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ANNEXE AU PROTOCOLE N° XXIV.

Acte général de la Conférence de Bruxelles.

TEXTE COORDonné par le comité de rédACTION.

AU NOM DE DIEU TOUT-PUISSANT,

SA MAJESTÉ L'EMPEREUR D'ALLEMAGNE, ROI DE PRUSSE, AU NOM DE L'EMPIRE ALLEMAND; SA MAJESTÉ L'EMPEREUR D'AUTRICHE, ROI DE BOHÊME, ETC., ET ROI APOSTOLIQUE DE HONGRIE; SA MAJESTÉ LE ROI DES BELGES; SA MAJESTÉ LE ROI DE DANEMARK; SA MAJESTÉ LE ROI D'ESPAGNE ET EN SON NOM SA MAJESTÉ LA REINE RÉGENTE DU ROYAUME; SA MAJESTÉ LE ROI SOUVERAIN DE L'ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO; LE PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE; LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE; SA MAJESTÉ LA REINE DU ROYAUMEUNI DE LA GRANDE-BRETAGNE ET DE L'IRLANDE, IMPÉRATRICE DES INDES; SA MAJESTÉ LE ROI D'ITALIE; SA MAJESTÉ LE ROI DES PAYS-BAS, GRAND-DUC DE LUXEMBOURG, ETC.; SA MAJESTÉ LE SHAH DE PERSE; SA MAJESTÉ LE ROI DE PORTUGAL ET DES ALGARVES, ETC., ETC., SA MAJESTÉ L'EMPEREUR DE TOUTES LES RUSSIES; SA MAJESTÉ LE ROI DE SUÈDE ET DE NORVÈGE, ETC.; SA MAJESTÉ L'EMPEREUR DES OTTOMANS ET SA HAUTESSE LE SULTAN DE ZANZIBAR,

Également animés de la ferme volonté de mettre un terme aux crimes et aux dévastations qu'engendre la traite des esclaves africains, de protéger efficacement les populations aborigènes de l'Afrique, et d'assurer à ce vaste continent les bienfaits de la paix et de la civilisation;

Voulant donner une sanction nouvelle aux décisions déjà prises dans le même sens et à diverses époques par les Puissances, compléter les résultats qu'elles ont obtenus et arrêter un ensemble de mesures qui garantissent l'accomplissement de l'œuvre qui fait l'objet de leur commune sollicitude,

Ont résolu, sur l'invitation qui leur a été adressée par le Gouvernement de Sa Majesté le Roi des Belges, d'accord avec le Gouvernement de Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la GrandeBretagne et d'Irlande, Impératrice des Indes, de réunir à cet effet une Conférence à Bruxelles, et ont nommé pour leurs Plénipotentiaires, savoir :

SA MAJESTÉ L'EMPEREUR D'ALLEMAGNE, ROI DE PRUSSE, AU NOM DE L'EMPIRE ALLEMAND,

Les sieurs, etc., etc.,

Lesquels, munis de pleins pouvoirs qui ont été trouvés en bonne et due forme, ont adopté les dispositions suivantes :

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1° Organisation progressive des services administratifs, judiciaires, religieux et militaires dans les territoires d'Afrique placés sous la souveraineté ou le protectorat des nations civilisées;

2° Établissement graduel, à l'intérieur, par les Puissances de qui relèvent les territoires, de stations fortement occupées, de manière que leur action protectrice ou répressive puisse se faire sentir avec efficacité dans les territoires dévastés par les chasses à l'homme;

3° Construction de routes et notamment de voies ferrées reliant les stations avancées à la côte et permettant d'accéder aisément aux eaux intérieures et sur le cours supérieur des fleuves et rivières qui seraient coupés par des rapides et des cataractes, en vue de substituer des moyens économiques et accélérés de transport au portage actuel par l'homme;

4° Installation de bateaux à vapeur sur les eaux intérieures navigables et sur les lacs, avec l'appui de postes fortifiés établis sur les rives;

5° Établissement de lignes télégraphiques assurant la communication des postes et des stations avec la côte et les centres d'administration;

6° Organisation d'expéditions et de colonnes mobiles qui maintiennent les communications des stations entre elles et avec la côte, en appuient l'action répressive et assurent la sécurité des routes de parcours;

7° Restriction de l'importation des armes à feu, au moins des armes perfectionnées, et des munitions dans toute l'étendue des territoires atteints par la traite.

