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déclaré dans la dernière séance. Il ne peut, quant à lui, que maintenir ce qu'il a déjà dit à

cette occasion.

M. le Ministre des Pays-Bas s'était proposé de répondre aux arguments présentés la veille par MM. les Plénipotentiaires du Congo; n'ayant pas eu le temps de préparer une réponse complète, il se bornera à donner lecture à la Conférence d'une note dont les éléments lui ont été fournis par M. le Délégué néerlandais :

Messieurs, j'ai entendu hier avec un vif intérêt les observations présentées par M. le Plénipotentiaire de l'État Indépendant du Congo, mais, quoique j'apprécie hautement ses arguments, ils n'ont pas pu me convaincre; je me permets donc d'y répondre en quelques

mots.

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⚫ M. Van Maldeghem prétend que les marchandises importées au Congo peuvent fort bien supporter un droit d'entrée, puisqu'elles sont vendues avec un bénéfice de 100 à 300 p. oo, suivant que les localités sont plus ou moins éloignées de la côte. Je dois faire observer que de tels bénéfices n'existent pas; il y a parfois des articles de nouveautés qui sont vendus très avantageusement, mais le profit extraordinaire qu'ils donnent doit fréquemment contrebalancer les pertes provenant d'autres articles qui ne sont plus recherchés par les indigènes, fort capricieux en matière d'achat d'articles européens.

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On s'est à mainte reprise fait une idée exagérée des bénéfices que procure

le commerce du Congo, mais on n'a pas tenu suffisamment compte des frais généraux très élevés que les commerçants ont à supporter; s'il y a des maisons qui ont fait de bonnes affaires, il en est d'autres qui ne sont nullement satisfaites des résultats de leurs opérations.

« Aussi longtemps que le commerce du Congo n'aura pas modifié ses pratiques actuelles, c'est-à-dire, aussi longtemps que le commerce d'échange n'aura pas cessé et que l'argent ne sera pas employé dans les opérations commerciales, telles que les ventes et les achats de produits, de vivres et de payement aux travailleurs noirs, le droit d'entrée est inutile et ne se justifie pas. Inutile dans le commerce d'échange, puisqu'il est indifférent que ce soit l'article d'exportation qui paie, ou l'article d'importation, au moyen duquel l'article d'exportation est acheté; non justifié, parce que le droit d'entrée fait augmenter tous les frais, qu'il frappe les vivres importés d'Europe, indispensables pour la nourriture des blancs, ainsi que les marchandises destinées à acheter les vivres du pays, à payer les transports et les salaires des travailleurs noirs. Non seulement les négociants voient ainsi leurs frais s'élever, mais il en est de même pour les missions, les entreprises agricoles et même les expéditions scientifiques.

« Plus tard, quand le commerce d'échange aura cessé, quand l'équivalent de l'importation ne devra plus être cherché dans l'exportation, la situation changera d'aspect et il pourra être avantageux alors pour l'État de percevoir des droits d'entrée. Peut-être cette situation arrivera-t-elle au bout des vingt années fixées par l'article Iv de l'Acte de Berlin. « Actuellement, on ne peut encore faire de comparaison entre la situation économique du Congo et celle des pays européens ou de leurs anciennes colonies. La théorie que certains produits ne peuvent pas supporter les droits de sortie n'est pas exacte tant que le commerce d'échange subsiste. Si le négociant achète l'huile de palme en échange de marchandises européennes, il est bien indifférent que ces marchandises payent 10 p. 0/0 de droits d'entrée, ou que l'huile de palme paye 10 p. 0/0 de droits de sortie. C'est toujours l'huile de palme qui payera les 10 p. 0/0.

« On nous assure que les formalités de la perception des droits d'entrée seront évitées autant que possible, mais, avec la meilleure volonté, elles existeront néanmoins et en grand nombre. Quand des droits d'entrée sont perçus, la douane doit veiller sévèrement

contre la fraude et contre la contrebande, autant dans l'intérêt de l'État que dans celui des négociants honnêtes. Cette surveillance, surtout au Congo, exigera des formalités nombreuses. Ces formalités entraveront inévitablement beaucoup la liberté d'action du commerce, elles entraîneront des dépenses et une grande perte de temps, et le temps c'est de l'argent, en Afrique comme partout ailleurs. Et, si les États du Congo adoptaient un tarif douanier différent, ou si l'un d'eux exemptait du payement des droits des articles qui payeront dans l'État voisin, quelle surveillance alors ne faudra-t-il pas aux frontières intérieures, surveillance que le négociant lui-même a le droit de réclamer.

