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DURÉE de la rente viagère. — La rente viagère est presque toujours constituée sur la tête du créancier lui-même; mais rien n'empêche de la constituer sur la tête d'autres personnes actuellement existantes, lors même qu'elles seraient totalement étrangères à celui qui jouit des arrérages. Cependant il est interdit par les lois de certains pays, notamment par la loi anglaise, de constituer des rentes sur la tête du souverain, car si un grand nombre de débiteurs étaient intéressés à sa mort, il pourrait en résulter un péril pour sa vie.

La rente constituée sur la tête d'une ou plusieurs personnes finit nécessairement avec le dernier survivant, car si elle passait sur la tête des héritiers, elle deviendrait perpétuelle.

Dans la rente viagère, comme dans tout contrat aléatoire, il doit y avoir chance sérieuse de perte ou de gain pour chacune des parties; or, cette chance n'a pas existé lorsque la personne sur la tête de laquelle la rente était constituée ne vivait plus au moment du contrat, car le créancier n'a entendu aliéner son capital qu'à la condition de toucher des arrérages pendant un temps plus ou moins long, et ici cette créance d'arrérages n'a pu prendre naissance. Dès lors, l'article 1974 annule, comme faite sans cause, une pareille constitution de rente viagère.

A ce cas l'art. 1975 assimile celui où la personne, malade au moment du contrat, est morte, dans les vingt jours de sa date, de la même maladie. Ici la dette d'arrérages a pu prendre naissance; mais le Code ne regarde pas les chances que courait le débiteur, comme suffisantes pour justifier l'aliénation que le créancier a faite de son capital. Peu importe, d'ailleurs, que la maladie ait ou non été connue du constituant. Le Code n'a pas reproduit cette distinction de Pothiér.

Si le décès survenu dans les vingt jours du contrat était causé par un accident, la rente se trouverait avoir été valablement constituée, et le capital resterait acquis au débiteur,

TOME III.

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qui avait sérieusement couru la chance de payer indéfiniment les arrérages.

La constitution de la rente viagère devrait également être validée si, ayant été faite sur la tête de deux personnes, l'une mourait dans les 20 jours, tandis que l'autre survivrait à ce délai. Le débiteur est toujours présumé avoir couru des chances sérieuses 1.

DEUXIÈME SECTION

DES EFFETS DU CONTRAT ENTRE LES PARTIES CONTRACTANTES.

ART. 1977. Celui au profit duquel la rente viagère a été constituée moyennant un prix peut demander la résiliation du contrat, si le constituant ne lui donne pas les sûretés stipulées pour son exécution.

1978. Le seul défaut de payement des arrérages de la rente n'autorise point celui, en faveur de qui elle est constituée, à demander le remboursement du capital ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné ; il n'a que le droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur, et de faire ordonner ou consentir, sur le produit de la vente, l'emploi d'une somme suffisante pour le service des arrérages.

1979. Le constituant ne peut se libérer du payement de la rente en offrant de rembourser le capital et en renonçant à la répétition des arrérages payés ; il est tenu de servir la rente pendant toute la vie de la personne ou des personnes sur la tête desquelles la rente a été constituée, quelle que soit la durée de la vie de ces personnes et quelque onéreux`qu'ait pu devenir le service de la rente.

1980. La rente viagère n'est acquise au propriétaire que dans la proportion du nombre de jours qu'il a vécu. Néanmoins, s'il a été convenu qu'elle serait payée d'avance, le terme qui a dû être payé est acquis du jour où le payement a dû en être fait.

1981. La rente viagère ne peut être stipulée insaisissable que lorsqu'elle a été constituée à titre gratuit.

1982. La rente viagère ne s'éteint pas par la mort civile du propriétaire; le payement doit en être continué pendant sa vie naturelle.

1983. Le propriétaire d'une rente viagère n'en peut demander les arrérages qu'en justifiant de son existence, ou de celle de la personne sur la tête de laquelle elle a été constituée.

1 Mourlon, t. III, art. 1975. Pont, no 721.

Paris, 23 mai 1865.

Des EFFETS du contrat. Le débiteur est tenu envers le créancier d'une double obligation. Il doit :

1° fournir les sûretés promises;

2o Payer les arrérages convenus.

Lorsqu'il manque à la première obligation, le créancier peut demander la résolution du contrat pour inexécution des conditions. Mais cette résolution n'a pas lieu de plein droit, et si le créancier venait à mourir, ou si le débiteur fournissait les sûretés promises, avant le jugement qui doit la prononcer, l'action s'éteindrait faute de cause.

