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il les frappe. Il est certain que les raisons sous l'empire desquelles il s'établit ont disparu. Le régime dotal se développa surtout aux jours de la décadence romaine, lorsque le mariage était devenu le moyen non d'avoir des héritiers, mais des héritages. Le divorce n'était plus qu'un jeu, et la fragilité des unions avait le double inconvénient d'exposer la dot à de nombreux périls, et de forcer les femmes à convoler à de nouvelles noces. Il importait de protéger leur fortune contre toute atteinte, car, sans dot, elles fussent restées sans mari. Les jurisconsultes romains le disaient nettement et sans périphrases: interest reipublicæ dotes mulierum salvas esse, propter quas nubere possunt. L'inaliénabilité et l'imprescriptibilité du fonds dotal furent donc, tout ainsi que les lois caducaires, un de ces moyens factices auxquels les gouvernements ont recours, lorsque, dans la dissolution des mœurs, l'intérêt devient le premier mobile des mariages, et la seule garantie contre l'anéantissement de la population légitime.

Aujourd'hui le même but n'est plus à atteindre; aussi les rédacteurs du Code voulaient-ils supprimer le régime dotal. Il ne fut maintenu que sur les réclamations unanimes des pays de droit écrit.

De graves raisons peuvent encore le justifier. Lorsque les affaires des époux prospèrent, ses inconvénients se font peu sentir, car le crédit du mari est suffisant pour que les tiers n'aient jamais à compter sur les biens de la femme, et peu leur importe alors qu'ils soient inaliénables ou imprescriptibles.

Si, au contraire, un désastre menace les époux, il est utile de protéger fortement la dot, exposée à tous les coups de la mauvaise fortune, non peut-être dans l'intérêt de la femme, car souvent elle aura pris part aux dépenses exagérées ou aux spéculations téméraires du mari, mais dans l'intérêt des enfants, qui n'ont pu ni prévoir ni empêcher le malheur qui va les frapper. Par là, on épargne aux familles ces irritations

et ces haines domestiques qu'engendre la misère venue après l'opulence, et à l'État un déclassement de personnes, toujours regrettable et parfois dangereux.

CHAPITRE PREMIER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

ART. 1387. La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs, et, en outre, sous les modifications qui suivent.

1388. Les époux ne peuvent déroger ni aux droits résultant de la puissance maritale sur la personne de la femme et des enfants, ou qui appartiennent au mari comme chef, ni aux droits conférés au survivant des époux par le titre de la Puissance paternelle et par le titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation, ni aux dispositions prohibitives du présent Code.

1389. Ils ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l'objet serait de changer l'ordre légal des successions, soit par rapport à eux-mêmes dans la succession de leurs enfants ou descendants, soit par rapport à leurs enfants entre eux; sans préjudice des donations entre-vifs ou testamentaires qui pourront avoir lieu selon les formes et dans les cas déterminés par le présent Code.

1390. Les époux ne peuvent plus stipuler d'une manière générale que leur association sera réglée par l'une des coutumes, lois ou statuts locaux qui régissaient ci-devant les diverses parties du territoire français, et qui sont abrogés par le présent Code.

1391. Ils peuvent cependant déclarer, d'une manière générale, qu'ils entendent se marier ou sous le régime de la communauté, ou sous le régime dotal. Au premier cas, et sous le régime de la communauté, les droits des époux et de leurs héritiers seront réglés par les dispositions du chapitre II du présent titre. Au deuxième cas, et sous le régime dotal, leurs droits seront réglés par les dispositions du chapitre III. << Toutefois, si l'acte de célébration du mariage porte que les époux se sont mariés sans contrat, la femme sera réputée, à l'égard des tiers, capable de contracter dans les termes du droit commun, à moins que, dans l'acte qui

contiendra son engagement, elle n'ait déclaré avoir fait un contrat de mariage.» (L. 10 juillet 1850.)

1392. La simple stipulation que la femme se constitue ou qu'il lui est constitué des biens en dot ne suffit pas pour soumettre ces biens au régime dotal, s'il n'y a dans le contrat de mariage une déclaration expresse à cet égard. La soumission au régime dotal ne résulte pas non plus de la simple déclaration faite par les époux, qu'ils se marient sans communauté ou qu'ils seront séparés de biens.

1393. A défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou le modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre II formeront le droit commun de la France.

1394. Toutes conventions matrimoniales seront rédigées, avant le mariage, par acte devant notaire. Le notaire donnera lecture aux parties du dernier alinéa de l'art. 1391, ainsi que du dernier alinéa du présent article. Mention de cette lecture sera faite dans le contrat, à peine de dix francs d'amende contre le notaire contrevenant. Le notaire délivrera aux parties, au moment de la signature du contrat, un certificat sur papier libre et sans frais, énonçant ses nom et lieu de résidence, les noms, prénoms, qualités et demeures des futurs époux, ainsi que la date du contrat. Ce certificat indiquera qu'il doit être remis à l'officier de l'état civil avant la célébration du mariage. » (L. 10 juillet 1850.)