ART. II.

Les stations, les croisières intérieures organisées par chaque Puissance dans ses eaux et les postes qui leur servent de ports d'attache, indépendanmment de leur mission principale, qui sera d'empêcher la capture d'esclaves et d'intercepter les routes de la traite, auront pour tâche subsidiaire :

1° De servir de point d'appui et au besoin de refuge aux populations indigènes placées sous la souveraineté ou le protectorat de l'État de qui relève la station, aux populations indépendantes, et temporairement à toutes autres en cas de danger imminent; de mettre les populations de la première de ces catégories à même de concourir à leur propre défense, de diminuer les guerres intestines entre les tribus par la voie de l'arbitrage; de les initier aux travaux agricoles et aux arts professionnels, de façon à accroître leur bien-être, à les élever à la civilisation et à amener l'extinction des coutumes barbares, telles que le cannibalisme et les sacrifices humains;

2o De prêter aide et protection aux entreprises du commerce, d'en surveiller la légalité en contrôlant notamment les contrats de service avec les indigènes et de préparer la fondation de centres de culture permanents et d'établissements commerciaux;

3o De protéger, sans distinction de culte, les missions établies ou à établir dans des vues conformes à celles du présent Acte général;

4° De pourvoir au service sanitaire et d'accorder l'hospitalité et des secours aux explorateurs et à tous ceux qui participent en Afrique à l'œuvre de la répression de la traite.

ART. III.

Les Puissances qui exercent une souveraineté ou un protectorat en Afrique, confirmant et précisant leurs déclarations antérieures, s'engagent à poursuivre graduellement, suivant que les circonstances le permettront, soit par les moyens indiqués ci-dessus, soit par tous autres qui leur paraîtront convenables, la répression de la traite, chacune dans ses possessions respectives et sous sa direction propre. Toutes les fois qu'elles le jugeront possible, elles prêteront leurs bons offices aux Puissances qui, dans un but purement humanitaire, accompliraient en Afrique une mission analogue.

ART. IV.

Les Puissances exerçant des pouvoirs souverains ou des protectorats en Afrique pourront toutefois déléguer à des compagnies munies de chartes tout ou partie des engagements qu'elles assument

en vertu de l'article II. Elles demeurent néanmoins directement responsables des engagements qu'elles contractent par le présent Acte général et en garantissent l'exécution.

Les Puissances promettent accueil, aide et protection aux associations nationales et aux initiatives individuelles qui voudraient coopérer dans leurs possessions à la répression de la traite, sous la réserve de leur autorisation préalable et révocable en tout temps, de leur direction et contrôle, et à l'exclusion de tout exercice des droits de la souveraineté.

ART. V.

Les Puissances contractantes s'obligent, à moins qu'il n'y soit pourvu déjà par des lois conformes à l'esprit du présent article, à édicter ou à proposer à leurs législatures respectives, dans le délai d'un an au plus tard à partir de la date de la signature du présent Acte général, une loi rendant applicables, d'une part, les dispositions de leur législation pénale qui concernent les attentats graves envers les personnes, aux organisateurs et coopérateurs des chasses à l'homme, aux auteurs de la mutilation des adultes et enfants mâles et à tous individus participant à la capture des esclaves par violence; et, d'autre part, les dispositions qui concernent les attentats à la liberté individuelle, aux convoyeurs, transporteurs et marchands d'esclaves.

Les co-auteurs et complices des diverses catégories spécifiées ci-dessus de capteurs et trafiquants d'esclaves seront punis de peines proportionnées à celles encourues par les auteurs.

Les coupables qui se seraient soustraits à la juridiction des autorités du pays où les crimes ou délits auraient été commis seront mis en état d'arrestation, soit sur communication des pièces de l'instruction de la part des autorités qui ont constaté les infractions, soit sur toute autre preuve de culpabilité, par les soins de la Puissance sur le territoire de laquelle ils seront découverts, et tenus sans autre formalité à la disposition des tribunaux compétents pour les juger.

Les Puissances se communiqueront, dans le plus bref délai possible, les lois ou décrets existants ou promulgués en exécution du présent article,

ART. VI.

Les esclaves libérés à la suite de l'arrestation ou de la dispersion d'un convoi à l'intérieur du continent seront renvoyés, si les circonstances le permettent, dans leur pays d'origine; sinon l'autorité locale leur facilitera, autant que possible, les moyens de vivre et, s'ils le désirent, de se fixer dans la contrée.

