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ment débiteur, mais il aura son recours contre la femme pour moitié, si elle a accepté la communauté. Quant à la femme, elle ne sera exposée à aucune poursuite dans le cas de renonciation; et dans le cas contraire, elle ne pourra être poursuivie que comme commune, c'est-à-dire pour la moitié seulement qu'elle doit définitivement supporter dans la dette.

Au surplus, que la femme soit directement poursuivie par les créanciers du mari, ou qu'elle soit l'objet de l'action récursoire du mari ou de ses héritiers, elle peut toujours leur opposer le bénéfice que lui accorde l'art. 1483 de n'être tenue que jusqu'à concurrence de son émolument. Ainsi, en supposant que la moitié de la dette soit de 10 et que la part de la femme dans l'actif commun n'ait été que de 6, elle ne pourra être condamnée à payer les créanciers, ou à rembourser son mari que jusqu'à concurrence de 6.

Que décider relativement aux dettes provenant d'un délit commis par le mari, ou d'une succession immobilière à lui échue, et qui, sans tomber dans la communauté, peuvent cependant, tant qu'elle dure, être poursuivies sur les biens communs? Suivant les uns, la femme ne pourra pas être actionnée à raison de ces dettes, parce qu'elles n'ont pas été contractées dans un intérêt commun, et qu'elles doivent rester propres au mari, qui en est l'auteur. Celui-ci peut, dit-on, disposer des biens de la communauté, tant qu'elle dure; mais, après sa dissolution, la moitié de la femme doit rester intacte, lorsque la dette n'est pas réellement commune.

Suivant les autres, la dissolution de la communauté est un fait qui ne peut porter préjudice aux créanciers, et les droits qu'ils ont une fois acquis sur elle survivent à cette dissolution. Les priver de la faculté de poursuivre leur payement sur tous les biens de la communauté dissoute, quand ils avaient cette faculté sur la communauté non dissoute, serait d'ailleurs les punir de leur modération, et par cela même les stimuler à des poursuites immédiates, puisque leur gage peut d'un instant à l'autre diminuer de moitié. L'intérêt

même des époux veut donc, comme le droit des créanciers, que la dissolution de la communauté ne modifie pas l'exercice des actions appartenant à ces derniers. En conséquence la femme acceptante pourra être poursuivie pour la moitié des dettes dont nous parlons, mais elle aura recours contre son mari pour tout ce qu'elle aura payé. Ce second système nous paraît en tout point préférable au premier.

2° Lorsque la dette a été contractée par la femme, et qu'à raison de sa nature elle est tombée dans la communauté, la femme sera poursuivie pour le tout comme personnellement obligée, sauf son recours contre le mari pour moitié. Quant au mari, il pourra dans tous les cas être actionné pour cette moitié, puisqu'elle doit rester définitivement à sa charge; et il pourra même l'être pour le tout, quand il aura autorisé sa femme, puisqu'il est présumé l'autoriser dans un intérêt commun, sinon dans son propre intérêt. S'il paye le tout, il aura recours contre sa femme jusqu'à concurrence de la moitié qu'elle doit supporter, ou tout au moins jusqu'à concurrence de l'émolument qu'elle retire de la communauté.

3o Lorsque la dette a été contractée conjointement par le mari et la femme, le mari peut être poursuivi pour le tout, moitié en son nom personnel, moitié comme ayant autorisé sa femme, sauf son recours, s'il a payé plus que sa moitié. La femme ne pourra être poursuivie que pour la moitié.

4° Lorsque la dette a été contractée solidairement par les époux, chacun est sujet à l'action pour la totalité, sauf son recours contre l'autre, s'il a payé plus de la moitié.

5° Lorsqu'enfin la dette est hypothécaire, l'époux détenteur de l'immeuble hypothéqué peut, à raison de l'indivisibilité de l'hypothèque, être poursuivi pour la totalité, sauf son recours, s'il a payé plus de moitié.

Terminons par une remarque importante: il ne faut jamais confondre le cas où la femme est poursuivie comme personnellement obligée, et celui où elle est poursuivie

comme commune.

Dans le premier, rien ne peut arrêter l'action du créancier; car tout débiteur est tenu de ses obligations sur tous ses biens présents et à venir (art. 2092).

Dans le second, la femme nantie d'un inventaire régulier pourra toujours repousser l'action, lorsqu'elle aura épuisé son émolument. Toutefois, si elle a payé au delà, elle n'aura point de répétition contre le créancier (art. 1488). La loi présume en effet, avec raison, qu'elle se regardait comme tenue tout au moins d'une obligation naturelle, sinon d'une obligation civile.

Dans les deux cas, et si la dette était tombée sans récompense dans la communauté, la femme qui aurait payé plus de moitié exercera son recours contre le mari pour ce qui excède cette moitié, et s'il y a lieu, pour ce qui excède son émolument.