1395. Les conventions matrimoniales ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage.

1396. Les changements qui y seraient faits avant cette célébration doivent être constatés par acte passé dans la même forme que le contrat de mariage. Nul changement ou contre-lettre n'est, au surplus, valable sans la présence et le consentement simultané de toutes les personnes qui ont été parties dans le contrat de mariage.

1397. Tous changements et contre-lettres, même revêtus des formes prescrites par l'article précédent, seront sans effet à l'égard des tiers, s'ils n'ont été rédigés à la suite de la minute du contrat de mariage; et le notaire ne pourra, à peine des dommages et intérêts des parties, et sous plus grande peine s'il y a lieu, délivrer ni grosses ni expéditions du contrat de mariage sans transcrire à la suite le changement ou la contre-lettre.

1398. Le mineur habile à contracter mariage est habile à consentir toutes les conventions dont ce contrat est susceptible; et les

conventions et donations qu'il y a faites sont valables, pourvu qu'il ait été assisté, dans le contrat, des personnes dont le consentement est nécessaire pour la validité du mariage..

Des stipulations PERMISES OU INTERDITES dans le contrat de mariage. - Nous savons que les futurs époux ont toute liberté dans leurs conventions matrimoniales, à la seule condition de respecter l'ordre public et les bonnes mœurs. Il est en général facile de distinguer si une stipulation a ou n'a pas un caractère illicite ou immoral. Toutetois le Code a cru nécessaire de s'expliquer sur certaines clauses qui au premier abord ne semblent avoir rien que de très-licite, et qui cependant sont de nature à intéresser plus ou moins l'ordre public. Ainsi, aux termes de l'art. 1388, les époux ne peuvent toucher à aucun des droits qui servent de fondement à la constitution même de la famille, et particulièrement à ceux résultant de la puissance maritale et paternelle. D'où il suit que, nonobstant toute convention contraire, le mari a toujours le droit de choisir le lieu du domicile commun, d'accorder ou de refuser à sa femme l'autorisation de contracter ou d'ester en justice, etc., et que pareillement il a celui de diriger comme il l'entend l'éducation de ses enfants, de leur accorder ou de leur refuser son consentement lorsqu'ils veulent se marier, de les émanciper ou de ne pas les émanciper, etc.

De là encore cette conséquence que les époux ne pourraient pas valablement convenir, dans leur contrat de mariage, que les garçons seraient élevés dans la religion du père et les filles dans la religion de la mère, car une telle convention porterait atteinte à la puissance du père, qui est libre de faire élever ses enfants, sans distinction de sexe, suivant les idées et les principes qui lui paraissent les meilleurs.

L'art. 1388, après avoir mis la puissance maritale et paternelle à l'abri de toute atteinte, ajoute que les futurs époux ne peuvent pas non plus déroger aux droits qui appartiennent au mari comme chef. Quel est le sens de cette expression? Si elle ne fait allusion qu'à la puissance maritale et paternelle,

elle est évidemment inutile. Aussi faut-il lui reconnaître une portée plus étendue, et voici laquelle. Le mari n'est pas seulement le chef de la famille, il est encore celui de la communauté, et, à ce titre, il est investi de certains pouvoirs que le Code définit. Or la loi prohibe, et avec raison, toute stipulation qui tendrait à diminuer ses droits comme chef de la communauté. Elle veut l'unité dans l'administration de cette communauté, et la femme tenterait vainement de se l'arroger en tout ou partie par une convention de mariage si la femme veut conserver le gouvernement de sa fortune, qu'elle adopte le régime de la séparation de biens; celui de la communauté n'admet pas de telles restrictions aux pouvoirs du mari administrateur.

Est encore interdite toute dérogation à l'ordre légal des successions, soit que les parties aient voulu régler le partage de leur propre succession allant à leurs enfants, ou de la succession de leurs enfants venant à eux, ou enfin de la succession des enfants qui prédécéderaient allant aux enfants survivants. Les motifs de ces diverses prohibitions sont faciles à saisir. Les époux ne peuvent pas d'abord disposer de leur propre succession, parce que le contrat de mariage est essentiellement irrévocable, et que toute libéralité faite pour l'époque du décès doit au contraire rester essentiellement révocable, ainsi que nous l'avons vu en étudiant les testaments. Ils ne peuvent pas non plus faire des dispositions relatives aux successions de leurs enfants, parce que, outre leur irrévocabilité qui les condamne, elles constitueraient de véritables susbtitutions pupillaires qui ne sont point permises par notre législation. Lorsque les enfants ne peuvent pas faire leur propre testament, la dévolution de leurs biens se fait selon la loi, et le père ne peut jamais tester à leur place.

Dans le but de faire disparaître l'usage où l'on était autrefois de s'en référer à telle ou telle coutume, et pour assurer ainsi le succès de la législation nouvelle dans les mœurs publiques et dans la pratique notariale, le Code défend aux par

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