ART. VII.

Tout esclave fugitif qui, sur le continent, réclamera la protection des Puissances signataires, devra l'obtenir et sera reçu dans les camps et stations officiellement établis par elles ou à bord des bâtiments de l'État naviguant sur les lacs et rivières. Les stations et les bateaux privés ne sont admis à exercer le droit d'asile que sous la réserve du consentement préalable de l'État.

ART. VIII.

L'expérience de toutes les nations qui ont des rapports avec l'Afrique ayant démontré le rôle pernicieux et prépondérant des armes à feu dans les opérations 'de traite et dans les guerres intestines entre tribus indigènes, et cette même expérience ayant prouvé manifestement que la conservation des populations africaines, dont les Puissances ont la volonté expresse de sauvegarder l'existence, est une impossibilité radicale si des mesures restrictives du commerce des armes à feu et des munitions ne sont établies, les Puissances décident, pour autant que le permet l'état actuel de leurs frontières, que l'importation des armes à feu et spécialement des armes rayées et perfectionnées, ainsi que de la poudre, des balles et des cartouches, est, sauf dans les cas et sous les conditions prévus à l'article suivant, interdite dans les territoires compris entre le 20° parallèle nord et le 22° parallèle sud et aboutissant vers l'Ouest à l'océan Atlantique, vers l'Est à l'océan Indien et ses dépendances, y compris les îles adjacentes au littoral jusqu'à 100 milles marins de la côte.

ART. IX.

L'introduction des armes à feu et leurs munitions, lorsqu'il y aura lieu de l'autoriser dans les possessions des Puissances signataires qui exercent des droits de souveraineté ou de protectorat en Afrique, sera réglée, à moins qu'un régime identique ou plus rigoureux n'y soit déjà appliqué, de la manière suivante, dans la zone déterminée à l'article VIII.

Toutes armes à feu importées devront être déposées, aux frais, risques et périls des importateurs, dans un entrepôt public placé sous le contrôle de l'administration de l'État. Aucune sortie d'armes à feu ni de munitions importées ne pourra avoir lieu des entrepôts sans l'autorisation préalable de l'administration. Cette autorisation sera, sauf les cas spécifiés ci-après, refusée pour la sortie de toutes armes de précision, telles que fusils rayés, à magasin ou se chargeant par la culasse, entières ou en pièces détachées, de leurs cartouches des capsules ou d'autres munitions destinées à les approvisionner.

Dans les ports de mer et sous les conditions offrant les garanties nécessaires, les Gouvernements respectifs pourront admettre aussi les entrepôts particuliers, mais seulement pour la poudre ordinaire et les fusils à silex, et à l'exclusion des armes perfectionnées et de leurs munitions.

Indépendamment des mesures prises directement par les Gouvernements pour l'armement de la force publique et l'organisation de leur défense, des exceptions seront admises, à titre individuel, pour des personnes offrant une garantie suffisante que l'arme et les munitions qui leur seraient délivrées ne seront pas données, cédées ou vendues à des tiers, et pour les voyageurs munis d'une déclaration de leur Gouvernement constatant que l'arme et ses munitions sont exclusivement destinées à leur défense personnelle.

Toute arme, dans les cas prévus par le paragraphe précédent, sera enregistrée et marquée par l'autorité préposée au contrôle, qui délivrera aux personnes dont il s'agit des permis de port d'armes, indiquant le nom du porteur et l'estampille de laquelle l'arme est marquée. Ces permis, révocables en cas d'abus constaté, ne seront délivrés que pour cinq ans, mais pourront être renouvelés.

La règle ci-dessus établie de l'entrée en entrepôt s'appliquera également à la poudre.

Ne pourront être retirés des entrepôts pour être mis en vente que les fusils à silex non rayés ainsi que les poudres communes dites « de traite ». A chaque sortie d'armes et de munitions de cette nature destinées à la vente, les autorités locales détermineront les régions où ces armes et munitions pourront être vendues. Les régions atteintes par la traite seront toujours exclues. Les personnes autorisées à faire sortir des armes ou de la poudre des entrepôts s'obligeront à présenter à l'administration, tous les six mois, des listes détaillées indiquant les destinations qu'ont reçues lesdites armes à feu et les poudres déjà vendues, ainsi que les quantités qui restent en magasin.

