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En ouvrant la séance, M. LE PRÉSIDENT dit qu'il ne reste plus qu'un point à régler dans l'Acte général, c'est celui qui concerne l'alinéa 2 de l'article x. Il prie MM. les Plénipotentiaires de Portugal et d'Angleterre de vouloir bien communiquer à la Conférence les déclarations qu'ils jugeraient convenable de faire au sujet de la question du transit des

armes.

M. DE MACEDO s'exprime en ces termes :

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Messieurs, dans la séance du 29 mai dernier, j'ai dû maintenir encore une fois les réserves formelles que j'avais tout d'abord formulées et toujours maintenues, au nom du Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle, lors du premier examen des différents articles et paragraphes des projets du chapitre Ier de l'Acte général relatifs à l'introduction des armes et munitions en Afrique, successivement soumis à la discussion, en Commission ou en Conférence.

« Ces réserves visaient :

« 1° L'adoption même d'un système (articles viii à xiv du dernier projet de l'Acte général) dont la base serait la délimitation d'une zone dans laquelle les prescriptions prohibitives seraient d'un caractère plus défini et plus rigoureux;

« 2° L'acceptation, à titre et avec un caractère obligatoire, des dispositions d'exception qui, au présent, constituent le second alinéa de l'article x du dernier projet d'Acte général.

« Je suis, en ce moment, autorisé par le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle à retirer la première de ces réserves.

Sans qu'il tienne comme incontestable la valeur juridique ou technique des arguments présentés comme un empêchement absolu ou bien encore comme de simples raisons d'intérêt commercial contre l'adoption d'un système prohibitif uniforme qui embrasserait tout le continent noir, et dont au moins l'efficacité pratique ne saurait être mise en doute, le Gouvernement que j'ai l'honneur de représenter, comprenant les graves difficultés et les sérieux embarras qu'il y aurait pour quelques Puissances à se rallier à ce dernier système, et mû par l'esprit de conciliation dont il croit avoir donné de très sérieuses preuves, vient de m'autoriser à accepter, en son nom, le système de la zone tel qu'il est défini dans les articles viii et ix du dernier projet de l'Acte général.

Messieurs, c'est aussi dans un esprit de conciliation et comme preuve et acte de pure

déférence envers les Puissances dont les Représentants ont exprimé, à la séance du

29 mai, la manière de voir de leurs Gouvernements respectifs à ce sujet, et en écartant même la supposition que, dans l'expression de cette manière de voir, on pourrait entrevoir l'idée d'une menace ou d'une pression, que le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle n'a autorisé à accepter, sous la réserve et avec le bénéfice de la déclaration interprétative qui suit, le texte du second alinéa de l'article x.

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Le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidele pense que l'obligation mentionnée dans la première période du second alinéa de l'article x ne pourrait nullement ètre jugée applicable aux cas où le transit des armes et munitions serait demandé à une Puissance de la côle pour des territoires à l'intérieur, par une autre Puissance qui n'aurait pas sur ces territoires une souveraineté ou un protectorat reconnu par la première de ces Puissances, puisque cette souveraineté ou ce protectorat même constituent la seule base du droit de demande.

L'acceptation seule d'une telle demande comme légitime en droit entraînerait, d'ailleurs, une reconnaissance implicite de la souveraineté contestée.

« Le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle pense aussi que la période finale du second alinéa de l'article x réserve aux Puissances territoriales de la côte le droit d'arrèter le transit des armes et des munitions à travers son territoire dans les cas où, le transit étant demandé pour des territoires de souveraineté reconnue, mais en contact immédiat avec d'autres où cette souveraineté serait un objet de litige, ces armes et munitions pourraient ètre immédiatement transportées dans ces derniers, et là être employées dans le sens de trancher le litige par la force, c'est-à-dire dans un sens et pour un objet absolument opposé aux vues de la Conférence. »

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LORD VIVIAN tient à exprimer à son collègue de Portugal ses ses remerciements pour vice qu'il a rendu en retirant ses réserves sur les articles VIII et Ix. En ce qui concerne la déclaration que Son Excellence vient de lire relativement au deuxième paragraphe de l'article x, il déclare que les Plénipotentiaires britanniques ne peuvent l'accepter. Ils ont déjà déclaré à la Conférence que le Gouvernement de la Reine ne saurait admettre qu'un différend territorial entre deux Puissances européennes pût compromettre l'œuvre de la Conférence, ni donner à l'une des parties en cause le droit de profiter de sa position pour mettre péril les colons et les stations civilisatrices de l'autre, en les privant des moyens de défense contre les trafiquants d'esclaves qui sont l'ennemi commun. Il croit de son devoir de répondre à M. le Ministre de Portugal par la déclaration suivante, qui précise l'interprétation donnée par le Gouvernement de la Reine à ce paragraphe :

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Le Gouvernement de la Reine entend que les dispositions du deuxième paragraphe de « l'article x de l'Acte général de la Conférence de Bruxelles auront la mème durée que celle stipulée pour le régime des armes, c'est-à-dire douze ans ; que par les mots accès directs on doit comprendre l'accès le plus court; que ce droit de transit est limité à la zone définie à l'ar«ticle vi; et que la faculté réservée à la Puissance territoriale de suspendre, exception« nellement et provisoirement, le transit d'armes et de munitions à travers son territoire, en « cas de troubles à l'intérieur ou d'autres graves dangers, s'applique également aux cas où «< cette Puissance aurait des soupçons bien fondés que ces armes seraient destinées à être employées contre elle-même, contrairement à l'esprit de l'Acte général et au but pour le« quel ce droit de transit est accordé, c'est-à-dire pour permettre aux stations et missions européennes à l'intérieur de se défendre contre les attaques des tribus ou des trafiquants « d'esclaves. »

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Conférence de Bruxelles.

