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Depuis la loi du 3 septembre 1807, les parties ne pourraient pas convenir, comme sous l'empire du Code, que les intérêts et les fruits se compenseraient, quelle que fùt leur valeur relative : il y aurait pacte usuraire, et, par suite, illicite, si l'importance des fruits excédait celle des intérêts calculés au taux de 5 pour cent en matière civile, et de 6 pour cent en matière commerciale. Au surplus, tout cela est vrai pour le gage comme pour l'antichrèse.

Le créancier, étant le gardien et l'administrateur de l'immeuble qu'il a reçu en nantissement, doit :

1° Payer les contributions et autres charges annuelles ; 2o Pourvoir aux réparations nécessaires, sauf imputation sur les fruits de tous ses déboursés.

Il peut, à moins d'une convention contraire, se libérer de cette double obligation en renonçant à l'antichrèse.

Faisons observer, en terminant, que, malgré son droit de rétention, le créancier antichrésiste ne pourrait pas empêcher la saisie de l'immeuble par les créanciers de son débiteur, qui sont porteurs de titres exécutoires. Seulement cette saisie ne devra point lui préjudicier, toutes les fois que son droit sera opposable aux créanciers saisissants. On atteindra ce but par l'insertion, dans le cahier des charges, d'une clause portant que l'adjudicataire ne pourra entrer en possession de l'immeuble, qu'après avoir intégralement désintéressé le créancier antichrésiste. Et même, si ce dernier a une créance non échue, et qu'il ait stipulé le terme à son profit, par exemple pour faire un placement de ses capitaux sur antichrèse, l'adjudication devra être retardée jusqu'à l'échéance du terme, car autrement elle nuirait au créancier, ce qui ne peut être.

LIVRE III. TITRE XVIII

(Décrété le 19 mars 1804. Promulgué le 29 du même mois.)

Des Priviléges et des Hypothèques.

NOTIONS GÉNÉRALES

L'exécution des obligations est un des éléments les plus essentiels du crédit public, et, par suite, de la prospérité générale. Le législateur devait donc organiser un système de garanties tendant à ce but avec ensemble, et l'atteignant avec sûreté.

Tous les peuples ont senti ce besoin, les anciens comme les modernes, et plus on remonte dans l'histoire, plus les moyens de contrainte donnés par la loi au créancier contre le débiteur sont énergiques. La loi des Douze-Tables conférait au créancier le droit de vie et de mort sur la personne du débiteur, et les Égyptiens privaient de la sépulture celui qui mourait insolvable.

Chez les peuples modernes, la législation est plus portée à épargner les personnes, mais plus ingénieuse à saisir les biens, de sorte que, sans diminuer les ressources du crédit, elle a arrêté le pouvoir du créancier aux limites indiquées par l'humanité et la raison.

Les sûretés que le Code offre aux créanciers sont de deux espèces :

Les unes sont personnelles et reposent sur la tête du débiteur ou sur celle d'un coobligé, tel qu'une caution ou un codébiteur solidaire;

Les autres sont réelles et portent sur une chose affectée au payement de la dette, soit à titre de garantie générale, soit à titre de garantie spéciale.

En tête des garanties spéciales, se placent les priviléges et les hypothèques.

Les priviléges, toujours créés par la loi, servent aux créanciers qui, par des raisons d'humanité, d'ordre ou d'intérêt public, les ont soit acquis sur les biens de leur débiteur, soit retenus sur des effets par eux aliénés. Ils priment les hypothèques, quelle que soit la date de leur naissance, et lors même que les tiers n'auraient pas pu les prévoir.

Les hypothèques, quelquefois créées par la loi, le plus souvent par les parties, servent aux créanciers qui, à raison de leur qualité ou de la nature de leur titre, méritaient une garantie spéciale, dont l'effet fût cependant, pour les tiers, moins préjudiciable que celui des priviléges; ou qui, refusant de suivre la foi de leur débiteur, n'ont traité avec lui qu'à la condition d'être protégés par ces hypothèques.

