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D'abord, que l'éviction soit pro diviso ou qu'elle soit pro indiviso, l'acheteur peut demanderl a résolution du contrat, si l'importance de l'éviction est telle, qu'il n'eût pas contracté dans le cas où il l'eût prévue (art. 1636). Quand cette résolution est prononcée, on rentre dans l'hypothèse de l'éviction totale et tout se règle comme nous venons de le dire. Lorsqu'au contraire la vente est maintenue, certains auteurs prétendent qu'il faut distinguer entre l'éviction pro diviso et l'éviction pro indiviso.

Au cas d'éviction pro diviso, la solution ne souffre pas de difficulté. En effet, l'art. 1637 dit que le vendeur est tenu de rembourser à l'acheteur la valeur de la chose particulière dont il est évincé suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non pas une valeur proportionnelle au prix de cette chose dans le prix total de la vente, de telle sorte que, si la chose a augmenté de valeur, l'acheteur aura la plus value, mais que, si elle a diminué, il supportera la perte. En supposant, dans l'exemple cité plus haut, que le domaine comprenant la vigne sur laquelle porte l'éviction ait été vendu 40,000 fr., et que cette vigne représentât le quart de cette somme, c'està-dire 10,000 fr., l'acheteur n'a pas le droit de demander au vendeur la restitution pure et simple des 10,000 fr., mais il doit faire procéder à l'estimation de la vigne au moment de l'éviction, et si, d'après cette estimation, la vigne vaut 12,000 fr., ou seulement 8,000, il aura droit à une indemnité de 12,000, ou seulement de 8,000 fr.

Cette solution, contraire aux principes que nous avons exposés plus haut au sujet de l'éviction totale, est conforme au droit romain et profondément juste, puisque, si l'acheteur a les chances de plus value, il doit aussi supporter celles de détérioration ou de perte.

Arrivons au cas d'éviction pro indiviso. Plusieurs auteurs veulent appliquer à ce cas les solutions données dans l'hypothèse d'une éviction totale. Supposons, par exemple, une éviction de moitié de la chose vendue. Le vendeur devra,

TOME III.

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selon eux, restituer à l'acheteur moitié du prix, des fruits, des dommages-intérêts et des frais et loyaux coûts du contrat. Dans cette opinion, l'article 1637 n'aurait statué que sur l'éviction pro diviso, et, quand l'éviction a lieu pro indiviso, il n'y aurait aucune raison de ne pas appliquer à la quote-part les règles applicables à la totalité.

Cette opinion doit, à notre avis, être rejetée. D'abord l'article 1637 statue sur l'éviction partielle sans distinguer si cette éviction a eu lieu pro diviso ou pro indiviso. La solution qu'il donne est incontestablement plus équitable que celle donnée au cas d'éviction totale. Et enfin les restitutions imposées au vendeur, dans le cas d'éviction totale, sont motivées sur ce qu'il garderait sans cause le prix qu'il a reçu de l'acheteur. Or ici cette objection ne peut pas se produire, puisque la vente est maintenue et que la chose reste en partie aux mains de l'acheteur. En conséquence, le vendeur ne doit dans tous les cas à ce dernier que la valeur de ce dont il est évincé d'après l'estimation faite au moment de l'éviction.

L'article 1638 prévoit l'hypothèse où l'acheteur est évincé, non plus de la propriété de tout ou partie de la chose, mais d'un démembrement de cette propriété. Cette éviction a lieu, par exemple, si un tiers revendique une servitude sur l'immeuble vendu. Quel sera le droit de l'acheteur, ainsi troublé dans sa possession?

Il faut d'abord dire que l'acheteur ne pourra se plaindre que si la servitude est occulte de sa nature, et ne lui a pas été révélée par le vendeur ou par la transcription du titre qui l'a constituée. En supposant son action fondée, on devra distinguer comme précédemment si la servitude est ou non assez onéreuse pour motiver la résolution de la vente. Au cas où cette résolution serait demandée par l'acheteur et prononcée par la justice, on rentrerait dans l'hypothèse et sous l'empire des règles de l'éviction totale. Au cas contraire, l'acheteur n'aurait à réclamer qu'une indemnité, et cette

indemnité serait évidemment calculée comme au cas d'éviction partielle, sur l'importance du préjudice au moment de l'éviction.

Même solution au cas où l'acheteur serait dépouillé d'une servitude active que le vendeur lui avait faussement déclaré exister au profit de l'immeuble aliéné.

Des PERSONNES TENUES de l'action en garantie. En sont tenus tous les vendeurs amiables, que la vente ait eu lieu de gré à gré entre les parties, ou qu'elle ait été faite par voie d'adjudication sur publications volontaires, soit devant un notaire, soit devant le tribunal. Mais quand la vente est forcée, et qu'elle a lieu sur la saisie des créanciers, l'action en garantie appartient-elle à l'adjudicataire?

La raison de douter vient de ce que, dans ce cas, il n'y a pas à proprement parler de vendeur, puisque la vente est faite malgré le propriétaire de l'immeuble saisi. Cependant il faut reconnaître que le débiteur, dont on vend ainsi l'immeuble, profite du prix d'adjudication qui le libère envers ses créanciers jusqu'à due concurrence. Dès lors ce débiteur doit être tenu de la restitution du prix principal envers l'adjudicataire évincé1, mais, comme il n'y a de sa part aucun fait volontaire, il ne lui devra pas des dommages-intérêts.