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M. DE MACEDO dit que bien qu'il ne se soit pas aperçu qu'il y ait une contradiction essentielle entre les vues exposées dans la déclaration lue par M. le Ministre d'Angleterre et celles qu'il a exposées au nom de son Gouvernement, et bien que sa dernière déclaration n'ait provoqué d'observations de la part d'aucun autre membre de la Conférence, il a l'ordre de faire connaître à l'Assemblée un exposé des motifs de cette déclaration qui en constituerait un commentaire précis, et d'en demander l'insertion au Protocole.

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Cet exposé est ainsi conçu :

Messieurs, le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle croit que s'il était permis d'attribuer à l'article x une portée différente de celle qui découle de l'exposé que je vous ai fait, la Conférence, se déjugeant elle-même, contrariant une des premières et des plus essentielles des conditions posées par plusieurs Puissances pour se faire représenter dans cette Assemblée, en donnant aux souverainetés litigieuses les mêmes droits qu'aux souverainetés reconnues, aurait voté une résolution en dehors de sa compétence, destinée à avoir une influence décisive, et qui ne saurait être tenue pour impartiale dans la solution de questions litigeuses de souveraineté territoriale. Il croit également que dans l'intention de garantir les intérêts de l'humanité, de la civilisation et du progrès en Afrique, la Conférence y aurait créé ainsi une nouvelle source de différends certains et de conflits éventuels, plus féconde en malheureuses conséquences que tous les maux qu'elle aurait en vue d'éviter. « Le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle ne m'autorise donc à accepter le texte de l'article x, et ma signature n'aura de valeur dans l'Acte où il est compris, que sous le bénéfice de l'interprétation découlant de ma déclaration, qui constitue de sa part une réserve expresse et formelle à insérer dans le Protocole. »

M. le Président dit que les explications échangées de part et d'autre sont les dernières auxquelles à donné lieu le texte de l'Acte général.

Quant à la Déclaration séparée, il y a lieu de la considérer comme adoptée, si de nouvelles réserves ne sont pas produites sur les points qui ont été discutés dans la séance d'hier.

M. LE Président constate que, sauf l'entente à intervenir entre les États-Unis et l'État Indépendant du Congo, et sur laquelle une décision est attendue d'heure en heure, les travaux de la Conférence sont arrivés à leur terme.

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Il reste à fixer le jour de la signature. Une résolution avait été prise à cet égard, il y a quelques jours. La Conférence est appelée à se prononcer définitivement. M. le Président prie MM. les Plénipotentiaires de faire connaître leur opinion.

M. LE BARON DE RENZIS suggère le 28 juin.

Un échange d'observations s'engage entre plusieurs membres sur le point de savoir si cette date peut être fixée avant que tous les Plénipotentiaires aient reçu de leurs Gouvernements l'autorisation de signer l'Acte général, autorisation qui fait encore défaut à quelques-uns.

CARATHÉODORY EFENDI demande s'il ne serait pas possible de permettre aux Plénipotentiaires qui n'auraient pas reçu l'autorisation en temps utile, de signer quelques jours plus tard.

LORD VIVIAN prie M. le Ministre de Turquie de faire connaitre par le télégraphe à son Gouvernement les dispositions où se trouve la Conférence, afin que la Sublime Porte puisse le munir, avant le 28 juin, de l'autorisation requise.

M. le Président dit que tous les membres de l'Assemblée sont animés du même désir de consacrer définitivement et le plus tôt possible l'œuvre de la Conférence. On ne doit pas oublier que chaque jour de retard prolonge, en Afrique, une situation qui secaractérise par des sacrifices continuels de vies humaines. D'autre part, quelque serein soit l'horizon politique, des événements peuvent se produire qui détourneraient des travaux de la Conférence l'attention des Gouvernements. Toutes ces raisons plaident pour un prompt achèvement des travaux qui se poursuivent depuis près de huit mois.

que

Le terme le plus proche s'impose donc pour la signature de l'Acte général. La date suggérée par M. le Baron de Renzis laisse à chacun des Plénipotentiaires le temps nécessaire pour recevoir l'autorisation de son Gouvernement, et la Conférence pourrait l'accepter. M. le Président ajoute que si, pour des raisons qu'on a pas à rechercher en ce moment, certains Gouvernements ne se croyaient pas en mesure de donner immédiatement l'autorisation dont il s'agit, tous les membres de la Conférence seront d'accord pour exprimer le vœu que ces Gouvernements se joignent le plus tôt possible aux Puissances signataires. M. LE BARON GERICKE DE HERWYNEN désirerait savoir si la connexité entre l'Acte général et la Déclaration serait, dans cette hypothèse, maintenue.

