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En ce qui concerne l'état et les services dépendant de l'état et non pourvus de personnalité civile, la loi décide que les autorisations seront données par décret du président de la République. Ainsi est tranchée, dans un intérêt pratique, une controverse doctrinale. De bons auteurs pensent en effet, -- et en théorie ils justifient leur opinion, que l'état, de qui émanent les autorisations, n'en a pas besoin pour lui-même. On ne s'autorise pas soi-même. (M. Tissier, Dons et legs aux établissements publics, t. II, n. 359. Ducrocq, Cours de droit administratif, 7o éd., L. IV, p. 38).

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La loi du 10 août 1871 (art. 46) avait conféré au conseil général le droit d'accepter définitivement les dons et legs faits au département, quand ils ne donnent pas lieu à réclamation des familles. Le nouveau texte ajoute «et refus de ces libéralités dans tous les cas », afin de faire disparaître le doute qui pouvait s'élever sur le droit du conseil général de refuser définitivement.

La Chambre avait adopté une modification à la loi municipale consistant à autoriser le conseil municipal à accepter ou refuser définitivement en tout état de cause, qu'il y ait ou non des charges ajoutées à la libéralité, tandis que la loi de 1884 réservait au préfet en conseil de préfecture l'autorisation en cas de charges. Le Sénat a jugé utile de maintenir au préfet le droit qu'il tenait de l'article 112 de la loi du 5 avril 1884, d'inviter le conseil municipal qui avait refusé une libéralité, à délibérer de nouveau; mais il a limité à un mois le délai pendant lequel le préfet pourra exercer ce droit.

Les établissements publics acceptent ou refusent sans autorisation de l'administration les libéralités qui leur sont faites. Toutefois, lorsque les dons ou legs sont affectés de charges ou de conditions, l'acceptation ou le refus est subordonné à une autorisation résultant d'un arrêté préfectoral si l'établissement gratifié a le caractère communal ou départemental, et d'un décret en conseil d'état s'il a le caractère national. Cette réserve de l'intervention de l'autorité supérieure en cas où des charges sont imposées a, dans la pensée du législateur, principalement pour but de sauvegarder le principe de la spécialité des établissements, auquel il pouvait être fait échec par l'acceptation de charges s'écartant du but de l'institution.

L'avis des conseils municipaux sur les dons et legs faits aux hospices et bureaux de bienfaisance a été conservé par le Sénat contrairement à l'avis de la Chambre qui l'avait supprimé comme inutile. La haute assemblée a suivi l'opinion exprimée par son rapporteur qu'il ne fallait pas briser le lien qui unit à la commune les établissements publics ayant un caractère communal.

L'esprit libéral et décentralisateur qui a inspiré la loi a été étendu aux acceptations par les établissements reconnus d'utilité publique. Par suite d'un amendement présenté dans la discussion au Sénat par M. de Marcère, l'autorisation d'accepter en vertu d'un décret en conseil d'état n'est plus nécessaire que si la donation ou le legs consiste en immeubles

d'une valeur supérieure à trois mille francs. En tout autre cas, l'autorisation du préfet du département où est le siège de l'établissement suffit.

Une règle générale, depuis longtemps observée, trouve sa consécration dans l'article 7. Dans tous les cas où il y a réclamation de la part des familles, l'autorisation d'accepter doit nécessairement être donnée par décret en conseil d'état.

Enfin le pouvoir d'accepter provisoirement ou à titre conservatoire est accordé à tous les établissements, alors que précédemment il était reconnu par certains textes à certaines personnes morales seulement. Ainsi pour les bureaux de bienfaisance la question faisait doute. C'est un progrès de l'avoir tranchée et d'avoir accordé le droit général d'acceptation provisoire qui peut prévenir la caducité de la donation et qui permet la délivrance du legs.

Il faut donc, dans l'ensemble des dispositions de la loi, reconnaître des améliorations, en ce sens surtout que l'intervention du pouvoir central est réduite à de plus justes limites, qu'un texte unique remplace des dispositions éparses, que des formalités et des complications inutiles disparaissent.

Art 1er.

Les dons et legs faits à l'état ou aux services nationaux qui ne sont pas pourvus de la personnalité civile, sont autorisés par décret du Président de la République.

Art. 2.

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Le paragraphe 5 de l'article 46 de la loi du 10 août 1871 est modifié ainsi qu'il suit :

... 5° Acceptation des dons et legs faits au département quand ils ne donnent pas lieu à réclamation et refus de ces libéralités dans tous les cas.

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Art. 68.