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Les formalités de la perception des droits de sortie sont peu nombreuses et nullement gênantes; quant aux formalités pour la perception des droits sur les alcools et pour le contrôle des armes, elles ne seront pas bien graves non plus, puisqu'il ne s'agit que de quelarticles.

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« On conteste qu'il y ait un millier d'articles d'échange dans le commerce du Congo; je crois cependant pouvoir affirmer que ce nombre n'est pas exagéré. Quelle variété, en effet, dans les étoffes différentes tant par la qualité que par le prix. Quelle variété en quincaillerie, en verrerie et en verroterie, en faïence et en articles divers, tous variant selon les localités et le goût des indigènes.

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Quant aux paquebots dont j'ai parlé et qui débarquent des marchandises à des endroits de la côte où il n'y a pas d'autorités fiscales, il se rencontre plusieurs de ces endroits sur le littoral portugais et même dans le Bas-Congo; je puis citer Porto-Rico et Matéba.

<< En ce qui concerne les bénéfices du commerce néerlandais, il est vrai que la Société de Rotterdam, en 1887, a donné un dividende de 9 p. 0/0, en 1888 de 5 p. 0/0 et en 1889 de 13 p. o/o. Mais en 1881, 1882 et 1883 elle a payé 17 p. 0/0, 7 1/2 p. 0/0 et 12 1/2 p. o/o; donc à une époque bien antérieure à la fondation de l'État Indépendant.

« Les bénéfices du commerce du Congo dépendent, en grande partie, de la régularité de la saison des pluies et du prix des produits africains sur les marchés d'Europe.

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On s'étonne que nous désirions soumettre l'ivoire du Haut-Congo au payement des droits de sortie, mais c'est là justement le produit qui peut le supporter mieux que tout autre; c'est précisément le commerce d'ivoire dans le Haut-Congo qui donne actuellement les grands bénéfices.

Que M.Woermann ait changé d'avis depuis la Conférence de Berlin, c'est possible, mais il y a d'autres personnes compétentes qui n'en ont pas changé; je citerai M. Stanley, le plus compétent de tous.

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« Nous ne contestons nullement, qu'à l'exception des droits d'entrée, l'État du Congo ait la faculté d'établir différentes taxes. Mais, si l'État a ce droit, pourquoi n'en fait-il usage, et pourquoi recourir à des droits d'entrée qui, tout en créant mille difficultés au commerce et en le privant de sa liberté d'action, ne rapporteront rien ou presque rien au trésor, vu les grandes dépenses de perception. >>

M. le Baron Gericke de Herwynen désire attirer particulièrement l'attention de ses collègues sur l'une des considérations indiquées dans la note qu'il vient de communiquer; elle est relative au bénéfice minime que les droits d'entrée procureront à l'État Indépendant. On peut dire, ajoute Son Excellence, que ce bénéfice sera nul.

M. le Ministre des Pays-Bas communique ensuite à l'Assemblée la conclusion d'une note, dont il donnerait lecture si la Conférence en exprimait le désir, et qui présente un tableau des recettes que produiraient les droits d'entrée à 10 p. 0/0 ajoutés aux droits sur les

alcools et aux droits de sortie perçus sur la base du tarif actuel, comparées à celles donneraient les droits de sortie à 10 p. o/o augmentés du droit d'entrée sur les alcools.

Droits d'entrée proposés et droits de sortie (tarif actuels) :

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Droits de sortie (tarif à établir) et droits sur les alcools:

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Les droits de sortie à 10 p. 0/0, y compris les droits sur les alcools, donnent une différence de plus de 100,000 francs, avec des frais de perception beaucoup moindres que s'il faut établir des droits d'entrée.

M. le Baron Gericke de Herwynen ajoute que ce calcul a été établi d'après la corrélation qui existe nécessairement entre les importations et les exportations d'un pays. Pour établir le chiffre des importations suivant lequel on a calculé le montant des recettes dans le tableau précédent, on a eu recours aux statistiques fournies par la maison néerlandaise de Banana.