M. LE PRÉSIDENT répond que cette question a déjà été posée et résolue affirmativement par la Conférence. Pour que cette décision fùt modifiée, la Conférence devrait se prononcer formellement en sens contraire.

LORD VIVIAN demande si les pleins pouvoirs que possèdent les Plénipotentiaires sont suffisants pour signer les deux Actes séparés.

M. LE PRÉSIDENT répond affirmativement. Les pleins pouvoirs visent toutes les résolutions que prendra la Conférence.

M. LE PRINCE OUROUSSOFF exprime des doutes sur le point de savoir si le Protocole peut rester ouvert lorsqu'il s'agit non d'une simple déclaration, mais d'un traité en due forme. M. LE PRÉSIDENT répond qu'il existe des précédents, dont plusieurs sont très récents.

M. LE PRINCE OUROUSSOFF demande si la signature, dans ce cas, ne doit pas se donner sous la forme d'une adhésion, et si, en prévision de cette éventualité, il n'y aurait pas lieu de modifier le préambule de l'Acte général, en enlevant la mention de la Puissance qui ne serait pas en mesure de signer en même temps que les autres.

M. LE PRÉSIDENT dit que la signature apposée postérieurement, le Protocole restant onvert, oblige la Puissance qui la donne au même titre que les autres signataires. Jusqu'à ce moment, les autres Puissances restent engagées entre elles, et l'Acte a toute sa valeur pour ces Puissances, sauf en ce qui concerne les stipulations où le consentemeut de celle qui se trouve en retard de signer est nécessaire. Quant au préambule, si l'on croit qu'il serait plus conforme à la rigueur des principes d'omettre la mention de la Puissance qui ne signerait pas en même temps que les autres, rien ne les autres, rien ne s'opposerait cependant à ce que cette mention fût conservée. Ce serait une marque de courtoisie, un témoignage de confiance, et, si l'on peut s'exprimer ainsi, une invitation adressée à la Puissance non signataire de ne pas abandonner au dernier moment une œuvre qu'elle aurait contribué à mener à une issue heureuse.

M. LE PRINCE OUROUSSOFF estime que l'on devrait prévoir le cas où la signature donnée

postérieurement le serait sous certaines réserves. S'il en était ainsi, les Plénipotentiaires se trouveraient dans l'obligation de réclamer de nouvelles instructions, avant d'apposer leur signature à un Acte dont les conséquences demeureraient incertaines.

M. LE PRÉSIDENT répond que l'éventualité de semblables réserves n'est pas à prévoir; ces réserves ne seraient d'ailleurs pas admises.

CARATHEODORY EFENDI croit, en raison de la brièveté du délai fixé, qu'il faut prévoir l'hypothèse où, malgré les diligences qu'il a mises à solliciter des instructions définitives, l'autorisation ne lui serait pas parvenue pour le 28 juin. Il désirerait que, dans ce cas, le Protocole lui demeuràt ouvert, avec faculté de signer sous des réserves qui, du reste, n'auraient que les caractères de déclarations.

M. LE PRÉSIDENT répète que les signatures données ultérieurement ne peuvent l'être que sans réserves ni conditions. Si la Sublime Porte n'était pas en mesure d'autoriser son Représentant à signer le 28 juin, et si elle se proposait de réclamer des changements à l'Acte général, ces changements devraient faire l'objet d'une entente ultérieure avec les Puissances signataires. M. le Président prie M. le Ministre de Turquie d'attirer l'attention de son Gouvernement sur les conséquences de semblables réserves. I exprime l'espoir que cette éventualité ne se réalisera pas et que Son Excellence Carathéodory Efendi pourra se joindre, le 28 juin, à ses collègues.

A la demande de M. le Baron Gericke de Herwynen, M. Le Président prie la Conférence de vouloir bien se réunir le lendemain afin d'entendre une déclaration que M. le Ministre des Pays-Bas se propose de faire, en exécution des instructions qu'il vient de recevoir de son Gouvernement.

La séance est levée.

ALVENSLEBEN, GÖHRING, R. KHEVENHÜLLER, LAMBERMONT, E. BANNING, SCHACK DE
BROCKDORFF, J.-G. de Aguëra, Edm. VAN EETVelde, Van MaldEGHEM, Edwin
H. TERRELL, H.-S. SANDFORD, A. BOURÉE, VIVIAN, John KIRK, F. de Renzis,
L. GERICKE, H. DE MACEDO, L. OUROUSSOFF, MARTENS, BURENSTAM, Et. CARA-
THEODORY, John KIRK, GÖHRING.

Certifié conforme à l'original :

L. ARENDT, Martin GOSSELIN, Comte Pierre VAN DER STRATEN PONTHOZ, Ch. SEEGER, Comte André DE ROBIANO.

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