En fait, les époux payent rarement chacun la moitié de chaque dette, et l'un ou l'autre se charge du payement intégral de telles ou telles dettes déterminées. Mais il est clair que ces arrangements particuliers lient les époux seulement, et que les créanciers qui auraient intérêt à ne pas les accepter ont le droit de les méconnaître.

L'application des règles que nous venons d'exposer suppose la confection d'un inventaire régulier. Nous avons vu plus haut la double sanction édictée par le Code au cas où il n'en a pas été dressé. Ajoutons ici que la femme acceptante, qui n'aurait pas pour se protéger un inventaire régulier, serait obligée de payer aux créanciers la moitié des dettes communes, lors même que cette moitié excéderait son émolument 1. Et en effet, elle ne pourrait pas leur prouver que ce émolument n'a pas été suffisant pour couvrir la moitié du passif qui est à sa charge. La femme acceptante est à peu près, comme on le voit, dans la condition d'un héritier bénéficiaire. Cependant deux importantes différences les sépa

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rent. Ainsi l'héritier est tenu de faire au greffe une déclaration d'acceptation bénéficiaire (art. 793), et la femme n'y est pas obligée. Mais d'autre part l'héritier ne peut être poursuivi que sur les biens de succession, tandis que la femme peut être poursuivie même sur ses biens personnels, pourvu que le montant de l'action n'excède pas son émolument.

SIXIÈME SECTION

DE LA RENONCIATION A LA COMMUNAUTÉ, ET DE SES EFFETS.

ART. 1492. La femme qui renonce perd toute espèce de droit sur les biens de la communauté, et même sur le mobilier qui y est entré de son chef. - Elle retire seulement les linges et hardes à son usage.

1493. La femme renonçante a le droit de reprendre : — 1° les immeubles à elle appartenant, lorsqu'ils existent en nature, ou l'immeuble qui a été acquis en remploi ; 2o le prix de ses immeubles aliénés dont le remploi n'a pas été fait et accepté comme il est dit ci-dessus; 3o toutes les indemnités qui peuvent lui être

dues par la communauté.

1494. La femme renonçante est déchargée de toute contribution aux dettes de la communauté, tant à l'égard du mari qu'à l'égard des créanciers. Elle reste néanmoins tenue envers ceux-ci lorsqu'elle s'est obligée conjointement avec son mari, ou lorsque la dette, devenue dette de la communauté, provenait originairement de son chef; le tout sauf son recours contre le mari ou ses héritiers.

1495. Elle peut exercer toutes les actions et reprises ci-dessus détaillées, tant sur les biens de la communauté que sur les biens personnels du mari. Ses héritiers le peuvent de même, sauf en ce qui concerne le prélèvement des linges et hardes, ainsi que le logement et la nourriture pendant le délai donné pour faire inventaire et délibérer; lesquels droits sont purement personnels à la femme survivante.

Observation. Sous le régime de la communauté légale, la femme n'a pas grand intérêt à renoncer puisqu'elle ne supporte les dettes de communauté que jusqu'à concurrence de son émolument. Mais, lorsqu'elle a stipulé que, même renonçante, elle reprendrait son apport franc et quitte, cet inté

rêt prend naissance. D'ailleurs, dans toute hypothèse, elle évitera, par une renonciation, les poursuites des créanciers pour toutes les dettes qui ne lui sont pas personnelles.

En renonçant, la femme abandonne tout droit sur la communauté, dont les biens sont dès lors censés avoir toujours appartenu au mari. Néanmoins la loi permet à la femme, à la fois par convenance et par humanité, de reprendre malgré sa renonciation les linges et hardes à son usage (art. 1492). Ce droit lui est exclusivement personnel et ne saurait être étendu à ses héritiers (art. 1495).

Les dettes tombées dans la communauté restent entièrement à la charge du mari; et si la femme est poursuivie par ses créanciers comme personnellement débitrice, elle exercera son recours contre lui pour la totalité.

Les reprises de la femme renonçante s'exercent tant sur les biens de la communauté que sur les biens du mari. Seulement alors la femme n'agit plus contre une masse indivise dont elle serait copropriétaire, mais contre son mari qui englobe tous les biens de la communauté dans sa fortune personnelle, et qui par rapport à elle n'est plus qu'un débiteur ordinaire. Dès lors, le mari aura le droit de ne la payer qu'en numéraire, et si, en fait, il lui donne en payement soit des biens personnels, soit des biens ayant appartenu à la communauté, on ne devra plus voir dans cette datio in solutum un incident de partage, mais une mutation de propriété devant être transcrite pour devenir opposable aux tiers, et donnant lieu à la perception du droit proportionnel de mutation 1.

DISPOSITION RELATIVE A LA COMMUNAUTÉ LÉGALE, LORSQUE L'UN DES ÉPOUX OU TOUS DEUX ONT DES ENFANTS DE PRÉCÉDENTS MARIAGES.

ART. 1496. Tout ce qui est dit ci-dessus sera observé même lorsque l'un des époux ou tous deux auront des enfants de précédents mariages. Si toutefcis la confusion du mobilier et des dettes

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