M. SANFORD fait remarquer qu'il n'est pas question dans ce relevé de l'état des exportations du Haut-Congo.

M. LE BARON GERICKE DE HERVYNEN le reconnaît, mais, dans le Haut-Congo, il n'existe pas de droits de sortie; on ne peut donc avoir de relevé pour les exportations. Les chiffres qui ont été indiqués reposent sur une estimation aussi exacte que possible. Les Pays-Bas sont, d'ailleurs, mieux à même que personne d'établir un calcul à cet égard, puisqu'ils entrent pour la plus grande part dans le total général des importations. M. le Ministre des PaysBas rappelle, en cette occasion, que dans une séance antérieure, M. le Président avait rendu un hommage mérité, et auquel il s'est lui-même associé, aux sentiments qui avaient inspiré la déclaration de MM. les Plénipotentiaires du Congo. Il espère que la Conférence voudra bien reconnaître également la sincérité des renseignements qu'il produit.

M. le baron Gericke de Herwynen est en mesure de fournir, dès aujourd'hui, quelques éclaircissements sur le sens que le Gouvernement néerlandais attache à la communication faite par lui, dans la séance du 14 de ce mois. Il pourrait en donner connaissance à l'Assemblée lorsqu'elle examinera les déclarations de MM. les Plénipotentiaires des États-Unis.

La Conférence ayant exprimé le désir de recevoir immédiatement la communication de M. le Ministre des Pays-Bas, Son Excellence donne lecture de la déclaration suivante :

« Le but de notre proposition est de demander à la Conférence de vouloir bien examiner quel sera le meilleur moyen de pourvoir aux frais qu'imposera l'exécution de la convention antiesclavagiste et de formuler un vœu à cet égard.

« Si, après avoir examiné tous les moyens qui pourraient servir à atteindre ce but, le désir d'établissement de droits d'entrée était maintenu, une Conférence ultérieure deviendrait nécessaire pour délibérer sur la modification de l'Acte du Congo, par laquelle le vœu exprimé pourrait être réalisé.

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Si, dans cet ordre d'idées, la majorité de la Conférence recommandait le droit d'entrée comme le moyen le meilleur, il serait désirable d'ajourner à six mois la nouvelle Conféla revision de l'Acte du Congo.

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Si, par contre, d'autres moyens étaient considérés comme désirables, le délai d'exécu

tion dépendrait uniquement des Puissances intéressées, les moyens étant alors étrangers à l'Acte du Congo.»

M. le Ministre des Pays-Bas ajoute que son Gouvernement a toujours contesté l'opportunité d'une discussion concernant l'Acte de Berlin au sein de cette Conférence, et qu'il préférerait voir adopter la seconde combinaison suggérée par lui.

M. LE PRÉSIDENT demande si, dans l'hypothèse d'un ajournement de la Conférence à six mois, le Gouvernement néerlandais admettrait, à ce moment, l'établissement des droits d'entrée.

M. LE BARON GERICKE DE HERWYNEN répond que son Gouvernement réserve absolument son appréciation à cet égard.

M. LE PRÉSIDENT dit qu'il est nécessaire de poser nettement la question. En effet, ou bien la future Conférence serait chargée de rechercher les moyens de procurer les ressources nécessaires à l'État Indépendant du Congo en dehors des droits d'entrée, et il a déjà été démontré qu'elle excéderait sa compétence, eu égard à la prérogative de tout État indépendant quant aux taxes intérieures, ou bien elle demanderait ces ressources aux droits d'entrée, et le but serait manqué, si le Gouvernement néerlandais était décidé à ne pas les accorder.

M. LE BARON GERICKE DE HERWYNEN croit qu'il résulte de l'esprit de ses instructions que la question des droits d'entrée devrait demeurer étrangère à l'Acte général et faire l'objet d'un Acte séparé et ultérieur.

M. LE PRÉSIDENT en conclut que le Gouvernement néerlandais est résolu à ne prendre aucun engagement.

M. LE BARON GERICKE DE HERWYNEN dit que son Gouvernement estime que les droits d'entrée ne sont pas nécessaires, qu'ils peuvent être nuisibles au commerce et qu'ils seront improductifs.

C'est dans cet ordre d'idées qu'il voudrait voir s'établir la discussion. Mais, si la Conférence en juge autrement, si elle se prononce pour l'établissement d'un droit d'entrée, il aurait à présenter une proposition supplémentaire. Son Excellence la ferait connaître immédiatement; elle est ainsi conçue:

«

Je dois me permettre, Monsieur le Président, de vous demander si vous ne jugeriez pas convenable de proposer aux membres de la Conférence de ne prendre aucune décision avant d'avoir encore préalablement consulté leurs Gouvernements.