L'organisation du crédit attaché aux sûretés réelles, toujours les plus solides, a depuis longtemps été l'objet d'efforts moins heureux que multipliés, et l'on en est encore à désirer un bon régime hypothécaire.

Cependant un grand pas a été fait vers ce but. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les législations ancienne et moderne.

A Rome, les emprunteurs étaient, dans le principe, obligés de transférer la propriété du gage à leurs créanciers. Ils ne devaient le recouvrer qu'après s'être acquittés de leur dette. C'était le contrat de fiducie.

Plus tard, vint celui de gage proprement dit. Le débiteur remit simplement la chose au créancier, sans lui en transférer la propriété. Celui-ci ne pouvait en disposer que si le débiteur, sommé de payer, n'exécutait point son obligation.

Enfin, le droit prétorien donna naissance à l'hypothèque. Elle supprima l'inconvénient de la dépossession qui résultait dugage, comme le gage avait supprimé le danger de l'aliénation qui résultait du contrat de fiducie. Le débiteur put donner, sans cesser d'être à la fois propriétaire et détenteur de la chose, une garantie non moins efficace que celles antérieurement permises. Effectivement, le créancier hypothé

caire obtint la faculté de poursuivre, sur la tête du débiteur et même sur celle des tiers détenteurs, la vente des biens qui lui servaient de garantie, et d'être payé sur le prix par préférence aux créanciers chirographaires et aux créanciers hypothécaires dont le titre était postérieur au sien.

Un double vice affectait ce régime hypothécaire encore dans l'enfance.

D'une part, le débiteur pouvait d'un seul coup, et pour une dette insignifiante, grever d'hypothèque tous ses biens présents et à venir, mobiliers ou immobiliers, et ruiner ainsi d'avance son crédit.

D'autre part, l'hypothèque était occulte, c'est-à-dire que rien n'en révélait au public l'existence. De là, un risque pour le créancier, qui n'avait aucun moyen de connaître le nombre et l'importance des hypothèques précédant la sienne, et, par contre, un préjudice pour le débiteur, qui ne pouvait pas prouver la franchise totale ou partielle de son patrimoine.

Les législations modernes ont introduit deux améliorations capitales; la spécialité et la publicité des hypothèques. Aujourd'hui, le débiteur ne peut hypothéquer ses immeubles que par une désignation détaillée, et les créanciers sont mis au courant, par un registre public, de leur état hypothécaire.

Ce n'est pas ici le lieu d'examiner toutes les réformes tentées ou à tenter en matière d'hypothèques. Nous signalerons, en passant, les dispositions du Code qui ont été le plus critiquées par les jurisconsultes, et les innovations qui sont le plus sollicitées par les publicistes.

Le Code expose successivement le droit commun, les priviléges, et les hypothéques.

CHAPITRE PREMIER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

ART. 2092. Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir.

2093. Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.

2094. Les causes légitimes de préférence sont les priviléges et hypothèques.

Du DROIT COMMUN entre CRÉANCIERS et DÉBITEURS. Tous les biens d'un débiteur sont le gage commun do ses créanciers; et de même qu'en principe ces biens sont tous, au même titre et au même degré, affectés au payement des dettes qu'ils garantissent, ainsi les créanciers concourent, au même titre et dans la proportion exacte de leurs créances, à la distribution du prix produit par la vente de leur gage com

mun.

Mais cette théorie, si simple en elle-même, est soumise, comme nous l'avons vu, à une multitude de restrictions que la nécessité commande et que la raison approuve. Ces restrictions se rattachent toutes à la théorie des priviléges, des hypothèques, et du droit de rétention, que nous allons étudier.

Ajoutons que certains biens, soit par leur nature même, soit par des raisons d'humanité et d'intérêt public, ont dû être soustraits aux règles ordinaires et déclarés insaisissables. Ainsi les droits d'usage, d'habitation et de servitude, les aliments déclarés insaisissables, les instruments de travail du débiteur, les rentes sur l'État, etc., sont à l'abri de l'action des créanciers. (V. Pr. civ., art. 592.)

Quant à la différence de date entre les diverses créances,

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