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Après un échange d'observations entre plusieurs membres, il est entendu qu'on insérera dans l'article c les mots : au soixantième jour à partir de celui où aura été dressé le Protocole de dépôt.

La Conférence reprend ensuite l'examen de la proposition relative à l'établissement d'un droit d'entrée dans le bassin du Congo.

M. TERRELL donne lecture de la déclaration suivante :

« Les Plénipotentiaires des États-Unis d'Amérique demandent à exprimer toute leur reconnaissance pour la courtoisie que l'honorable Président et Messieurs les Plénipotentiaires leur ont témoignée, en les autorisant à attendre les instructions spéciales de leur Gouvernement touchant la proposition relative aux droits d'entrée dans le bassin conventionnel du Congo.

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Avant de développer ces instructions, permettez-moi d'insister, une fois de plus, sur la position que les États-Unis ont prise en ce qui concerne la question de la répression du trafic des boissons alcooliques.

■ Notre Gouvernement considère cette question comme étant d'importance capitale, intimement liée à la grande œuvre de l'abolition de la traite, dont, à son avis, ce trafic constitue le plus dangereux facteur.

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C'est sous l'empire de cette opinion qu'il nous charge d'insister vivement, afin que efforts de la Conférence pour restreindre efficacement ce commerce inique et démoralisant ne se bornent pas à prohiber l'entrée et la vente des spiritueux dans les parties de la zone non encore atteintes par son influence délétère, mais qu'ils tendent à frapper les alcools d'un droit suffisamment élevé pour réprimer, voire même détruire, le trafic dans les régions où il a déjà pénétré. C'est pour atteindre ce résultat que le Gouvernement des États-Unis a déclaré renoncer à ses droits pour la libre entrée des spiritueux, espérant ainsi amener, par des mesures répressives efficaces, la destruction complète du principal facteur de la traite des esclaves. Cependant, après un examen attentif du projet, tel qu'il est formulé au chapitre VI et tel qu'il a été approuvé par la Conférence, les États-Unis sont très désappointés d'avoir à constater que la mesure préconisée est, à leur avis, tout à fait insuffisante. La taxe sur laquelle l'accord s'est établi finalement est d'importance si minime, qu'elle n'aura point d'effet appréciable sur la répression du trafic, mais garantira plutôt sa permanence et constituera tout uniment une source de revenu. Dans ces conditions, ces droits ne sont point acceptables, car, dans l'opinion de notre Gouvernement, ils constitueraient un stimulant pour les Gouvernements intéressés à encourager le commerce des spiritueux.

« Prescrire la prohibition absolue de l'entrée et de la vente des spiritueux dans la partie centrale de la zone, quoiqu'un acte fort recommandable pour sa sagesse, en tant que visant l'avenir, n'est point frapper un abus existant.

« Pour les régions où l'abus existe et devrait être vigoureusement combattu, nous n'avons adopté que des mesures totalement impuissantes à amener une répression efficace.

« Dans un autre ordre d'idées, nous désirons attirer l'attention de la Conférence sur le fait que la République de Libéria est située dans la zone où les mesures restrictives concernant les spiritueux seront appliquées, ou tout au moins où il serait désirable de les appliquer.

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<< Cette République fut établie, nous ne l'ignorons pas, sous l'influence puissante de la Société de colonisation des États-Unis, dans l'intention manifeste d'aider à améliorer la condition sociale des noirs et d'ouvrir un refuge salutaire, où les esclaves affranchis trouveraient des moyens d'existence au milieu de colons américains d'origine africaine.

« Il est donc hautement désirable que cet État indépendant, habité et dirigé par des citoyens de couleur, soit amené à coopérer d'une façon effective à la réalisation des mesures répressives préconisées par la Conférence. Aussi, les États-Unis d'Amérique expriment-ils le vœu que l'Acte général contienne une stipulation expresse, portant que cette République sera invitée, comme Puissance souveraine, à donner son adhésion au Traité. Afin que les mesures répressives puissent être adoptées et exécutées uniformément sur la côte entière de la zone, et afin que toutes les nations indépendantes composées d'indigènes puissent coopérer à la grande œuvre que nous poursuivons, nous sommes chargés de demander à la Conférence de reconnaître formellement la condition libre et indépendante de la République de Libéria et, par là-même, sa capacité souveraine de devenir une Partie contractante. « Le Président des États-Unis exprime le désir qu'une entente amicable et complète intervienne à ce sujet entre les Puissances ici représentées.

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S'il peut être déféré à ces vœux, et si les droits sur les spiritueux sont sérieusement augmentés de manière à ne pouvoir être considérés comme de nature à encourager le trafic nos instructions spéciales disent le Gouvernement des États-Unis entrera en que négociations coïncidentes avec l'État du Congo, c'est-à-dire en dehors de cette Conférence, pour établir un tarif assurant un revenu légitime et stipulant les droits commerciaux d'usage.