Art. 3. Le paragraphe 8 de l'article 68 et les articles 111 et 112 de la loi du 5 avril 1884 sont modifiés ainsi qu'il suit : ... 8° L'acceptation des dons et legs faits à la commune, lorsqu'ils donnent lieu à des réclamations des familles (1). Art. 111. Le conseil municipal statue définitivement sur l'acceptation des dons et legs faits à la commune, quand ils ne donnent pas lieu à des réclamations des familles (2).

(1) D'après l'article 68, la délibération portant sur l'acceptation des legs, lorsqu'ils donnent lieu à des réclamations, ou lorsqu'il y a des charges et conditions, n'était exécutoire qu'après avoir été approuvée par l'autorité supérieure, Cette restriction a disparu

(2) Les préfets toutefois ne sont pas destitués de tout droit de contrôle, mais de préventif leur contrôle devient répressif. Si le conseil municipal acceptait une libéralité dont l'objet est incompatible avec ses attributions ou soumis à des conditions contraires à la loi, le préfet userait du pouvoir conféré par l'article 65 de la loi du 5 avril 1884 et annulerait la délibération (Circulaire du ministre de l'intérieur du 10 juin 1901. Bulletin de l'intérieur 1901, p. 310).

Toutefois, si la donation ou le legs a été fait à un hameau ou quartier d'une commune qui n'est pas encore à l'état de section ayant la personnalité civile, les habitants du hameau ou quartier seront appelés à élire une commission syndicale, conformément à l'article 129 ci-dessous. La commission syndicale délibérera sur l'acceptation de la libéralité, et, dans aucun cas, l'autorisation d'accepter ne pourra être accordée que par décret rendu dans la forme des règlements d'administration publique.

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Art. 112. Lorsque la délibération porte refus de dons ou legs, le préfet peut, par un arrêté motivé, inviter le conseil municipal à revenir sur sa première délibération. Le refus n'est définitif que si, par une seconde délibération, le conseil municipal déclare y persister ou si le préfet n'a pas requis de nouvelle délibération dans le mois de la réception de la délibération portant refus.

Si le don ou le legs a été fait à une section de commune et que le conseil municipal soit d'avis de refuser la libéralité, il sera procédé comme il est dit au paragraphe 2 de l'article 111.

Art. 4. Les établissements publics acceptent et refusent, sans autorisation de l'administration supérieure, les dons et legs qui leur sont faits sans charges, conditions ni affectation immobilière.

Lorsque ces dons ou legs sont grevés de charges, conditions ou d'affectation immobilière, l'acceptation ou le refus est autorisé par arrêté du préfet, si l'établissement bénéficiaire a le caractère communal ou départemental, et par décret en conseil d'État, s'il a le caractère national.

Toutefois, les conseils municipaux continueront à donner leur avis sur les dons et legs faits aux hospices et bureaux de bienfaisance qui auront le caractère communal, et, en cas de désaccord entre la commune et l'hospice ou bureau de bienfaisance sur l'acceptation ou le refus des libéralités, le préfet statuera définitivement par arrêté motivé (1).

Art. 5. L'acceptation des dons et legs faits aux établissements reconnus d'utilité publique est autorisée par le préfet du département où est le siège de l'établissement (2).

Toutefois, si la donation ou le legs consiste en immeubles d'une

(1) Malgré le mot définitivement, il ne parait pas douteux que l'arrêté du préfet peut être attaqué, soit devant le ministre, soit devant le conseil d'état, si les formalités légales n'ont pas été observées (circ. précitée).

(2) La même circulaire du 10 juin 1901, § V, trace aux préfets les règles suivant lesquelles ils auront à prononcer ces autorisations, et indique les pièces à produire avec la demande d'autorisation.

valeur supérieure à trois mille francs (3.000 fr.), l'autorisation est accordée par décret en conseil d'état (1).

Art. 6.

Il n'est pas dérogé à la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels.

Sont également maintenues les dispositions concernant l'autorisation des dons et legs faits aux établissements publics du culte, ainsi qu'aux congrégations et communautés religieuses autorisées. Art. 7. Dans tous les cas où les dons et legs donnent lieu à des réclamations des familles, l'autorisation de les accepter est donnée par décret en conseil d'état (2).

Art. 8.

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Tous les établissements peuvent, sans autorisation préalable, accepter provisoirement ou à titre conservatoire les dons et legs qui leur sont faits.

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Art. 9. Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi.

II.

LOI DU 23 FÉVRIER 1901, AYANT POUR OBJET DE DISPENSER LES INSTITUTEURS PUBLICS DE L'UN DES DEUX APPELS POUR LES MANOEUVRES OU EXERCICES DANS LA RÉSERVE (3).

