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LA VILLE ET LA RADE D'ALGER PRISES DU COTE DE L'OUEST.

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caine dont ils ont adopté les usages; puis les Mozabis qui demeurent au delà du territoire algérien, mais qui y viennent souvent pour le trafic; enfin les Gademis qui font beaucoup de commerce avec l'intérieur de l'Afrique, et en transportent les plus riches productions à Alger. On compare le climat d'Alger à celui du midi de l'Espagne des brises venant de la mer rafraî- | chissent la température le matin et le soir. En été la chaleur atteint 26 à 32°; en hiver on a une température douce de 10 à 15o. Depuis octobre jusqu'en mars il pleut par intervalles; on cite comme une preuve de l'égalité du climat l'état du baromètre qui ne varie que de 1 pouce 8/10. Comme le pays s'élève par trois terrasses ou plateaux jusqu'au mont Atlas, il offre diverses températures, en sorte qu'il est favorable à la fois aux productions de l'Europe méridionale et des contrées entre les tropiques. En grains, la terre rapporte 12 à 15 pour un; le sol serait un des plus productifs s'il était bien exploité, et si le despotisme n'avait longtemps arrêté la main du cultivateur. Les grains, les dattes et l'huile y abondent. On pourrait tirer d'Alger des blés durs et des blés mous. Les oliviers sont négligés, et on donne peu de soin à l'extraction de l'huile. La vigne prospère dans ce terrain. Les orangers, les grenadiers, les noyers, les figuiers et d'autres arbres fruitiers se voient dans les jardins. Alger produit de belles soies. On cultive des melons, des cannes à sucre; les palmiers, les cèdres, les cyprès sont l'ornement des campagnes. Le royaume n'a qu'une seule rivière un peu considérable, le Chellif, qui se jette dans la mer à l'ouest du cap Tennis. Les ruisseaux et les petites rivières qui descendent des montagnes, arrosent des pâturages où l'on élève des moutons dont la laine est susceptible d'être bien teinte. Dans ces pâturages, on nourrit aussi des chameaux, des chevaux, des chèvres et d'autres animaux domestiques. Le pays fournit plusieurs espèces de gibier. Le sol n'a pas encore été suffisamment exploré pour que l'on puisse connaître les richesses minérales d'Alger. On n'a vu jusqu'à présent d'autres métaux que du fer et du plomb; on trouve du sel de roche dans les montagnes.

Le royaume d'Alger se compose de trois provinces ; ce sont celles d'Oran à l'ouest, de Titteri au milieu, et de Constantine à l'est; chacune était gouvernée par un bey. Alger, la capitale, est située sur une rade presque semi-circulaire, garnie de batteries; elle occupe la pente de la côte; ses maisons blanches s'élevant les unes derrière les autres présentent du côté de la mer

un aspect assez singulier. Le port bien fortifié est pour une flotte ennemie d'une approche difficile. Une citadelle également très-forte, et appelée la Casauba, domine à la fois la ville et le port. C'était la résidence du dernier dey. La ville est enceinte d'une muraille haute de 20 pieds et percée seulement de deux portes. A l'exception de la rue de la Marine et de la rue de Babazone, on ne trouve dans la ville que des ruelles; les maisons bâties en brique et recouvertes de chaux ne sont percées que de petites fenêtres. Alger ne renferme que peu d'édifices particuliers de marque; car les riches ont leurs palais au dehors de l'enceinte. On trouve dans la ville plusieurs mosquées, des bains publics et des bazars. Depuis que les Français occupent le pays, il y a aussi un hôpital avec une école médicale et chirurgicale, une église catholique, des auberges, des cafés, des cabinets de lecture, une imprimerie du gouvernement qui publie un journal (le Moniteur algérien); beaucoup d'artisans européens y ont ouvert des ateliers. En 1833 on comptait à Alger 25,000 âmes, dont 10,000 Mores, plus de 6,000 Européens, 5,000 juifs, et 2,000 nègres, Bédouins et Berbères. Les trois colléges musulmans sont principalement destinés à l'instruction des Kabyles. Il y a aussi plusieurs petites écoles et des pensionnats tenus par des Français. Les indigènes fabriquent du maroquin, des bonnets façon du Levant, des tapis, de beaux châles, et de l'essence de rose. Outre les productions de son territoire, lequel comprend, au moins 70,000 hectares de bois, des mines de fer, de cuivre, des carrières et des sources minérales qui ne demandent qu'à être exploitées, et les produits de ses manufactures, Alger exporte aussi des plumes d'autruche, du corail, de la poudre d'or, et quelques autres articles africains. Le commerce est en grande partie entre les mains des juifs; ce peuple s'enrichissait même sous le régime despotique des deys, malgré les avanies dont il était accablé. Dans tous les quartiers il y a des changeurs de monnaie. Outre les pièces françaises, on y voit circuler la monnaie du Levant, telle que le boudjon, pièce d'argent de la valeur de 1 fr. 88 cent., et la pentaquechique qui est le tiers du boudjou. Autrefois les habitants riches cachaient leurs trésors, et affectaient un air indigent pour ne pas exciter la cupidité du dey. Les musulmans, même ceux qui sont riches, n'ont ordinairement qu'une épouse, mais ils entretiennent des femmes esclaves noires. On voit rarement en public les femmes de distinction. Elles font beaucoup de dépense pour leur pa

rure, et elles exercent un grand empire dans lars; ils recevaient en retour du sultan des muleurs maisons. nitions de guerre et de marine. « Le gouver