Lorsque le débiteur manque à la seconde obligation, le créancier ne peut plus demander la résolution du contrat et la restitution de son capital; car, du moment que les choses ne sont plus entières, et que des chances ont été courues par l'une et l'autre des parties, il est impossible de rétablir les positions respectives qui existaient lors du contrat.

L'art. 1978 déclare que, dans ce cas, les biens du débiteur seront vendus jusqu'à concurrence d'une somme dont les intérêts égalent le montant des arrérages. Le créancier touchera les intérêts, et le débiteur conservera le capital; de cette manière les chances qui résultaient du contrat n'auront été nullement modifiées.

Mais si les biens du débiteur sont insuffisants pour produire la somme voulue, l'on rentre dans l'hypothèse précédente, et le créancier peut exiger le remboursement de son capital, faute de recevoir les sûretés promises. On fixera ce capital approximativement, selon la durée probable de la vie du créancier, ou de la personne sur la tête de laquelle la rente a été constituée.

De l'ACQUISITION des ARRÉRAGES. Les arrérages sont des fruits civils et s'acquièrent jour par jour; c'est-à-dire que le créancier ou ses héritiers pourront en exiger autant de 365mes que la personne, sur la tête de laquelle reposait la rente, aura vécu de jours dans l'année.

On ne déroge à cette règle qu'en cas de stipulation contraire.

De l'INSAISISSABILITÉ des rentes viagères. Tous les biens d'un débiteur sont saisissables, et il ne peut dépendre de lui de les soustraire à la poursuite de ses créanciers, en les rendant insaisissables. La clause d'insaisissabilité devient valable lorsqu'elle émane d'un donateur de la rente viagère; car les créanciers du donataire, n'ayant jamais dù compter sur les arrérages perçus par lui, ne peuvent critiquer une disposition sans laquelle la rente n'eût peut-être pas été constituée. Cependant, s'ils ont traité avec le donataire postérieurement à la constitution, l'article 582 du Code de procédure accorde au juge le pouvoir d'autoriser la saisie des arrérages pour la portion qu'il déterminera.

Touterente constituée à titre d'aliments est, par cela même, insaisissable (art. 581 C. pr.).

De l'EXTINCTION de la rente viagère. La rente viagère ne s'éteint que par la mort de la personne sur la tête de laquelle elle était constituée.

Un certificat de vie, délivré par le président du tribunal ou le maire (loi du 27 mars 1791), ou encore par un notaire, peut être exigé du créancier qui réclame le payement des arrérages.

LIVRE III. TITRE XIII.

(Décrété le 10 mars 1804. Promulgué le 20 du même mois.)

Du Mandat.

CHAPITRE PREMIER

DE LA NATURE ET DE LA FORME DU MANDAT.

ART. 1984. Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour

le mandant et en son nom. ceptation du mandataire.

Le contrat ne se forme que par l'ac

1985. Le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement ; mais la preuve testimoniale n'en est reçue que conformément au titre des Contrats ou des Obligations conventionnelles en général. L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire.

1986. Le mandat est gratuit, s'il n'y a convention contraire. 1987. Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant.

1988. Le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration. S'il s'agit d'aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès.

1989. Le mandataire ne peut rien faire au delà de ce qui est porté dans son mandat; le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre.

1990. Les femmes et les mineurs émancipés peuvent être choisis pour mandataires; mais le mandant n'a d'action contre le mandataire mineur que d'après les règles générales relatives aux obligations des mineurs ; et contre la femme mariée et qui a accepté le mandat sans autorisation de son mari, que d'après les règles établies au titre du Contrat de mariage et des Droits respectifs des époux.

par

le

DÉFINITION du MANDAT. Le mandat est un contrat quel un individu, appelé mandant, donne le pouvoir de faire quelque chose en son nom à un autre individu appelé mandataire, qui l'accepte (art. 1984).

On appelle plus spécialement procuration le pouvoir donné par le mandant au mandataire, et mandat le contrat qui résulte de l'acceptation par ce dernier du pouvoir qui lui est conféré.

Le mandat (manus data) suppose de la part du mandant la confiance, et de la part du mandataire le dévouement. Pour qu'il existe, il ne suffit pas que le pouvoir donné par l'un soit constant; il faut encore que l'acceptation émanée de l'autre soit certaine, et, selon les circonstances, on pourra décider que le mandataire qui a reçu la procuration s'est engagé à

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