'obtenir, pour la protection de son commerce illicite, l'enregistrement sous le pavillon d'aucune des Puissances.

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« L'abolition de tous les marchés où sont mis en vente les esclaves importés par voie de mer est aussi un point très important méritant la sérieuse considération de la Conférence. La suppression de ces débouchés ne pourrait manquer de porter un coup mortel à ces chasses à l'homme dans l'intérieur du pays, donnant lieu à tant d'atrocités et sacrifices de

vies.

« Vu l'effet du commerce des spiritueux et des armes et munitions de guerre sur la condition sociale des indigènes d'Afrique, et ainsi indirectement sur la traite, il serait probablement désirable que la Conférence portât son attention snr les restrictions à porter à

ce commerce.

Tels sont, en général, dans l'opinion du Gouvernement de la Reine, les points touchant la traite qui demandent à être discutés par la Conférence afin d'en trouver une solution pratique.

« Il a été enjoint aux représentants de Sa Majesté de prêter un concours cordial à toute mesure, laquelle, tout en assurant ces buts, se recommanderait en même temps à l'approbation et à la sanction des puissances représentées à la Conférence. »

M. DE MACEDO demande que le discours de Lord Vivian soit imprimé et distribué. Il présente, au nom de son Gouvernement, un mémoire concernant l'abolition de l'esclavage et de la traite des noirs sur le territoire portugais.

Cet exposé historique met en relief l'action du Portugal en ce qui touche les problèmes dont la Conférence aura à s'occuper. M. de Macedo demande que le mémoire dont il s'agit fasse partie du Protocole de la séance. Son Excellence communique en même temps un autre travail sur les anciennes missions catholiques du Portugal au Zambèzc. M. de Macedo ajoute qu'il sera en mesure d'offrir dans quelques jours à ses collègues un ensemble d'ouvrages, de rapports et de cartes, qui sont de nature à faire connaître également l'action civilisatrice du Portugal en Afrique. Ces documents pourraient être tenus à la disposition des membres du Congrès et déposés à la bibliothèque du Ministère des Affaires Étrangères. Son Excellence espère que la Conférence voudra bien en agréer l'hommage.

M. LE PRÉSIDENT dit que le discours de Lord Vivian figurera au Protocole de la séance comme les paroles de M. le Plénipotentiaire de Portugal.

Quant au premier mémoire présenté par M. de Macedo, M. le Président est d'avis que la Conférence ne fera pas d'objection à ce qu'il soit annexé au Protocole, comme il est d'usage pour les pièces de cette espèce. Les autres documents mentionnés par M. de Macedo seront mis à la disposition des membres de la Conférence.

M. DE MARTENS estime qu'il est difficile de discuter immédiatement les propositions qui n'auraient pas été soumises à l'Assemblée à l'avance et par écrit.

D'après M. DE MACEDO, il serait opportun d'adopter l'usage suivi dans les Assemblées parlementaires; les propositions proprement dites ne seraient discutées qu'après avoir été imprimées et distribuées à tous les membres de la Conférence.

Cette règle, ainsi que le fait observer M. le Président, est également de style dans toutes les réunions diplomatiques. Elle est adoptée par la Conférence.

M. LE PRÉSIDENT pense que le moment est venu de se mettre d'accord sur la marche des travaux de la Conférence.

Il juge superflu de reprendre l'historique, déjà présenté en partie, de la question de la suppression de la traite des nègres. Depuis le commencement du siècle, plusieurs Congrès ont formulé à cet égard des déclarations solennelles, mais dépourvues de sanction; un grand nombre de traités ont été conclus ensuite.

Trois faits se dégagent de cet historique.

La côte occidentale d'Afrique a été l'objet d'une surveillance énergiquement poursuivie. Les marchés américains se sont successivement fermés.

La traite, ainsi combattue et mise en échec, disparaît à la côte occidentale et reflue vers le centre de l'Afrique et dans d'autres directions.

Il s'agit aujourd'hui de rechercher quelles sont les mesures qu'on pourrait prendre contre ce fléau dans les régions qu'il ravage encore, en faisant ainsi produire tous ses effets à l'engagement consacré par l'Acte général de la Conférence de Berlin.

Avant de se décider à entrer dans de nouveaux arrangements, il est rationnel de se rendre compte de ceux qui ont déjà été conclus et qui, en partie tout au moins, subsistent

encore.

Désireux de faciliter les travaux de la Conférence, les Plénipotentiaires belges ont fait dresser un aperçu des dispositions du droit international en la matière, sous la forme d'un exposé méthodique qui sera mis dès aujourd'hui à la disposition des membres de la Conférence.

Mais c'était le travail le plus facile. Il importe, en outre, d'examiner l'état présent de la traite, de rechercher quels sont ses foyers, son caractère, ses proportions dans les lieux où elle prend naissance. On a dépouillé dans ce but un grand nombre d'ouvrages, de documents, de relations.

Après avoir essayé de caractériser ainsi la traite dans ses foyers, on a été logiquement amené à rechercher les voies qu'elle emprunte pour s'écouler. Les voies terrestres sont moins bien connues que les voies maritimes; on s'est efforcé de projeter le plus de jour possible sur les unes et les autres.

En troisième lieu, on a voulu suivre, de la même manière, la traite jusque dans ses pays de destination.

L'ensemble de ces renseignements a été réuni en un volume qui est soumis également à la Conférence. Afin d'en faciliter l'examen, on a coordonné et résumé ces extraits dans un court exposé méthodique qui forme l'introduction.

Ce travail a conduit à penser que la même ordonnance pourrait être appliquée à l'œuvre qu'entreprend la Conférence.