« Dans l'opinion de notre Gouvernement, des droits uniformes ad valorem sont préférables pour l'établissement du tarif dont il s'agit. »

M. LE PRÉSIDENT constate avec satisfaction que la communication que vient de faire M. le Ministre des États-Unis témoigne des dispositions favorables de son Gouvernement quant à l'établissement, moyennant certaines conditions, d'un droit d'entrée au Congo.

M. VAN MALDEGHEM s'exprime ensuite en ces termes :

« Dans la séance du 2 juin, les Représentants de l'État Indépendant du Congo se sont attachés à exposer à la Conférence, avec une franchise absolue, les motifs pour lesquels ils considèrent l'établissement de certains droits d'entrée comme un des moyens les plus efficaces de procurer à l'État Indépendant les ressources qui lui sont indispensables pour assurer sa complète et sérieuse coopération à l'œuvre que nous poursuivons.

« Le Gouvernement de Sa Majesté le Roi des Pays-Bas, dans la déclaration que vous a faite avant-hier Son Excellence M. le Baron Gericke de Herwynen, reconnait que l'exécution des obligations que nous imposera l'Acte général pour la répression de la traite entraînera pour nous des charges considérables.

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« Mais alors que nos obligations existent dès aujourd'hui, impérieuses et pressantes, alors que la traite sévit et que l'humanité souffre, le Gouvernement des Pays-Bas nous propose renvoyer à un examen ultérieur la recherche des éléments d'un problème de la solution immédiate duquel dépendent chaque jour tant d'existences humaines.

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• Nous considérons comme un devoir de courtoisie à l'égard d'un Gouvernement ami et

à l'égard de la personnalité éminente de celui qui le représente dans cette enceinte, de dire pourquoi cette proposition nous paraît inacceptable.

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« Messieurs, l'article Iv de l'Acte de Berlin n'impose qu'une limite unique à la faculté que nous puisons dans notre droit de souveraineté d'établir dans nos territoires telles taxes que nous jugeons convenables. « Les marchandises importées dans ces territoires sont affranchies de droits d'entrée et de transit. Mais en dehors de cette restriction, dont l'existence au surplus ne doit pas s'étendre au delà d'une période de vingt années, nous jouissons de la liberté absolue de choisir, parmi les impôts de toute nature, ceux dont l'établissement nous

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paraît répondre le mieux aux nécessités de notre situation et au but gouvernemental que nous poursuivons. La Conférence n'a donc à délibérer, ne peut avoir à délibérer que sur cette unique question. Y a-t-il lieu de déroger, et en quelle mesure, au régime de liberté commerciale qui régit l'État du Congo à raison d'arrangements antérieurs? Si nous croyons pouvoir élargir le terrain de cette discussion, c'est uniquement par le motif que nous n'avons rien à cacher à la Conférence et que nous considérons comme un devoir d'honnêteté de lui fournir, au sujet de notre situation, les explications les plus complètes.

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Messieurs, la déclaration de M. le Plénipotentiaire néerlandais nous demande de produire à la Conférence l'évaluation des dépenses auxquelles nous croyons avoir à faire face pour remplir les obligations que l'Acte général nous impose. Rien ne serait plus difficile que d'établir, dès à présent, ce budget de la guerre contre la traite que l'on nous demande de vous apporter. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la charge sera pesante et en dehors de toute proportion avec nos ressources actuelles. Ce que nous pouvons ajouter c'est que par l'effet même de l'Acte général, la traite, selon l'observation si juste de M. Wissmann, sera refoulée de la côte vers l'intérieur, c'est-à-dire sur nos territoires, et que nos devoirs croîtront avec l'augmentation de nos difficultés.

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Or, quelles sont nos ressources au moment d'engager cette lutte avec la traite? Aujourd'hui déjà nos dépenses dépassent annuellement 3 millions de francs, alors que nos recettes, bien que progressant chaque année, ne dépassent pas encore quelques centaines de mille francs. C'est dans ces conditions que nous aurons à faire face à la création de trois camps, composés chacun de plusieurs centaines d'hommes, camps dont l'établissement nous paraît indispensable pour imposer une digue aux envahissements de la traite. Il faudra, en outre, établir des croisières dans les eaux intérieures et relier nos postes par des bateaux à vapeur auxquels viendront s'ajouter ceux que nécessitera la garde des lacs.

« N'est-il pas évident, pour peu que l'on connaisse les choses d'Afrique, que les ressources que nous fournissent actuellement nos territoires sont insuffisantes, et de beaucoup, pour la création et l'entretien d'un seul de ces camps?

