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membrement de la propriété, et même un droit immobilier lorsqu'il a pour objet un immeuble, ce qui le rend susceptible d'hypothèque ;

Ne peut être constitué que par une personne ayant capacité d'aliéner, car il est une aliénation partielle de la propriété; Peut être établi à titre gratuit;

Finit nécessairement avec la vie de l'usufruitier;

Donne la faculté de jouir par soi-même, mais non celle de contraindre le nu propriétaire à procurer cette jouissance, en faisant des réparations quelconques;

Donne une possession non précaire, qui peut conduire à la prescription.

PERSONNALITÉ du droit du preneur. - Nous avons dit que le droit du preneur est toujours personnel. Cette proposition était incontestable et incontestée en droit romain et dans l'ancien droit français. Le louage ne produisait que des obligations entre les parties contractantes, et le preneur avait si peu un droit direct et réel sur la chose louée, qu'il pouvait être expulsé par un tiers qui l'aurait achetée postérieurement à la location, sauf son recours contre le bailleur qui ne lui procurait pas la jouissance promise.

La loi romaine disait :

Emptorem quidem fundi necesse non est stare colono cui prior dominus locavit, nisi ed lege emit.

Aujourd'hui, cependant, certains auteurs soutiennent que le preneur d'un immeuble a un droit réel; ils se fondent sur l'article 1743 du Code Nap., aux termes duquel l'acheteur ne peut expulser le fermier ou locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine ; et sur l'art. 684 du Code procéd. civ., aux termes duquel les créanciers du débiteur saisi et l'adjudicataire sont tenus de respecter les baux qui ont acquis date certaine avant le commandement tendant à la saisie de l'immeuble loué 1.

1 Paris, 8 juillet 1861, 12 mars 1863.

Il est certain que, dans ces deux cas, le droit du preneur a le principal caractère et produit le principal effet du droit réel, qui consiste à être opposable aux tiers. Mais faut-il en conclure que ce droit, qui était autrefois personnel, a été véritablement transformé en droit réel, ou bien que c'est seulement par exception qu'il produit les effets d'un droit réel?

Cette dernière idée nous paraît seule exacte et au point de vue des textes et au point de vue historique.

Effectivement, si le droit du preneur était réel, il aurait ce caractère dès le moment même du contrat, puisque, chez nous, le seul consentement suffit pour transférer la propriété, et, à plus forte raison, les droits réels moins étendus que la propriété. Or, ce n'est point là ce qui arrive, puisque le preneur ne peut opposer son droit à l'acheteur qu'à la double condition d'être entré en jouissance lors de l'acquisition, et de produire un acte authentique ou ayant date certaine.

L'historique de la question vient à l'appui de ce système. Frappée des inconvénients que présentait pour l'agriculture et le commerce l'application rigoureuse des anciens principes, l'Assemblée constituante y dérogea d'abord en ce qui concernait les biens ruraux ; elle décréta que le preneur qui aurait un bail de six années et au-dessous ne pourrait plus être expulsé par l'acheteur; et lorsque le bail était de plus de six années, l'acheteur ne pouvait user de son droit d'expulsion que sous la condition de cultiver lui-même sa propriété, et de dédommager au préalable le fermier, à dire d'experts, des avantages qu'il aurait retirés de son exploitation. Comme on le voit, l'Assemblée constituante n'entendait nullement renverser les anciens principes, mais elle en restreignait l'application à de justes limites.

Guidés par les mêmes motifs, les rédacteurs du Code ont admis la même restriction; seulement ils n'ont plus distingué si les baux sont de biens ruraux ou de biens urbains, ni s'ils doivent durer plus ou moins de six années. Il est done, à

coup sûr, téméraire d'affirmer qu'ils ont converti le droit personnel du preneur en un droit réel 1.

Comment alors expliquer que, dans les cas cités plus haut, le droit du preneur soit opposable aux tiers? Nous pensons que ce résultat dérive d'une véritable subrogation que la loi impose à l'acquéreur de l'immeuble ou aux créanciers saisissants, dans les obligations que le bailleur a contractées envers le preneur de ne pas le troubler dans la jouissance paisible et utile de l'immeuble loué. Ni l'acquéreur ni les créanciers ne peuvent se plaindre de cette subrogation forcée que la loi leur impose, puisqu'ils ont vu au moment de leur contrat ou de leur saisie le preneur déjà en possession de l'immeuble, et qu'ils ont dû s'attendre à subir le bail qui lui avait été consenti et qui était en cours d'exécution.