Alger est maintenant la résidence du gouvernement d'Alger, dit le consul américain Shaler, neur et des autres autorités françaises; elle a une garnison de quelques milliers d'hommes. A un quart de lieue de la ville est situé sur une élévation le fort de l'Empereur : c'est un édifice carré très-solide dont les batteries dominent à la fois la ville et les vaisseaux du port. Au-dessous de ce fort, sur la plage, est un autre fort appelé le Fort de l'eau, et de l'autre côté de la ville on voit un troisième fort, nommé le Fort anglais. L'ancien palais de MustaphaPacha, situé entre la ville et la plaine de Médidja, sert maintenant de caserne. Une foule de petits châteaux appartenant aux riches habitants d'Alger sont disséminés sur les hauteurs d'alentour.

Le port d'Alger est compris entre la côte et l'île du Fanal, qu'un môle unit au continent. Toute la rade d'Alger offre un bon mouillage pour les bâtiments de commerce. La côte est poissonneuse, et on y fait la pêche du corail. Il y a aussi de bons ports à Boudjeïah, ville de 2,000 âmes, et ancien dépôt de la marine d'Alger, dans le golfe de Stara; les navires étrangers fréquentent, outre Alger, les ports de Bone et d'Oran où se font quelques affaires de commerce. La rade d'Oran peut recevoir des flottes; elle est défendue par un fort bâti par les Espagnols. On remarque encore la ville de Constantine sur la petite rivière de Rummal, résidence d'un bey; c'est l'ancienne Cirta dont Caligula fit la capitale de la Mauritanie Césarienne, et que Constantin fit rebâtir. On y trouve encore beaucoup de restes de monuments anciens. En 1831 on y comptait 30,500 âmes. De plus, Tlemsel ou Tremecen, qui, autrefois capitale d'un royaume, n'a plus que 3,000 habitants; Belidah, ville de 8 à 10,000 âmes, dans la plaine de Medidjah; enfin Mediah, ville aussi grande que la précédente, et chef-lieu de la province de Titteri. La plage de Gigery est habitée par une race féroce. Enfin à Anzew on exploite de belles mines de sel.

Alger était une des trois régences barbaresques, et dépendait d'abord de la Turquie; dans la suite les deys qui la gouvernaient ne rendirent plus à leur ancien suzerain, le grand sultan, que des hommages insignifiants; la Turquie confirmait leur élection, et leur donnait à cette occasion ordinairement le titre de pachas à trois queues. Dans les temps prospères, ils envoyaient tous les trois ans au sérail de Constantinople un présent de la valeur d'un demi-million de dol;

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qui le vit à sa fin, est dans le fait une république' militaire avec un chef élu pour la vie : c'est, en petit, l'empire romain après la mort de Commode. »> L'État était gouverné ostensiblement par le dey et par un divan ou grand conseil, dont les membres étaient en nombre indéfini, et qui se composait d'anciens commandants militaires. C'est au divan qu'il appartenait d'élire un dey après la mort du précédent; mais il lui arrivait rarement d'exercer ce droit. Le plus souvent une faction de janissaires déposait et massacrait le dey, et en mettait sur le trône un autre pris parmi eux. Aussi les deys périssaient presque toujours de mort violente: on poursuivait alors ses parents et amis, on les massacrait ou on les exilait, on pillait leurs maisons ainsi que le trésor du dey. Tout soldat enrôlé dans le corps des janissaires était apte à régner; il ne pouvait refuser ce dangereux honneur s'il lui était offert, et il en jouissait aussi longtemps qu'il plaisait ainsi à la turbulente soldatesque. Une fois élevé au trône, il était revêtu d'un pouvoir illimité, et pouvait se livrer à un despotisme absolu. Ses principaux officiers étaient nécessairement pris parmi les janissaires, et ce corps ne se recrutait au Levant, pour ainsi dire, que dans la lie du peuple, en sorte que, pour nous servir d'une expression de Shaler, la population d'un État consistant en un million d'âmes était depuis trois siècles à la merci d'une poignée d'étrangers, la plupart Turcs et renégats, tous ramassés parmi les échappés des prisons et dans le rebut de la société. Jamais More n'était admis dans cette milice. Il y avait dans les ports de Constantinople et de Smyrne des agents algériens chargés de recruter, avec la permission du sultan, pour le corps des janissaires qui se composait d'environ 4,000 soldats. Ils n'avaient d'abord qu'une paye trèsmédiocre, deux livres de pain par jour, avec le logement dans les casernes d'Alger; mais leur paye augmentait en raison du temps de leur service, et ils avaient la perspective d'entrer dans le divan, et d'obtenir des postes lucratifs. Indépendamment de ce corps, il y avait 10 à 12 mille hommes de troupes indigènes, répandues dans le royaume, mal disciplinées, et servant principalement à faire payer les impôts ou les contributions de guerre, La marine algérienne se composait, au moment de l'expédition française, de 14 bâtiments de guerre, savoir 3 frégates, 2 corvettes, 2 bricks armés, 5 schooners, une

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