Notice par M. Félix ROUSSEL, avocat à la cour d'appel, docteur en droit, membre du conseil municipal de Paris.

La loi du 15 juillet 1889 impose aux instituteurs l'obligation de contracter un engagement décennal au service de l'état, alors que la plupart des dispensés conditionnels sont libérés à vingt-six ou vingt-sept ans. Cette situation, d'autant plus anormale que les instituteurs s'occupent,

(1) L'évaluation de ce chiffre de trois mille francs pourra donner lieu à des difficultés qui ont été prévues dans la discussion au Sénat (séance du 11 décembre 1900). S'il y avait désaccord entre l'établissement intéressé et le préfet, appel pourrait être porté devant le ministre de l'intérieur.

(2) Toutes les fois qu'une réclamation se produit dans les trois mois après les formalités de publication prescrites par le décret du 1er février 1876, l'autorité qui aurait eu compétence pour statuer se trouve dessaisie, le dossier doit être transmis au ministre pour qu'il soit statué en conseil d'État. Sur la nature de la réclamation ou contestation, v. la circulaire préciteé (§ VII) et la circulaire du 15 mars 1896, à laquelle se réfère celle de 1901.

(3) J. Off. du 24 février 1901.

TRAVAUX PRÉPARATOIRES.

Chambre proposition de loi de M. Debussy, doc. 1899, p. 1888; rapport, urgence, adoption, 22 février 1900.- Sénat : rapport, doc. 1900, p. 768; urgence, adoption, 30 novembre 1900. rapport, doc. 1901, p. 84; adoption, 22 février 1901.

Chambre :

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en dehors des heures de classe, de nombreuses œuvres scolaires et postscolaires, attira l'attention du législateur et, au mois de juin 1889, M. le député Debussy déposa une proposition de loi ayant pour objet de dispenser les membres de l'enseignement public de l'une des périodes de vingt-huit jours auxquelles ils étaient assujettis.

La Chambre vota, le 22 février 1900, le principe de cette proposition, en la restreignant aux instituteurs publics pourvus d'un emploi. Le Sénat apporta au texte voté des modifications de forme qui furent adoptées par la Chambre sans discussion.

Article unique.

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L'article 49 de la loi du 15 juillet 1889 est complété par la disposition additionnelle suivante :

« Les instituteurs publics peuvent être dispensés de l'un des deux appels auxquels ils sont assujettis pendant leur temps de service dans la réserve de l'armée active. »

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LOI DU 25 FÉVRIER 1901, PORTANT FIXATION DU BUDGET GÉNÉRAL DES RECETTES ET DES DÉPENSES DE L'EXERCICE 1901 (1).

Art. 2 à 22, relatifs au régime fiscal des successions,

des mutations de nue-propriété et d'usufruit, et des donations (2). Notice et notes par M. Henri LÉVY ALVARÈS, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris.

HISTORIQUE. I. La réforme principale qu'introduit la loi de 1901 dans la législation de l'enregistrement consiste à abroger le principe, longtemps regardé comme fondamental, en vertu duquel, dans la per

(1) J. Off. du 26 février 1901.

TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre propositions de loi Dupuy-Dutemps, doc. 1893 (sess、 extraord.), p. 75; Boudenoot, ibid., p. 99; projet Burdeau, doc. 1894, p. 124; rapport, p. 1088; rectifié, p. 1100; 1er projet Poincaré, do». 1894, p. 1242; fer rapport Doumer, p. 1481; nouveau projet Poincaré, inséré dans le budget modifié de l'exercice 1893, du 10 janv. 1895; disjonction votée le 16 mars 1895, sur la demande de M. Ribot, ministre des finances; 2° rapport Doumer, doc. 1895 (sess. extraord.), p. 893; propos. Cochin, p. 906; discussion, 9 à 22 nov 1895; adoption 25 nov. 1895.

Senat: dépôt le 25 nov. 1895; rapport Cordelet 1895 (sess. extraord.), p. 283; 1 délib, 3 et 7 fév. 1898 (adoption d'un amendement Strauss et Peytral); rapport supplém. Dauphin, doc. 1898, p. 526; adoption en 1e délib., 2 mars 1900; retrait du projet le 2 juin 1900; nouveau texte inséré dans le projet de budget de 1901, doc. 1900, p. 1126; rapport Mesureur, p. 1737; discussion, 15, 16 et 19 nov. 1900; rapport Monestier, doc. 1900, p. 972; discussion 15, 17, 18, 22, 24, 25, 28 et 29 janv. 1904. (2) BIBLIOGRAPHIE.

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BESSON: La réforme fiscale des successions.

JEAN:

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