« Dans la note annexée à sa déclaration, M. le Ministre des Pays-Bas émet cet avis que les droits d'entrée soulèveraient des objections de la part du commerce et qu'il vaudrait mieux demander au relèvement des droits de sortie les ressources qui nous sont nécessaires. Nous avons d'avance répondu à cette manière de voir dans notre déclaration du 2 juin. Nous continuons à croire que les droits d'entrée sont sans danger pour les intérêts du commerce, et l'on voudra sans doute bien reconnaître que nous sommes les premiers intéressés en cette matière. Pourrait-il entrer dans notre pensée de troubler le commerce et de tarir dans sa source l'élément principal de notre future prospérité?

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Nos espérances, sous ce rapport, reposent tout entières sur notre développement économique, par l'agriculture, l'industrie et l'exploitation de nos richesses naturelles. La note néerlandaise signale les progrès remarquables que le commerce a faits récemment dans le Haut-Congo, et, par une contradiction difficile à expliquer, ce sont les produits de cette contrée qu'on nous conseille surtout de frapper. Pour que les espérances que nous fondons sur l'augmentation du trafic dans le Haut-Congo se réalisent, il importe de ne pas le grever de charges trop pesantes et de ne pas demander nos ressources exclusivement aux droits de sortie. Au surplus, Messieurs, ce qui raffermit notre conviction, ce qui nous donne l'assurance que les droits d'entrée ne présentent pas le caractère dangereux que la déclaration néerlandaise leur attribue, c'est que nous ne sommes pas seuls de notre avis.

« A côté de nous d'autres Puissances, l'Allemagne, l'Angleterre, la France, l'Italie, le Portugal, dont les possessions composent avec les nôtres le bassin conventionnel du Congo,

n'hésitent pas à adhérer à la proposition dont vous êtes saisis et à lui réserver leur plus chaleureux appui. On ne peut admettre que toutes se tromperaient sur leurs vrais intérêts économiques. Qui s'imaginera que libres, comme nous, de demander leurs revenus à toutes les sources de l'impôt, elles iraient précisément choisir la seule taxe dont l'application soit actuellement interdite?

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« Et derrière ces Puissances, toute l'Europe, il y a quelques jours à peine, appuyait notre manière de voir avec une cordialité pour laquelle nous ne saurions trop vivement manifester notre gratitude. De sorte que nous nous trouvons en présence, d'une part, de l'Europe presque entière, ayant reconnu et consacré par son approbation la légimité de la demande que nous avons faite afin de pouvoir nous associer à l'œuvre humanitaire qu'elle poursuit, et, de l'autre, d'une Puissance défendant des intérêts, très respectables sans doute, mais n'ayant à se charger d'aucune des responsabilités redoutables dont la préoccupation nous assiège en ce moment.

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« A la Conférence de Berlin, l'établissement de droits de sortie n'a été préconisé que comme une mesure transitoire. Un délégué, dont la compétence assurément ne sera pas contestée, prit soin de faire observer qu'il ne serait ni juste, ni équitable de faire peser les taxes douanières sur la seule exportation, quand les régions de l'Afrique centrale seraient transformées. L'heure de cette transformation n'a-t-elle pas sonné, plus tôt peut-être que M. Woerman ne le prévoyait lorsqu'il la plaçait au bout d'un terme de dix à vingt ans sculement? Et faut-il passer à côté du fait, parce qu'il se produit plus rapidement qu'on ne l'espérait? Au surplus, les taxes d'exportation ne sauraient atteindre qu'un nombre infime de produits, et parmi ceux-ci il en est bien peu qu'il paraisse opportun de frapper plus fort.

Comment nos huiles de palme, par exemple, pourraient-elles lutter sur les marchés européens avec les produits similaires d'autre provenance, si nous les grevions de droits d'exportation trop élevés? Ces droits, enfin, paraissent condamnés par la science économique; ils ont été abandonnés par la plupart des États, et le Gouvernement néerlandais lui-même nous a donné un enseignement bien remarquable lorsque, par une décision qui remonte à 1886, il les a abaissés et a diminué le nombre des articles frappés à la sortie à Java, la plus importante de ses colonies.

« Par contre, les droits d'entrée que nous voyons établis presque partout en Afrique empêchent-ils les transactions quand ils restent modérés? Tous ceux qui ont quelque connaissance des affaires d'Afrique savent qu'à la côte occidentale les marchandises de provenance européenne sont vendues aux indigènes à 100 p. 0/0, 200 p. 0/0, 300 p. o/o d'augmentation sur les prix d'Europe, selon les points plus ou moins éloignés où ces marchandises.

sont mises en vente.