Un débiteur saisi est presque toujours insolvable, et dès lors un recours contre lui est illusoire. Aussi la plupart des auteurs accordent-ils à l'adjudicataire une action en répétition contre les créanciers eux-mêmes, auxquels le prix d'adjudication a été payé. Ce recours nous semble parfaitement fondé. En effet, l'adjudicataire entendait payer sa propre dette, et non celles du saisi. Si le payement a été fait entre les mains de ses créanciers, ce n'est que par suite d'une délégation judiciaire. En d'autres termes, les créanciers ont touché comme étant aux droits du saisi lui-même, et ils sont exposés aux actions qui pourraient atteindre ce dernier.

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L'erreur qui a été commise ne peut donc pas les soustraire à la condictio indebiti de la part de l'adjudicataire, qui ne devait pas réellement ce qu'il a payé. Toutefois il est clair qu'ils lui devront seulement la restitution de ce qu'ils ont reçu, et non des dommages-intérêts. 1

On s'est demandé si un second acheteur peut agir directement contre le premier vendeur, ou s'il ne peut atteindre celui-ci qu'en vertu de l'article 1166 et en e xerçant les droits du premier acheteur.

La question a son intérêt, car si le premier acheteur est insolvable, et que le second ne puisse pas atteindre directement le vendeur originaire, toutes les sommes que celui-ci payera comme garant tomberont dans la faillite ou la déconfiture de ce premier acheteur, tandis qu'au contraire si l'action directe du second acheteur contre le premier vendeur est recevable, toutes ces sommes appartiendront à ce second acheteur.

On décide, avec raison, que le second acheteur peut agir directement contre le premier vendeur. Et, en effet, lorsque la seconde vente a lieu, le premier acheteur transporte, par cela même, au second, non-seulement ses droits présumés de propriété sur la chose, mais encore toutes les actions personnelles qu'il peut avoir contre le vendeur originaire. Parmi ces droits ainsi transportés figure l'action en garantie, et le second acheteur, devenu cessionnaire de cette action, peut l'intenter contre le vendeur primitif sans se préoccuper de la faillite ou de la déconfiture du premier acheteur. Les sommes dues par le vendeur seront dès lors versées entre ses propres mains et lui profiteront intégralement.

§ 2.

- De la garantie des défauts de la chose vendue.

ART. 1641. Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage

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auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus 1.

1 Loi du 20 mai 1838, concernant les vices rédhibitoires dans les ventes et échanges d'animaux domestiques.

1. Sont réputés vices rédhibitoires et donneront seuls ouverture à l'action résultant de l'aricle 1641 du Code civil, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques ci-dessous dénommés, sans distinction des localités où les ventes et échanges auront eu lieu, les maladies ou défauts ci-après ; savoir :

Pour le cheval, l'âne ou le mulet.

La fluxion périodique des yeux, l'épilepsie ou le mal caduc, la morve, le farcin, les maladies anciennes de poitrine ou vieilles courbatures, l'immobilité, la pousse, le cornage chronique, le tic sans usure des dents, les hernies inguinales intermittentes, la boiterie intermittente pour cause de vieux mal.

Pour l'espèce bovine.

La phthisie pulmonaire ou pommelière, l'épilepsie ou mal caduc.

Les suites de la non-délivrance,

Le renversement du vagin ou de l'utérus, après le part chezle vendeur.

:

Pour l'espèce ovine.

La clavelée cette maladie reconnue chez un seul animal entraînera la rédhibition de tout le troupeau.

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La rédhibition n'aura lieu que si le

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troupeau porte la marque du vendeur. Le sang-de-rate cette maladie n'entraînera la rédhibition du troupeau qu'autant que, dans le délai de la garantie, sa perte constatée s'élèvera au quinzième au moins des animaux achetés. Dans ce dernier cas, la rédhibition n'aura lieu également que si le troupeau porte la marque du vendeur.

2. L'action en réduction du prix, autorisée par l'article 1664 du Code civil, ne pourra être exercée dans les ventes et échanges d'animaux énoncés dans l'article 1er ci-dessus.

3. Le délai pour intenter l'action rédhibitoire sera, non compris le jour fixé pour la livraison, de trente jours pour le cas de fluxion périodique des yeux et d'épilepsie ou mal caduc; de neuf jours pour tous les au

tres cas.

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4. Si la livraison de l'animal a été effectuée, ou s'il a été conduit, dans les délais ci-dessus, hors du lieu du domicile du vendeur, les délais seront augmentés d'un jour par cinq myriamètres de distance du domicile du vendeur au lieu où l'animal se trouve.

5. Dans tous les cas, l'acheteur, à peine d'être non recevable, sera tenu de provoquer, dans les délais de l'article 3, la nomination d'experts chargés de dresser procès-verbal; la requête sera présentée au juge de paix du lieu où se trouve l'animal. Ce juge nommera immédiatement, suivant l'exigence des cas, un ou trois experts, qui devront opérer dans le plus bref délai.

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