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kilogr.) de Matadi à Léopoldville. De sorte qu'en ajoutant aux 270 francs, prix de revient à Boma, les frais, le prix coûtant par 1,000 kilogr. à Léopoldville s'élèvera à 1,290 francs. Il faudrait donc vendre le riz à Léopoldville bien plus de 1,300 francs les 1,000 kilogr. pour faire un bénéfice si énorme.

M. DE MACEDO est d'avis que la Conférence n'a à examiner que ce seul point, savoir si la perception dans le bassin conventionnel du Congo d'un droit d'entrée maximum de 10 p. 0/0 est ou n'est pas préjudiciable au commerce, et nullement ce que ce droit pourrait produire.

M. SANFORD fait remarquer qu'en établissant un droit d'entrée, l'État Indépendant arriverait à faire imposer des droits dont six autres Puissances ayant des possessions dans l'Afrique centrale vont profiter. Par exemple à Zanzibar, où le droit actuellement perçu est de 5 p. o/o, les charges de douane étaient, suivant le dernier relevé à sa connaissance, de 126,000 livres sterling. Les États-Unis qui entrent pour un huitième dans le commerce général auront à supporter une part fort considérable de cette charge. Cette dernière, on l'assure, sera certainement doublée si l'on adopte la proposition d'établir un droit de 10 p. 0/0, car le Sultan ne manquera pas de profiter de la situation nouvelle.

M. Sanford ajoute qu'il est fort difficile de se procurer des statistiques concernant l'importation au Congo; il n'en existe pas d'officielles, et l'on ne peut que le regretter.

D'après les renseignements qu'il a puisés à des sources autorisées, les importations de cette année dépasseront 26 millions et demi de francs. Si l'on tient compte de ce qu'a dit M. Sabatier dans son discours au Roi, on doit y ajouter 5 millions de francs, au lieu de 10 millions, du chef d'importations venant de la Belgique. D'après M. Sabatier, ce dernier pays devrait entrer pour 15 millions dans le commerce d'exportation qui se fait avec l'État Indépendant du Congo dans ces régions.

M. GÖHRING répond que le Zanzibar n'a pas été compris dans l'interdiction stipulée par l'article iv de l'Acte général de Berlin, qu'il est donc resté libre de percevoir des droits d'entrée, tout aussi bien avant la Conférence de Bruxelles qu'après. Il est à remarquer, d'ailleurs, que ce pays est lié par des traités de commerce; il ne lui serait donc pas possible de doubler arbitrairement les droits perçus aujourd'hui.

M. LE PRÉSIDENT rappelle qu'à la Conférence de Berlin c'est le Plénipotentiaire des ÉtatsUnis lui-même qui a proposé de réserver, en ce qui concernait l'application de l'article iv de l'Acte général, les droits des Souverains ayant des possessions dans le bassin conventionnel du Congo, et dont plusieurs n'étaient pas représentés au sein de la Conférence. Le Zanzibar a usé de la faculté qui lui était laissée; il a adhéré à l'Acte général, mais sans admettre le principe de la liberté commerciale. Il reste donc entièrement libre d'élever les droits. Il en est de même pour le Portugal.

Le débat économique qui vient d'avoir lieu, ajoute M. le Président, avait sa raison d'être, mais il peut être considéré comme épuisé. Il reste cependant une remarque à faire.

M. le Ministre des Pays-Bas, en calculant ce que produiraient les droits d'entrée, est parti de l'hypothèse que tous les produits indistinctement seraient frappés d'un droit. Il ne sait quelles sont à cet égard les intentions des Gouvernements intéressés, mais il croit peu probable qu'on impose une taxe sur les articles qui favoriseront les progrès de la civilisation. On ne grèvera donc que certaines marchandises, et c'est de celles-là seulement qu'il importe de tenir compte pour apprécier les conséquences du régime qu'il s'agit d'établir.

Conférence de Bruxelles.

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M. LE PRINCE OUROUSSOFF dit qu'on semble avoir perdu de vue dans cette discussion les idées grandes et généreuses qui inspiraient la Conférence. Les Représentants des Puissances ont abordé, au cours de leurs travaux, l'examen de problèmes soulevant des questions importantes et difficiles; ils les ont heureusement résolus, grâce à l'esprit de conciliation dont ils ont fait preuve.

Arrivés au terme de leur mission, ils se trouvent arrêtés par une question commerciale d'ordre secondaire, si on la compare aux autres, et qui menace de faire échouer l'œuvre si péniblement élaborée.