Au surplus, l'intérêt même du preneur est d'avoir un droit personnel, plutôt qu'un droit réel, car il peut ainsi toujours contraindre le bailleur à le faire jouir, tandis que, s'il avait un droit réel comme l'usufruitier, le bailleur devrait simplement le laisser jouir, sans être tenu de faire toutes les réparations qui doivent assurer cette jouissance. Du moins, telle est la conséquence à laquelle conduirait l'application rigoureuse des principes.

La loi Emptorem sera encore appliquée lorsque le preneur ne sera pas entré en jouissance au moment de la vente, et, au lieu que son droit soit, dans ce cas, opposable à l'acheteur, c'est le droit de l'acheteur qui lui sera opposable. Cela résulte des expressions du Code, qui, en accordant au preneur la faculté de ne pas être expulsé, lui refuse, par cela même, celle d'entrer en jouissance malgré l'acheteur.

De ce que le droit du preneur est personnel, il résulte : 1° qu'il ne pourra pas être hypothéqué, et qu'entre deux fermiers ou locataires de la même chose, celui-là devra être préféré à l'autre, qui le premier aura été mis en possession;

1 Valette, Priv. et hyp. t. II, p. 195. Demolombe, t. IX, p. 493. Massé et Vergé, t. IV, § 698, note 2. - Cass., 6 mars 1861, et 21 fév. 1865.

2o que si le bailleur perd un procès en revendication intenté contre lui, le preneur ne pourra pas se soustraire, en plaidant à son tour, aux effets de ce jugement, puisque, n'ayant pas de droit sur la chose, il a été représenté dans l'instance par le bailleur dont il est simplement créancier au point de vue de la jouissance; 3° que le droit au bail dont l'un des futurs époux serait investi au moment du mariage tomberait dans la communauté à raison de son caractère mobilier.

Quoique le droit du preneur soit toujours personnel, les tiers qui doivent le respecter ont le plus grand intérêt à le connaître. Aussi la loi du 23 mars 1855 a-t-elle soumis à la transcription les baux de plus de 18 ans, et même les quittances anticipées de plus de trois années de loyers ou fermages (art. 24°).

CHAPITRE II

DU LOUAGE DES CHOSES.

ART. 1713. On peut louer toutes sortes de biens meubles et immeubles.

Des choses susceptibles d'être louées. Toutes choses peuvent être l'objet d'un louage. Cependant quelques exceptions doivent être apportées à ce principe: ainsi les choses dont on ne peut user sans les consommer résistent à toute location, car la principale des obligations du locataire, qui est de conserver la chose, pour la restituer au temps convenu, ne peut être remplie 1. Au surplus, les choses qui se consomment par le premier usage peuvent quelquefois être considérées par les parties comme des corps certains qui devront être conservés et restitués en nature. En un mot, les choses fongibles sont déterminées, comme nous

1 Marcadé, art. 1713, no 2.

Aubry et Rau, t. III, § 364, p. 339.

le verrons plus tard, non par leur nature, maist par l'intention des contractants.

Pareillement, il n'est pas permis de louer les droits exclusivement attachés à la personne, tels que ceux d'usage et d'habitation; car les besoins du preneur pourraient être plus étendus que ceux de l'usager, et il y aurait, dans ce bail, une violation de la convention tacite, intervenue entre le nu propriétaire et celui qui a le droit d'usage ou d'habitation, d'après laquelle ce dernier doit jouir par lui-même.

PREMIÈRE SECTION

DES RÈGLES COMMUNES AUX BAUX DES MAISONS ET DES BIENS RURAUX.

ART. 1714. On peut louer ou par écrit, ou verbalement.

1715. Si le bail fait sans écrit n'a encore reçu aucune exécution, et que l'une des parties le nie, la preuve ne peut être reçue par témoins, quelque modique qu'en soit le prix, et quoiqu'on allègue qu'il y a eu des arrhes données. Le serment peut seulement

être déféré à celui qui nie le bail.

1716. Lorsqu'il y aura contestation sur le prix du bail verbal dont l'exécution a commencé, et qu'il n'existera point de quittance, le propriétaire en sera cru sur son serment, si mieux n'aime le locataire demander l'estimation par experts; auquel cas les frais de l'expertise restent à sa charge, si l'estimation excède le prix qu'il a déclaré.

1717. Le preneur a le droit de sous-louer, et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite. Elle peut être interdite pour le tout ou partie. Cette clause est toujours de rigueur.

1718. Les articles du titre du Contrat de mariage et des Droits respectifs des époux, relatifs aux baux des biens des femmes mariées, sont applicables aux baux des biens des mineurs.

1719. Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1o de délivrer au preneur la chose louée; - 2o d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée; 3o d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

1720. Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du

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