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la difficulté. La succession ouverte est dévolue à deux héritiers. Un créancier du défunt accepte l'un des héritiers comme débiteur pur et simple, et il demande contre l'autre la séparation des patrimoines. Au premier il ne pourra évidemment demander que la moitié de la dette, puisque chaque héritier n'est tenu personnellement que de sa part dans le passif. Mais s'il s'adresse d'abord au second, ne peut-il pas lui demander toute la dette? La raison de douter vient de ce que, dans ce dernier cas, il poursuit plutôt les biens héréditaires que l'héritier. En d'autres termes, par la séparation des patrimoines, il semble agir réellement et non personnellement contre l'héritier, et il est dans une situation analogue à celle d'un créancier hypothécaire qui peut toujours poursuivre pour le tout le recouvrement de la créance sur chacun des immeubles qui lui sont hypothéqués.

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Ceux qui voient dans la séparation des patrimoines un véritable privilége admettent l'affirmative, et avec raison, puisque le privilége, comme l'hypothèque, doit emporter l'indivisibilité de la poursuite 1. Mais nous avons dit que tradition historique et l'équité ne permettent pas d'adopter ce système, et, si le principe est rejeté, il doit en être de même. de la conséquence. La séparation des patrimoines doit, à notre avis, se concilier avec le principe que les dettes se divisent de plein droit entre tous les héritiers, et qu'elles naissent dans leurs personnes aussi distinctes que si chacun avait contracté séparément. Dès lors le créancier qui demande la séparation des patrimoines contre un seul héritier ne peut la demander et l'obtenir que pour sauvegarder sa part de créance contre cet héritier, et il excéderait son droit en prétendant que la séparation obtenue contre l'un peut lui garantir la part dont l'autre héritier est tenu dans la même dette. Nous avons vu un résultat identique dans le cas où la séparation des patrimoines résulte, non plus de la demande formée par

1 Gabriel Demante, Revue crit. de jurispr., 4o année, p. 177.

les créanciers ou légataires de la succession, mais de l'acceptation par les héritiers sous bénéfice d'inventaire. Une telle acceptation ne fait pas obstacle à la division des dettes, et chacun des héritiers bénéficiaires ne peut être poursuivi que pour sa part dans le passif de la succession 1.

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De la CESSION des CRÉANCES PRIVILÉGIÉES. La loi ne permettant pas aux particuliers de créer des priviléges, on ne peut faire un placement avec cette sorte de garantie qu'en se rendant cessionnaire d'une créance privilégiée. Dans ce cas, le cessionnaire est entièrement substitué au cédant, et en ce qui touche l'étendue de ses droits et en ce qui concerne la manière de les conserver (art. 2112).

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De la TRANSFORMATION des PRIVILÉGES en HYPOTHÈQUES LÉGADégénèrent en hypothèques légales tous les priviléges qui doivent être inscrits dans un certain délai, lorsque ce délai est expiré sans qu'il ait été pris d'inscription. Au lieu de les estimer causâ, on les estimera désormais tempore. Les priviléges qui sont ainsi susceptibles de dégénérer en hypothèques légales sont :

1o Le privilége des cohéritiers ou copartageants qui, après les soixante jours, ne produit son effet qu'à compter de la date de son inscription;

2o Le privilége des architectes et ouvriers, envisagé dans ses rapports avec les hypothèques constituées postérieurement aux travaux ;

3o Enfin le privilége des créanciers et légataires de la succession, qui, après les six mois, ne prend rang qu'à compter du jour où il est inscrit.

1 Aubry et Rau, t. IV, p. 245, note 53.

Mourlon, t. III, no 1419.

CHAPITRE III

DES HYPOTHÈQUES.

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ART. 2114. L'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation. Elle est, de sa nature, indivisible et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles. Elle les suit dans quelques mains qu'ils passent.

2115. L'hypothèque n'a lieu que dans les cas et suivant les formes autorisées par la loi.

2116. Elle est ou légale, ou judiciaire, ou conventionnelle.

2117. L'hypothèque légale est celle qui résulte de la loi. L'hypothèque judiciaire est celle qui résulte des jugements ou actes judiciaires. L'hypothèque conventionnelle est celle qui dépend des conventions et de la forme extérieure des actes et des contrats.

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2118. Sont seuls susceptibles d'hypothèques : 1° les biens immobiliers qui sont dans le commerce et leurs accessoires réputés immeubles; -2° l'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le temps de sa durée.