Son Excellence ne croit pas qu'aucune des deux propositions présentées par M. le Ministre des Pays-Bas puisse être acceptée par la Conférence.

La première, en effet, est peu pratique; les Puissances ne seront pas disposées à se réunir encore une fois. La seconde ne l'est pas davantage, chaque Plénipotentiaire ayant reçu des instructions suffisantes pour pouvoir se prononcer. En référer de nouveau aux Gouvernements, ce serait une perte de temps inutile. M. le Prince Ouroussoff propose en conséquence que M. le Président prie M. le Baron Gericke de Herwynen de faire connaître à son Gouvernement le vœu de la Conférence, en lui demandant, au nom de l'Assemblée, de vouloir bien revenir sur sa première décision. M. le Baron Gericke de Herwynen, qui jouit d'une grande influence et d'une haute considération dans son pays, est, mieux que personne, à mème d'accomplir la mission que ses collègues désirent lui confier.

M. le Ministre de Russie est convaincu que le Gouvernement néerlandais, devant cette manifestation des sentiments de l'Assemblée, reconnaîtra que son opposition risque de faire échouer l'œuvre dont la Conférence poursuit la réalisation, et transmettra à son Représentant des instructions nouvelles.

M. SANFORD fait observer que le Gouvernement des États-Unis désire, comme celui des Pays-Bas, que la question des droits d'entrée fasse l'objet d'un Acte séparé.

M. LE PRÉSIDENT rappelle qu'il a été entendu que la communication faite par MM. les Plénipotentiaires des Etats-Unis serait examinée dans une prochaine séance.

LORD VIVIAN se rallie entièrement à la manière de voir de M. le Ministre de Russie. Il croit également que la Conférence ne pourrait avoir un meilleur interprète que M. le Baron Gericke de Herwynen, et il le prie instamment de vouloir bien attirer l'attention du Gouvernement néerlandais sur l'unanimité qui s'est manifestée au sein de l'Assemblée et sur la responsabilité qu'il assumerait en maintenant son opposition contre l'opinion unanime de toute l'Europe.

M. LE PRÉSIDENT constate que la proposition de M. le Prince Ouroussoff a obtenu l'assentiment de la Conférence.

M. LE BARON GERICKE DE HERWYNEN remercie ses collègues de Russie et d'Angleterre de leurs paroles obligeantes; il en a été vivement touché. Quant à la demande qu'ils l'ont prié de transmettre à son Gouvernement, il déclare qu'il ne refuserait pas de s'interposer s'il entrevoyait une issue favorable. En ce qui le concerne, il éprouverait un regret profond si l'œuvre de la Conférence n'arrivait pas à son terme, et il fera tout ce qui est en son pouvoir afin qu'elle réussisse; mais il doit ajouter cependant que les propositions transactionnelles de son Gouvernement, dont il vient de donner lecture, ont été le résultat d'une longue et sérieuse délibération.

Avant de terminer, M. le Ministre des Pays-Bas désire répondre quelques mots à M. le Plénipotentiaire du Congo.

M. Van Maldeghem a parlé des bénéfices énormes de certains commerçants. Son Excellence ne contestera pas que l'on ait pu faire de grands bénéfices dans des circonstances exceptionnelles, mais ils ne sont pas aussi considérables qu'on l'a dit.

Dans l'opinion de M. le Délégué des Pays-Bas, les bénéfices de 200 à 300 p. o/o, s'ils se présentent parfois, sont certainement très rares.

M. le Ministre des Pays-Bas a déjà indiqué les raisons pour lesquelles il ne pouvait juger aussi favorablement que ses collègues les droits d'entrée qu'on propose d'établir. Il a expliqué également pour quelles raisons un commerçant était à même de pouvoir évaluer la corrélation qui existe entre les importations et les exportations d'un pays.

Quant à ce qu'a dit M. Van Maldeghem des importations du matériel destiné aux travaux publics, Son Excellence reconnaît que ces importations seront considérables, et Elle est convaincue que l'État Indépendant ne les frappera jamais d'aucun droit, en supposant qu'un droit soit un jour établi.

M. LE PRÉSIDENT ne veut pas laisser supposer qu'en parlant de la sincérité des Représentants de l'État du Congo, on aurait voulu laisser planer un doute sur l'exactitude des allégations qui leur ont été opposées. Rien ne serait moins fondé. Lui-même, dans la séance d'hier, a constaté combien il avait été touché de la loyauté et du bon vouloir de M. le Baron Gericke de Herwynen; il a ajouté que Son Excellence trouverait à cet égard une entière réciprocité.