Ne serait-il pas opportun de se demander tout d'abord ce qu'il y aurait lieu de faire pour supprimer la traite dans ses foyers?

Cette partie du problème a été rarement étudiée jusqu'ici. Les documents distribués par l'État Indépendant du Congo contribueront sans doute à jeter sur ce point quelque

lumière.

Quant aux voies qu'emprunte la traite, ne pourrait-on pas trouver les moyens efficaces de les couper; n'y aurait-il aucune mesure nouvelle à prendre pour atteindre ce but?

La question maritime offre des aspects particuliers, de nature peut-être à provoquer certaines ententes. Déjà M. le premier Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne a cru devoir en entretenir la Conférence.

Enfin on peut se demander si, en ce qui regarde les pays situés au delà des mers d'Afrique, il ne serait pas possible de compléter les traités ou d'indiquer certains perfectionnements aux lois qui y ont été portées déjà avec une bonne volonté si évidente.

La Conférence estimera peut-être que cette distribution de ses travaux serait la plus logique et la plus simple. L'adoption d'un plan semblable n'entraîne d'ailleurs aucun engagement sur les dispositions qui pourraient éventuellement être prises. Chacun des Plénipotentiaires conservera à cet égard, il va de soi, la liberté la plus entière.

Personne, certes, ne se ferait l'illusion de croire qu'on arriverait d'emblée à faire disparaître la traite. En supposant que la Conférence réussisse à s'entendre sur les mesures propres à l'atteindre dans ses foyers, dans ses voies, dans ses lieux de destination, on aurait certainement fait un pas important vers la solution d'un problème si compliqué. Personne n'ignore qu'il est des parties de l'Afrique dont l'accès est aujourd'hui difficile et parfois même impossible. Mais ce serait à la fois un grand honneur pour la Conférence et un grand bien pour l'humanité si, en groupant les résultats obtenus dans ces divers champs d'action, on parvenait à opposer, dans une direction nouvelle, une barrière aux envahissements du fléau.

La Conférence trouvera bon, sans doute, de commencer par l'un des points qui viennent d'être signalés. L'examen des mesures à prendre dans les lieux où la traite a ses foyers s'indique naturellement comme la conséquence de la division qui a été tracée.

Lord Vivian n'insistant pas pour aborder les questions maritimes en premier lieu et aucune objection n'étant produite, M. le Président conclut que l'assentiment de la Conférence est acquis à sa proposition.

M. LE PRÉSIDENT fait ensuite le dépôt sur le bureau des documents dont il a été parlé dans son discours. Ces documents seront distribués à MM. les Plénipotentiaires et Délégués à l'issue de la séance.

LORD VIVIAN, de son côté, dépose sur le bureau une liste des conventions internationales relatives à la traite, liste qui a été dressée par le Foreign Office. Il met également à la disposition de la Conférence plusieurs Blue Books.

CARATHÉODORY EFENDY fait des réserves formelles sur les points relatifs au discours de Lord Vivian.

Il reste entendu que M. le Plénipotentiaire de Turquie pourra, s'il le juge nécessaire, formuler ses réserves lorsque le Protocole contenant le discours dont il s'agit aura été distribué.

Conformément aux traditions suivies par d'autres Congrès, il est décidé qu'une Commission sera choisie au sein de la Conférence, et chargée de l'examen préparatoire de la première question mise à l'ordre du jour, à savoir les mesures qui pourraient être adoptées en ce qui concerne la traite à ses foyers.

Sont désignés pour faire partie de la Commission MM. les Plénipotentiaires :

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Il a été entendu que les autres Plénipotentiaires auront toujours la faculté d'assister aux débats de la Commission et d'y prendre part. Les Délégués seront également appelés à y siéger.

La question de savoir s'il est nécessaire de constituer une ou plusieurs autres Commissions qui travailleraient simultanément ou successivement sur des objets différents, donne lieu à un échange d'observations et reste réservée.

La Commission se réunira le jeudi, 21 novembre, à 2 heures.
La séance est levée à 4 heures.

Alvensleben, Dr ARENDT, R. KHevenhüller, LaMBERMONT, E. BANNING, SCHACK DE
BROCKDORFF, J.-G. DE AGUERA, Edm. VAN EETVELDE, Edwin H. TERRELL,
A. Bourée, G. COGORDAN, VIVIAN, John Kirk, F. de ReNZIS, L. GERICKE,
NAZARE AGA, H. DE MACEDO, MARTENS, BURENSTAM, Et. CARATHÉODORY.

Certifié conforme à l'original :

L. ARENDT, Martin GOSSELIN, Comte Pierre VAN DER STRATEN PONTHOZ, Ch. SEEGER,
Comte André DE ROBIANO.

ANNEXE AU PROTOCOLE No II.

MINISTÈRE DE LA MARINE ET DES COLONIES DE PORTUGAL.

Mémoire sur l'abolition de l'esclavage et de la traite des noirs sur le territoire portugais.

INTRODUCTION.

Lorsqu'il s'agit de sujets historiques et de faits positifs, il n'y a rien à inventer; la narration fantaisiste n'est pas même admissible. La mission du chroniqueur doit se limiter à résumer ces faits, à les coordonner et à les présenter sous la forme la plus claire, la plus vraie et la plus convenable, entièrement en accord avec l'idée qui préside à ce travail et qui le détermine.

Nous n'avons donc pas la prétention de vouloir présenter dans ce mémoire une matière nouvelle. Nous avons voulu seulement rédiger une notice résumée de ce qui est déjà écrit et répandu sur

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