« Je n'oublie pas, Monsieur le Président, que votre exposé du 10 mai a rencontré dans la Conférence un assentiment presque unanime, confirmé encore, avec plus d'autorité, le 2 de ce mois.

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Mais il convient de ne pas non plus perdre de vue que la proposition, qui nous était faite par vous, était absolument imprévue et inopinée, qu'elle n'avait pas été examinée avec l'attention que méritait son importance et que l'on avait pas pu se rendre compte des objections qu'elle pouvait soulever. Ces objections sont actuellement connues et j'ose croire, Messieurs, qu'en en prenant connaissance, elles ne seront pas envisagées comme dénuées d'intérêt par vos Gouvernements respectifs.

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Ceux-ci voudront, sans doute, bien examiner si les mesures que j'ai eu l'honneur de

suggérer et dont la conséquence première serait de ne pas compromettre le résultat des longs et consciencieux travaux de la Conférence, ne méritent pas d'être prises en sérieuse considération.

« Je ne me dissimule nullement, Monsieur le Président, que la proposition que je vous demnande de soumettre à la Conférence peut malheureusement déranger des convenances personnelles auxquelles j'associe les miennes, mais je ne crois pas que ces considérations puissent peser dans la balance des décisions à prendre. »

M. LE PRÉSIDENT demande à MM. les Plénipotentiaires du Congo s'il est dans leurs intentions de discuter les faits économiques sur lesquels M. le Ministre des Pays-Bas s'est étendu au début de la séance.

M. VAN MALDEGHEM, sans vouloir rentrer dans le détail de la discussion, désire rencontrer quelques-uns des faits indiqués dans l'exposé présenté par M. le Ministre des PaysBas.

Les Plénipotentiaires du Congo ont toujours soutenu qu'un droit d'entrée modéré ne pouvait nuire au commerce. On le conteste, et l'on semble croire que le commerce dans le bassin du Congo serait compromis par un régime qui existe sans inconvénients partout ailleurs. Quand on songe, pour ne citer qu'un fait, que le riz, qui à Anvers se vend 220 fr. les 1,000 kilogr., coûte à Boma 270 francs et plus de 1,300 francs à Léopoldville, c'est-àdire une augmentation de 500 p. o/o, on peut se demander si une taxe de 10 p. 0/0, représentant dans l'espèce 27 francs, serait de nature à peser sérieusement sur le com

merce.

Quant à l'affirmation que les droits d'entrée seront improductifs, M. Van Maldeghem fait observer que l'État Indépendant connaît ses intérêts et a la conviction que, si ces droits lui sont accordés, il en retirera un avantage. D'ailleurs pourquoi les droits d'entrée qui sont productifs partout où ils sont établis ne le seraient-ils pas au Congo?

M. le Ministre des Pays-Bas, au cours de son exposé, a donné l'état des exportations du Congo pour l'année 1889. D'après le raisonnement de Son Excellence, il faut établir une corrélation absolue entre les importations et les exportations. Cette manière de voir ne saurait être admise. Toute marchandise exportée, en effet, ne correspond pas à une marchandise importée. Il faut tenir compte ici de facteurs importants ce sont les articles qui servent à rémunérer la main-d'œuvre indigène, et ceux qui se rapportent à l'outillage du pays. Or, parmi les marchandises exportées, il n'en est pas une seule qui corresponde à ces articles. Il est donc inexact de dire que le chiffre des exportations permet de déterminer celui des importations.

M. Van Maldeghem ne pense pas qu'il y ait lieu de revenir davantage sur les explications déjà données concernant le régime douanier et les facilités qui seraient certainement accordées à la réexportation. La seule question sur laquelle les Plénipotentiaires du Congo prient la Conférence de se prononcer est celle de savoir si elle autorisera l'État Indépendant à percevoir les droits d'entrée, qu'ils considèrent comme indispensables pour lui permettre de concourir à l'exécution de l'Acte général.

Les Plénipotentiaires du Congo ne peuvent accepter la remise de la question à six mois, comme le propose le Gouvernement néerlandais.

M. SANFORD fait remarquer que M. le Plénipotentiaire du Congo a oublié, dans son calcul concernant les bénéfices sur le riz, les prix du transport entre Boma et Léopoldville. Il faut compter, outre 20 francs pour les frais de Boma à Matadi, le transport (1 franc par

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