M. le Président désirerait revenir un instant sur la déclaration que les Plénipotentiaires du Congo ont été chargés de faire. Les obligations que l'œuvre de la Conférence entraînera pour leur Souverain se sont échelonnées en quelque sorte de chapitre en chapitre; ce n'est qu'à la fin de l'Acte général qu'on a pu se rendre compte de toutes les charges qu'il impose. Faut-il s'étonner si, constatant à ce moment l'impossibilité de les remplir, on a considéré comme un devoir de le déclarer loyalement? Telle est bien la portée des paroles que M. le Baron Gericke de Herwynen avait cru devoir relever. M. le Ministre des Pays-Bas a usé, d'ailleurs, d'une franchise semblable dans l'exposé des vues de son Gouvernement.

M. le Président ne veut pas rentrer dans la discussion des faits économiques qui ont été produits. Il n'en fera ressortir qu'une seule conséquence. Il n'appartient pas à la Conférence de régler le régime intérieur de l'État du Congo, mais, si elle lui impose de nouvelles charges, il est en droit de demander qu'on ne lui refuse pas les moyens d'y pourvoir.

D'une part, une situation de fait indiscutable occasionnera des dépenses qui se monteront à plus de 1,200,000 francs; de l'autre, les revenus calculés, en y comprenant les droits de sortie, ne dépassent pas 670,000 francs. Ces chiffres serviront de base à l'appréciation des membres de l'Assemblée.

M. SANFORD estime que les droits de sortie sur l'ivoire, qui s'élèveront à 1,500 francs par 1,000 kilogr., pourront bientôt à eux seuls donner, pour la première année, un revenu de 450,000 francs. On peut évaluer à 300 tonnes, au moins, la quantité d'ivoire qui sera exportée. Quant au caoutchouc, par suite de la construction du chemin de fer, l'exportation en prendra de bien plus grands développements.

M. Le Président répond que ce n'est pas d'après un fait isolé qu'il est possible de se faire une idée exacte de la situation du nouvel État. Pour la juger, il faut l'envisager dans le passé et dans l'avenir.

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Quand, en 1876, il s'est agi d'étudier l'Afrique centrale, quand les plus grands voyageurs, et parmi eux Cameron, réunis au Palais de Bruxelles, montraient sur la carte l'itinéraire qu'ils avaient suivi, aucun d'eux n'a pu donner d'indication précise sur ce qui se passait dans l'intérieur du continent. Ce n'est qu'après la découverte du cours du Congo, qu'on a pu s'en rendre compte et qu'il a été possible de jeter les fondements du futur État qu'on voulait y établir. Mais, malgré les progrès réalisés, on n'a pu jusqu'à ce jour lui assurer des conditions normales d'existence.

Quand il s'agit d'envisager l'avenir de ce pays au point de vue politique, social et humanitaire, il faut avant tout chercher à lui créer une situation durable, en lui assurant un budget dont les ressources pourront augmenter par la suite. A ce point de vue, l'établissement d'un droit d'entrée, quoique modique au début, est une condition indispensable pour lui permettre d'accomplir sa mission.

M. le Plénipotentiaire des États-Unis a parlé du revenu que produira l'ivoire; mais qui peut dire que dans vingt ans d'ici cette marchandise donnera encore les bénéfices qu'elle donne aujourd'hui ? On ne peut donc chercher dans cette source de revenus une base sur laquelle il soit permis d'établir un budget.

La séance est levée.

ALVENSLEBEN, Göhring, K. Khevenhüller, LAMBERMONT, E. BANNING, SCHACK DE
BROCKDORFF, J.-G. DE AGUERA, Edm. VAN EETVELDE, VAN MALDEGHEM, Edwin
H. TERRELL, H.-S. SANFORD, A. BOURÉE, VIVIAN, John KIRK, F. DE RENZIS,
L. GERICKE, H. DE MACEDO, L. OUROUSSOFF, MARTENS, BURENSTAM, Et. CARA-
THÉODORY, John KIRK, GÖHRING.

Certifié conforme à l'original :

L. ARENDT, Martin GOSSELIN, Comte Pierre VAN DER STRATEN PONTHOZ, Ch. SEEGER,
Comte André DE ROBIANO.

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