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Quelle influence un droit d'entrée de 8 à 10 p. 0/0 exercera-t-il dans de telles conditions sur le commerce? C'est à peine si le consommateur, qui en définitive l'acquittera comme toujours, c'est à peine, dis-je, s'il s'en apercevra. Ils seraient vexatoires, dit-on, pour le commerce, et leur perception entraînerait une foule de formalités coûteuses et désagréables. La liberté du transit elle-même serait compromise.

« La note néerlandaise ne tient ancun compte des explications que nous avons fournies à cet égard, de nos assurances répétées au sujet des facilités que nous sommes disposés à donner au commerce pour la réexportation de ses produits. Nous organiserons, sous ce rapport, notre régime d'entrepôt dans les conditions les plus libérales. Remarquons aussi le commerce c'était avant la création de l'État du Congo que était parfois arrêté par suite de guerres ou conflits entre tribus indigènes. Quand un chef

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voulait nuire à un adversaire, il fermait les chemins de négoce. Aujourd'hui, quand cela arrive, et c'est fort rare, les maisons de commerce s'adressent à l'État dont l'intervention suffit pour faire ouvrir les chemins. Ces faits ne peuvent en conséquence donner licu à aucune manipulation de marchandises.

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Répétons-le donc, le transit restera, doit rester libre, et nous accorderons sous ce rapport au commerce toutes les facilités qui ne seront pas de nature à engendrer la fraude. Qu'on ne s'y trompe pas, du reste. Les formalités que la note néerlandaise redoute existent déjà, dans une certaine mesure, sous le régime des droits de sortie. L'établissement de droits d'entrée, coïncidant avec la création du régime nouveau relatif aux armes et aux alcools, les aggravera-t-il notablement ?

« Comment supposer que le tarif pourrait comporter un millier d'articles, et donner lieu à d'inextricables complications? Le commerce d'Afrique ne les comporte pas, et nous pensons pouvoir, quant à ce point, nous référer aux explications qui nous ont été fournies dans une séance précédente par M. le Président, explications qui ne prévoyaient que la taxation d'un nombre limité d'articles.

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Comment enfin répondre à cette assertion, qu'il y aurait au Congo des localités où les paquebots débarquent actuellement des marchandises sans qu'il s'y trouve d'autorités fiscales. L'assertion est le résultat d'une évidente erreur, et nous pouvons garantir que l'administration est organisée dans tous les ports qui, au Congo, servent à l'importation. Les paquebots de haute mer ne déchargent jamais des marchandises directement dans les factoreries de la côte appartenant à l'État du Congo. Ces factoreries sont alimentées par le cabotage.

« Je ne sache pas que cela se passe autrement dans les colonies portugaises ou françaises, où il y a des autorités constituées sur tous les points où les paquebots font parfois escale. Quant aux factoreries du fleuve, les États riverains prendront les mesures nécessaires pour épargner au commerce les inconvénients signalés.

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L'argument invoqué eût pu s'appliquer également aux droits de sortie, et jamais on n'en a fait état.

«< En résumé, Messieurs, nous ne pensons pas que les inquiétudes manifestées par M. le Plénipotentiaire des Pays-Bas soient justifiées. Nous comprenons sa légitime sollicitude pour les intérêts néerlandais engagés au Congo, mais nous avons la ferme confiance que ces intérêts ne cesseront de se développer sous l'action bienfaisante de notre Gouvernement. Sous ce rapport, le passé est le gage de l'avenir. Faut-il rappeler qu'avant la fondation de l'État, le commerce néerlandais au Congo n'a pas toujours été également prospère? Aujourd'hui, grâce à la sécurité que nous assurons aux transactions et à notre marche incessante en avant, ses bénéfices vont toujours croissant. L'an dernier, la Société actuelle donnait 7 p. 0/0 de dividende; cette année elle en distribue 13 p. o/o, et la note néerlandaise ellemême admet que ces résultats sont attribuables principalement aux relations établies avec le Haut-Congo. Nous avons la conviction que l'établissement de droits d'entrée ne troublera pas cette situation brillante. Au demeurant, le commerce néerlandais n'existe pas seul au Congo. La note dont il nous a été donné lecture témoigne, pour les Sociétés belges qui s'y trouvent établies, un intérêt dont elles ne peuvent être que reconnaissantes. Nous avons pour le trafic belge, comme pour celui des commerçants de toutes les nations, établis chez nous, une égale sollicitude. Tous ces commerçants apprécient, comme les missionnaires dont M. le Baron Gericke de Herwynen nous parle aussi, la sécurité dont le Gouvernement congolais les fait jouir et reconnaissent qu'il est juste de les faire contribuer aux charges

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