2119. Les meubles n'ont pas de suite par hypothèque.

2120. Il n'est rien innové, par le présent Code, aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtiments de mer.

-

DÉFINITION et CARACTÈRES de l'hypothèque. L'hypothèque est un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation.

Nous allons successivement examiner ses caractères essentiels, naturels et accessoires.

Caractères ESSENTIELS.

L'hypothèque est :

1° Un droit réel, car elle donne un droit de préférence et un droit de suite;

2o Un droit accessoire, car elle est précisément constituée pour garantir l'exécution d'une obligation principale;

3° Un droit immobilier au point de vue de son objet, car elle ne peut porter que sur des immeubles, mais presque toujours mobilier au point de vue de la créance garantie,

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puisque les créances immobilières sont très-rares dans notre droit actuel.

Faut-il dire qu'elle est un démembrement de la propriété ? Certains auteurs soutiennent la négative, en se fondant sur l'art. 543 du Code, qui énumère les divers démembrements de la propriété, et ne comprend pas parmi eux l'hypothèque. Cependant il paraît difficile de ne pas admettre l'opinion contraire, car la capacité pour constituer hypothèque doit être, sauf exception, la même que pour aliéner; de plus, l'hypothèque se prescrit comme la propriété, et enfin il est incontestable que le débiteur n'a plus, sur l'immeuble hypothéqué, un droit d'abusus complet. Ainsi, il ne pourrait pas démolir la maison qui garantit le payement de la dette: or, si son droit de disposer est amoindri, ce ne peut être qu'au profit du créancier, qui dès lors a acquis une fraction de la propriété. On dirait en vain que le droit d'hypothèque pouvant, à la différence de l'usufruit, de l'usage ou de l'habitation, être éteint par le propriétaire de l'immeuble au moyen du payement de la dette qu'il est libre de faire quand il lui plaît, manque du caractère essentiel de l'inviolabilité qui appartient à la propriété ou à ses démembrements. On répondrait que la propriété elle-même ne jouit pas toujours du privilége de l'inviolabilité et que, par exemple, le propriétaire d'un mur peut être contraint d'en céder à prix d'argent la mitoyenneté à son voisin qui la réclame au gré de son intérêt ou de son caprice. Il est donc permis de conclure que l'hypothèque n'est pas seulement un droit réel, mais encore un démembrement de la propriété 1.

Caractères Naturels. L'hypothèque est naturellement indivisible comme le gage et le privilége, et si quatre immeubles, par exemple, ont été hypothéqués pour une dette de 40, et que le débiteur meure laissant quatre héritiers dont chacun prendra un immeuble dans le partage, celui d'entre

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eux qui aura payé sa part dans la dette n'aura pas affranchi son immeuble de l'hypothèque, tant que ses cohéritiers ne se libérés.

seront pas

Réciproquement, si le créancier mourait laissant quatre héritiers, et que l'un d'eux fùt payé de sa part dans la créance, ses cohéritiers n'en conserveraient pas moins leur droit d'hypothèque sur les quatre immeubles.

L'indivisibilité est admise par la loi, comme résultant de la convention tacite des parties, et une déclaration contraire suffirait pour la faire disparaître.

Caractères ACCESSOIRES. L'hypothèque peut être, ainsi que la créance, pure et simple, ou même à terme ou sous condition, s'il y a eu, à cet égard, convention expresse; mais, comme l'accessoire ne peut excéder le principal, l'hypothèque donnée purement et simplement pour une créance à terme ou sous condition, serait nulle; tandis qu'au contraire, une hypothèque à terme ou sous condition, donnée pour une obligation pure et simple, serait valable.

Un régime hypothécaire exerce la plus grande influence sur le crédit public, et c'est pourquoi la loi fixe rigoureusement les formes et les conditions de l'hypothèque.

Des DIFFÉRENTES ESPÈCES d'hypothèques. -Les hypothèques sont légales, judiciaires, ou conventionnelles, suivant qu'elles résultent de la loi, des jugements ou actes judiciaires, ou enfin de la convention des parties. Nous examinerons plus loin la nature et les effets de ces différentes sortes d'hypothèques.

Des BIENS SUSCEPTIBLES ou NON d'être hypothéqués. — Les immeubles seuls peuvent être hypothéqués; par exception, certains ne le peuvent pas, soit parce que la vente en est impossible, soit parce qu'elle serait peu profitable. Nous allons successivement examiner la règle et les exceptions.

I. Des immeubles qui PEUVENT être hypothéqués. Peuvent être hypothéqués :

1° Les immeubles par nature qui sont dans le commerce.

TOME III.

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