ART. X.

Les Gouvernements prendront toutes les mesures qu'ils jugeront nécessaires pour assurer l'exécution aussi complète que possible des dispositions relatives à l'importation, à la vente et au transport des armes à feu et des munitions, ainsi que pour en empêcher soit l'entrée et la sortie par leurs frontières intérieures, soit le passage vers les régions où sévit la traite.

L'autorisation de transit ne pourra être refusée lorsque les armes et munitions doivent passer à travers le territoire d'une Puissance signataire ou adhérente occupant la côte, vers des territoires à l'intérieur placés sous la souveraineté ou le Protectorat d'une autre Puissance signataire ou adhérente, à moins que cette dernière Puissance n'ait un accès direct à la mer par son propre territoire. Si cet accès était complètement interrompu, l'autorisation de transit ne pourra non plus être refusée. Toute demande de transit doit être accompagnée d'une déclaration émanée du Gouvernement de la Puissance ayant des possessions à l'intérieur, et certifiant que lesdites armes et munitions ne sont pas destinées à la vente, mais à l'usage des autorités de la Puissance ou de la force militaire nécessaire pour la protection des stations de missionnaires ou de commerce, ou bien des personnes désignées nominativement dans la déclaration. Toutefois, la Puissance territoriale de la côte se réserve

le droit d'arrêter, exceptionnellement et provisoirement, le transit d'armes de précision et de munitions à travers son territoire si, par suite de troubles à l'intérieur ou d'autres graves dangers, il y avait lieu de craindre que l'envoi des armes et munitions ne pût compromettre sa propre sûreté.

ART. XI.

Les Puissances se communiqueront les renseignements relatifs au trafic des armes à feu et des munitions, aux permis accordés ainsi qu'aux mesures de répression appliquées dans leurs territoires respectifs.

ART. XII.

Les Puissances s'engagent à adopter ou à proposer à leurs législatures respectives les mesures nécessaires afin que les contrevenants aux défenses établies par les articles VIII et Ix soient partout punis, ainsi que leurs complices, outre la saisie et la confiscation des armes et munitions prohibées, soit de l'amende, soit de l'emprisonnement, soit de ces deux peines réunies, proportionnellement à l'importance de l'infraction et suivant la gravité de chaque cas.

ART. XIII.

Les Puisances signataires qui ont en Afrique des possessions en contact avec la zone spécifiée à l'article vin s'engagent à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l'introduction des armes à feu et des munitions, par leurs frontières intérieures, dans les régions de ladite zone, tout au moins celle des armes perfectionnées et des cartouches.

ART. XIV.

Le régime stipulé aux articles VIII, IX, XII et XIII restera en vigueur pendant douze ans. Dans le cas où aucune des Parties contractantes n'aurait, douze mois avant l'expiration de cette période, notifié son intention d'en faire cesser les effets, ni demandé la revision, il continuera de rester obligatoire pendant deux ans, et ainsi de suite, de deux en deux ans.

CHAPITRE II.

Routes des caravanes et transports d'esclaves par terre.

ART. XV.

Indépendamment de leur action répressive ou protectrice aux foyers de la traite, les stations, croisières et postes dont l'établissement est prévu à l'article 1 et toutes autres stations établies ou reconnues aux termes de l'article Iv par chaque Gouvernement dans ses possessions, auront en outre pour mission de surveiller, autant que les circonstances le permettront, et au fur et à mesure du progrès de leur organisation administrative, les routes suivies sur leur territoire par les trafiquants d'esclaves, d'y arrêter les convois en marche ou de les poursuivre partout où leur action pourra s'exercer légalement.

ART. XVI.

Dans les régions du littoral connues comme servant de lieux habituels de passage ou de points. d'aboutissement aux transports d'esclaves venant de l'intérieur, ainsi qu'aux points de croisement des principales routes de caravanes traversant la zone voisine de la côte déjà soumise à l'action des Puissances souveraines ou protectrices, des postes seront établis dans les conditions et sous les réserves mentionnées à l'article 1, par les autorités dont relèvent les territoires, à l'effet d'intercepter les convois et de libérer les esclaves.

ART. XVII.

Une surveillance rigoureuse sera organisée par les autorités locales dans les ports et les contrées avoisinant la côte, à l'effet d'empêcher la mise en vente et l'embarquement des esclaves amenés de

Conférence de Bruxelles.

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